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Yamaha élabore le vélo électrique du futur à Saint-Quentin

Industrie. L’usine Yamaha de Saint-Quentin (Aisne) anciennement Motobécane puis MBK, inaugurait sa nouvelle chaine d’assemblage de moteurs électriques EDRIVE pour vélos à assistance électrique. L’occasion de revenir sur l’histoire du site et sur la façon dont il se projette dans l’avenir.

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  • Photo de la nouvelle chaine de production
    La nouvelle chaine de production devrait sortir 45 000 moteurs dans l’année pour monter progressivement en puissance à 300 000. (Crédit : Yamaha)
  • Photo de Éric de Seynes
    Éric de Seynes (Crédit : YAMAHA)

« Chaque habitant a une histoire avec l’usine Yamaha », confie la maire de Saint-Quentin Frédérique Macarez, qui a entrepris avec son équipe municipale une opération d’archivage d’images et vidéos de la ville. « Il n’est pas rare d’y apercevoir sur les images, la fameuse Bleue Motobécane. » Pour comprendre cet attachement, il faut remonter 100 ans en arrière, car c’est en 1923 que la marque est lancée, tout d’abord à Paris.

« En regardant ce passé, on s’aperçoit qu’il y a eu quatre transitions majeures, et à chaque fois, cette usine, cette marque qui était Motobécane, puis MBK, puis Yamaha a su répondre aux évolutions profondes de la société en termes de mobilité et de solutions de déplacement », indique Éric de Seynes, Président de Yamaha Motor Europe jusqu’en janvier 2024 et actuel président du Conseil de Surveillance Yamaha Europe.

De nombreux succès au fil du XXe siècle

« L’entreprise se créée en 1923, avec une moto, un monocylindre, deux temps sur 75 cm³ et deux ans après, la loi française change et commence à légiférer l’accès aux véhicules. Et déjà, est reconnu un véhicule qui peut être utilisé sans contrainte : la bicyclette à moteur assisté, l’ancêtre du cyclomoteur. Tout de suite, Motobécane se positionne sur ce marché populaire et novateur qui permet d’apporter une solution de liberté des mobilités individuelles et peu coûteuse. Cela va être le premier succès de Motobécane. »

Après-guerre, l’automobile étant difficilement accessible, Motobécane lance sa première mobylette, la V2, en 1949. La réponse est immédiate avec « un succès formidable », qui conduit l’enseigne à se déplacer à Saint-Quentin, en 1951, au centre-ville, où pour démarrer, il y avait huit ouvriers à peine pour faire l’assemblage de la mobylette. « Autant dire que la vision stratégique n’était pas tout à fait au point car 5 ans plus tard, ce sont plus de 1 500 personnes qui étaient employées, amenant le déplacement du site de production sur la zone du Rouvroy », précise Éric de Seynes. Plus de 15 millions de mobylettes y seront produites. « Dans les années 80, les mobilités changent à nouveau, avec l’éclosion du scooter. Ce virage, nous ne l’avons pas vraiment vu venir et l’entreprise se retrouve en grande difficulté dans cet effort de transformation fondamental. » C’est à cette période que Yamaha entre au capital de Motobécane puis en 1986, en prend la majorité en faisant le pari du « Booster », confié à la marque historique, comme LA chance de relancer l’usine. Plusieurs millions d’unités seront alors produites pendant 25 ans de ce « véhicule iconique d’une génération ».

Mais comme tout produit, il finit par devenir « passé de mode » et aujourd’hui, c’est au cœur d’un nouveau mouvement de mobilité, écologiquement responsable, que la marque se positionne. « Le vélo à assistance de pédalage électrique est une des solutions adoptées par les populations en Europe. Lorsqu’on arrive à un marché supérieur à 6 millions d’unités, on est sur un marché industriel et il était temps que Yamaha investisse sur ces marchés avec ambition et confiance. »

4,5 millions d’euros d’investissement

C’est tout le sens de l’installation de cette nouvelle ligne de production de moteurs, avec un investissement important, de 4,5 millions d’euros aussi bien sur les machines que sur le bâtiment, les recrutements et la formation faite en amont. On y retrouve ainsi les trois piliers qu’Éric de Seynes juge nécessaires dans l’avenir d’une entreprise : « L’investissement, l’humain et l’outil de production. »

Car si Yamaha investit, c’est aussi car historiquement, la marque est pionnière dans ce procédé. « Acteur de la mobilité deux roues depuis 1955, l’entreprise a inventé le premier vélo à assistance électrique produit en série il y a plus de 30 ans. Ce vélo embarquait un nouveau système appelé PASS, pour « Power assist system » dans lequel un moteur électrique proposait pour la première fois une assistance de pédalage naturel. Il a connu un succès immédiat dès son lancement », indique Clément Villet, directeur des Activités Mobilités terrestres.

« Cette solution répondait aux problématiques d’une société japonaise en pleine évolution faisant face à des défis en matière d’énergie et d’environnement, d’engorgement du trafic et de vieillissement de la population. Depuis, Yamaha a sans cesse fait évoluer ce concept et, il y a plus de 10 ans, a commencé à fournir aux fabricants de vélos en Europe – devenu premier marché mondial – des kits comprenant moteurs, batteries, écrans d’affichage et chargeurs dédiés. »

Un moteur plus petit et plus léger

En 2013, la marque lance un moteur produit à plus de 8 millions d’unités qui, au fil des ans, a connu des évolutions majeures, le rendant plus accessible, plus compact et « offrant une assistance de pédalage plus douce et plus linéaire ». Le nouveau moteur produit aujourd’hui sur le site du Rouvroy, est « encore plus petit, plus léger et avec un impact environnemental réduit grâce à l’utilisation moindre de matériaux rares. » Avec un poids de 2,85 kg, sa légèreté en fait un atout, notamment dans les montées en côte.

L’Europe est devenue le premier marché mondial du vélo à assistance électrique, avec des investissements massifs effectués par les pouvoirs publics, qui ont développé plus de 12 000 km de pistes cyclables.

« 8 vélos sur 10 vendus en Europe sont assemblés en Europe. » 20 millions de vélos sont ainsi vendus chaque année avec une part du vélo électrique en constante augmentation, représentant aujourd’hui plus d’un quart des ventes, soit 5,5 millions d’unités. « Ce ratio devrait atteindre 50% du marché d’ici 2030 », signale ainsi Clément Villet. C’est pourquoi, pour son développement, Yamaha s’appuie sur un solide réseau de partenaires, avec en premier lieu, le groupe Accell, « client historique ».

Toutes ces adaptations au marché ainsi que le changement de nom du site du Rouvroy au 1er janvier 2024, ont permis à Yamaha Motor Manufacturing Europe (YMME) de générer un chiffre d’affaires de 418 millions d’euros en 2023, avec plus de 630 personnes permanentes employées sur le site de Saint-Quentin. « 45 000 moteurs seront fabriqués cette année avant d’atteindre une pleine capacité de production de 300 000 moteurs dans les trois prochaines années », fait savoir Patrice Maciejewski, président Yamaha Motor Manufacturing Europe.