Champagne / In Vino

Champagne J.B HERY : l’esprit des caves

Champagne. À Châlons-en-Champagne, Jean-Benoît Hery redonne vie à d’anciennes crayères, dont il fait le lieu de production de son champagne. Les lieux et le champagne méritent la découverte.

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Photo du champagne J.B HERRY
Les magnifiques crayères maçonnées, sous la colline du Mont Saint-Michel, à Châlons-en-Champagne, sont un lieu idéal pour le vieillissement des cuvées. (Crédit : J.R)

Sait-on bien qu’au XIXe siècle, question champagne, Châlons (sur Marne) se posait en rivale d’Epernay ? La crise du phylloxéra sonnera le glas du développement viticole de la préfecture marnaise où ne subsistera longtemps seule que la Maison Joseph Perrier. Pourtant, sous la colline du Mont Saint-Michel, à l’ouest de la ville, les crayères gallo-romaines sont toujours là, qui ont abrité jadis tant de flacons.

À l’image de celles acquises en 2019 par Jean-Benoît Hery : « J’ai eu un coup de cœur pour ces bâtiments, situés Rue Basse de Compertrix, et leurs 3,5 kilomètres de caves, dont les essors datent effectivement de l’époque gallo-romaine, reliés au fil du temps par des galeries. L’opportunité d’en devenir propriétaire m’étant offerte, je l’ai saisie. Cela me permet de stocker des bouteilles pour mes clients… et les miennes, produites sur place. »

Dire et faire

Produire du champagne ! Le projet ne manque pas d’ambition quand on part de zéro, comme Jean-Benoît Hery, 38 ans, originaire de Possesse, petite commune limitrophe de la Meuse, à une trentaine de kilomètres de Châlons-en-Champagne, aux portes du Vitryat. Après une école de commerce à Paris, avec spécialisation à l’international, Jean-Benoît Hery œuvre depuis plus de 15 ans en qualité d’agent export indépendant dans le commerce du vin en général, et du vin de champagne en particulier.

« Dans le commercial, on dit mais on ne fait pas. Il y a une certaine frustration à ne pas mettre les mains dans le produit. D’où l’envie de faire mes propres cuvées, bien que n’étant pas issu de l’univers du vignoble. »

Sa profession lui permet d’obtenir une carte de négociant. Il acquiert donc le site industriel édifié au tout début du XXe siècle par Ferdinand Sipeyre, important négociant châlonnais en vin, et qui fut exploité jusque dans les années 60 avant d’être loué à de grandes Maisons de champagne. Il aménage les lieux afin de disposer d’un outil de production moderne - notamment d’une cuverie -, achète du raisin, et apprend par lui-même, avec l’aide d’un œnologue-conseil, l’art de vinifier.

Bulle et effervescence

« En janvier, je vais procéder à mon 4e tirage. Je stresse un peu moins ! Faire du champagne, c’est du boulot, surtout lorsque qu’il s’agit d’artisanat. » Et surtout lorsque l’on produit 20 000 bouteilles par an, tout en conservant son activité principale en parallèle.

« Je travaille dans une optique de valorisation du produit, pour obtenir la meilleure qualité possible et mettre en valeur mon travail. » Son champagne, Jean-Benoît Hery le conçoit surtout extra brut ou brut nature, issu du fruit naturel du pinot noir ou du chardonnay, vif, frais, minéral, avec un peu de rondeur, vinifié en cuves inox et en fûts bourguignons de 228 litres, avec fermentation malolactique. « La prise de mousse est longue et lente, grâce à la température des caves à 11° pour donner une bulle qui reste dans le verre. » Pour lui, la bulle et la qualité de l’effervescence sont essentielles. Jean-Benoît Hery élabore un champagne qui lui ressemble : dynamique.

Sa gamme se compose pour l’instant d’un brut héritage

(100 % pinot noir - 25 €), un blanc de blancs et un brut nature blanc de blancs, ainsi qu’un rosé. On pourrait cependant s’étonner de trouver aussi sur son site Internet un brut nature 2002 et plus encore un brut nature 1990 (en magnum), alors qu’il n’élabore son champagne que depuis 2019 et ne commercialise ses bouteilles que depuis fin 2021. « Il s’agit de petites quantités de vin sur lattes qui se trouvaient dans les caves et que j’ai achetées en même temps. Je les commercialise sous ma marque et elles sont la preuve de l’outil exceptionnel de vieillissement que constituent les crayères du Mont Saint-Michel. »

Photo de Jean-Benoît Hery
Jean-Benoît Hery, dans son caveau de dégustation. (Crédit : J.R)

Cette année, un blanc de blancs et un blanc de noirs, issus des vignes qu’il possède à Fleury-la-Rivière, viennent enrichir sa gamme pour une commercialisation fin 2024.

Caves et équipe de production

S’il procède sagement, par étapes, Jean-Benoît Hery ne perd pas de vue le magnifique patrimoine que représentent ses vastes caves, et entend bien le valoriser lui aussi dans le cadre d’un futur projet œnotouristique. Il est d’ailleurs persuadé de la relation qu’il faut établir entre le vin et les crayères du Mont Saint-Michel, que « l’on ne peut faire que du beau champagne dans un bel endroit », et que « les caves font partie de l’équipe de production ».

À ses yeux, les mânes de tous ceux qui ont œuvré ici au long des siècles l’accompagnent. C’est un point de vue philosophie tout à fait respectable. L’esprit des caves, en quelque sorte…