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Insertion : un plan de sauvetage se dessine pour les 140 emplois menacés de Cocagne Haute-Garonne

Interview. Cocagne Haute-Garonne, qui regroupe cinq structures d’insertion et accompagne une centaine de personnes en difficulté, sollicite l’aide de l’État et du Département pour résorber une perte exceptionnelle de 500 K€ et continuer à fonctionner. L’appel à la mobilisation lancé le 16 mai 2024 a payé. Un plan de sauvegarde des emplois est à l’étude. Explications avec Rémy Martin, son codirecteur.

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Photo de l'équipe de Cocagne Haute-Garonne
Cocagne Haute-Garonne regroupe, dans le département, cinq structures d’insertion qui accompagnent une centaine de personnes en difficulté (©Cocagne Haute-Garonne).

Rappelez-nous ce qu’est Cocagne Haute-Garonne ?
Rémy Martin :
« Cocagne Haute-Garonne regroupe sept organismes dans le département dont quatre coopératives d’intérêt collectifs, les Jardins de Cocagne du Comminges, du Volvestre, du Girou et du Ricotier. Elles ont agrément atelier chantier d’insertion. Leur métier est de proposer du travail, un accompagnement et des formations à des personnes en difficulté via des activités économiques que sont le maraîchage biologique, la logistique, la transformation et les espaces verts. »

Vous mentionniez sept structures. Quelles sont les trois autres entités ?
Rémy Martin :
« Il y a également Cocagne Alimen’Terre, une association qui a, elle aussi, un agrément atelier chantier d’insertion et qui travaille sur l’accessibilité alimentaire, c’est-à-dire le bien manger pour tous ; Afidel, une association d’accompagnement de demandeurs d’emploi ; et enfin un groupement d’employeurs qui permet de mutualiser les fonctions support des différentes structures.
L’ensemble représente près de 170 salariés. Nous avons un modèle économique hybride, avec des ressources pour deux tiers basées sur des subventions et pour tiers issues de nos activités économiques, soit un budget d’environ 5 M€. »

Quel public ciblez-vous ?
Rémy Martin :
« Nous accueillons les bénéficiaires du RSA, les demandeurs d’emploi de longue durée, les jeunes sans qualification… Bref des personnes pour lesquelles le chemin de l’emploi est semé d’embûches. Nous employons ainsi une centaine de personnes en difficulté dans nos cinq ateliers chantiers d’insertion. »

Plus précisément, quelle est la vocation de Cocagne Alimen’Terre ?
Rémy Martin :
« L’association récolte de l’argent auprès de fondations privées et des pouvoirs publics pour développer notre opération "paniers solidaires". Sur les 1 200 paniers de fruits et légumes bio produits par nos quatre Jardins et livrés chaque semaine, 300 à 400 sont en effet vendus au tiers du prix à des personnes qui ont peu de moyens. Depuis décembre, elle assure également un rôle logistique dans le cadre du partenariat qui lie le réseau des Jardins de Cocagne (soit une centaine en France) et la Banque alimentaire. »

Vous dépendez pour beaucoup des subventions publiques. D’où proviennent vos difficultés financières ?
Rémy Martin :
« Comme tout organisme à but non lucratif qui intervient au services des politiques de l’État et des collectivités, il est normal que nous percevions ces subventions. Nous faisons en effet partie de la grande famille de l’insertion par l’activité économique qui prévoit des financements pour les structures agréées. Sauf que les financements ne suffisent plus. »

Pouvez-vous être plus précis ?
Rémy Martin :
« D’une part, les subventions n’ont pas suivi le même rythme que l’inflation. Et puis surtout, après le Covid, dans le cadre du plan France Relance, nous avons été sollicités pour développer de nouveaux projets. Comme nous aimons entreprendre, nous avons répondu présents. Nous avons donc investi dans de nouveaux moyens de travail. »

Quels sont les investissements que vous avez réalisés ?
Rémy Martin :
« Au Jardin du Volvestre, nous avons créé une micro-plateforme de logistique comprenant une chambre froide, une salle de stockage et un laboratoire de transformation. Il s’agissait de mieux valoriser les productions bio du sud toulousain, en lien avec d’autres agriculteurs.
Au Jardin du Girou, avec Terre de Liens, une fondation qui permet d’acquérir du foncier pour faciliter l’installation d’exploitations bio, nous avons fait l’acquisition d’une ferme de 14 ha à Villemur-sur-Tarn. Un projet également soutenu par France Relance pour créer une nouvelle activité de production de légumes bio en plus grande quantité à destination de la restauration collective. »

Que s’est-il passé ensuite ?
Rémy Martin :
« Pour gérer ces nouvelles activités de logistique et de transformation, nous avons clairement affiché dès le début que nous allions créer de nouveaux postes liés à l’insertion. Ce sur quoi on nous avait répondu favorablement. Mais suite à cela, en 2023, nous avons appris que nous n’aurions pas les subventions correspondant à l’augmentation du nombre de postes liée à ces nouvelles activités.
En parallèle de ce changement brusque de la part de l’État, nous avons également appris fin 2023 que sur la totalité des demandes de subventions au titre du Fonds social européen (FSE) que nous avions formulées, nous n’en percevrions que la moitié. »

Dans quelle situation vous retrouvez-vous ?
Rémy Martin :
« Ces deux facteurs font que nous sommes aujourd’hui dans une situation hyper tendue avec une perte exceptionnelle de 500 K€ que nous n’avons pu que constater en fin d’année dernière. A moyen terme, ce sont les cinq structures d’insertion qui sont menacées, soit 140 emplois au total. Nous avons tout de suite alerté l’État et le Département qui gère les fonds FSE. Le problème vient du fait que l’enveloppe attribuée à la Haute-Garonne est restée identique alors même que, dans le cadre du plan France Relance, de nouveaux projets ont émergé avec une augmentation des besoins en terme de financements de la part des ateliers chantiers d’insertion. »

Faute de réponse des pouvoirs publics, le 16 mai 2024, vous avez lancé un appel à la mobilisation dans plusieurs points du département. Pour quel résultat ?
Rémy Martin :
Nous voulions effectivement mieux nous faire entendre parce qu’il nous semblait que l’État et le Département n’avaient pas pris conscience de la gravité de la situation. La mobilisation nous a permis d’être reçu par le sous-préfet de Saint-Gaudens ainsi que par le vice-président du Département et sa directrice des affaires sociales. Nous avons pu discuter avec eux d’un plan d’action pour sauver les emplois. Une conférence des financeurs va être mise en place sous l’égide du Département à laquelle l’État et la Région seront conviés. Du côté de l’État, nous avons obtenu un accord de principe sur l’attribution d’un soutien financier exceptionnel par le biais du Fond départemental d’insertion.

Dans un communiqué commun daté du 15 mai, l’État et le Département indiquaient que votre modèle économique devait être « impérativement revisité ». Que proposez-vous ?
Rémy Martin :
En contrepartie de cette aide exceptionnelle, ils attendent de nous que nous adoptions un plan de sauvegarde et d’adaptation de nos moyens humains et de nos charges à cette baisse des fonds du FSE. Ce plan est finalisé pour les quatre années à venir. Nous devons faire des économies et améliorer notre efficacité, sans pour autant que cela se fasse au dépens de l’activité. Nous allons supprimer deux équivalents temps plein et un mi-temps parmi les permanents et réduire d’une dizaine le nombre de postes en insertion pour nous recentrer sur la bonne gestion de nos structures.