Humeur

Point à la ligne

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Benjamin Busson
Benjamin Busson.

« Il faut permettre à cette langue de vivre, de s’inspirer des autres, de voler des mots, y compris à l’autre bout du monde, de continuer à inventer, mais d’en garder aussi les fondements, les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe. Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots ou des tirées ou des choses pour la rendre visible ».

Les mots sont du Président de la République. Ils ont été prononcés le 30 novembre dernier lors de la cérémonie d’inauguration de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts.

Ce même jour, le Sénat a adopté une proposition de loi pour interdire l’usage de l’écriture inclusive. Enfin, pourrait-on dire, après des années de torture visuelle à subir les tentatives d’assauts de cette forme de militantisme scriptural.

La cause féministe ou l’amélioration de l’égalité femme-homme ont-elles réellement aucunement besoin de points ou de tirets pour les défendre ? Ou s’agit-il davantage d’un outil saisi avec le plus grand opportunisme par les militants, qu’ils soient hommes ou femmes, et les défenseurs du wokisme désireux d’imposer des idées artificiellement progressistes.

La féminisation des mots, fort heureusement en marche contribue sans doute davantage à reconnaître et surtout à mettre sur le devant de la scène les qualités des unes et des autres, trop souvent injustement délaissées par l’histoire.

Mais à vouloir créer à marche forcée un outil aussi illisible qu’imprononçable, ne crée-t-on pas davantage les conditions d’une fracture culturelle et identitaire pour la seule satisfaction d’une minorité militante ?

On est en droit de le penser et de se réjouir au passage de la disparition annoncée des points et des tirets. Et ce sans se voir, par pitié, qualifié de macho réactionnaire ou d’ennemi du progrès, ce dernier, par bonheur, ne pouvant se résumer à triturer des siècles d’évolution culturelle à grand coups de clavier.