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La pandémie, une « tragédie providentielle » pour les achats des entreprises

Achats. La nécessité de relocaliser certains approvisionnements doit notamment être sérieusement envisagée.

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Philippe Dessertine. DR

Philippe Dessertine est optimiste. Pour l’économiste et universitaire français, l’achat est devenu la question la plus brûlante de l’économie post-pandémie tant elle est vitale pour les entreprises. Les tensions d’approvisionnement en matériaux et composants dans le monde entier (pénuries et augmentation de 20 à 50% des prix) viennent amplifier ce phénomène. Et Valérie Hauchart, spécialiste RSE, de rappeler que les achats représentent 60 % du chiffre d’affaires d’une entreprise.

À l’occasion du premier Eco Event de la CCI Grand Est sur le thème des achats durables, organisé début octobre à Metz, Philippe Dessertine l’affirme : « Notre modèle n’est plus adapté pour 8 milliards d’humains en 2030. Un modèle alternatif qui doit répondre aux besoins de 8 milliards d’humains et éviter la destruction de la planète est possible. Il doit également permettre la diminution de l’écart de l’espérance de vie entre les habitants des pays pauvres et des pays riches. » Pour lui, ce changement de modèle a déjà commencé. Il ne sera pas que punitif et sera positif pour l’ensemble des parties prenantes, les clients comme les actionnaires. Le levier de ce changement : les achats responsables.

Accepter de fonctionnement différemment

Abondant les propos des entreprises présentes - Axon’cable, Case à pain, Metzger SAS et Schmidt Groupe - Philippe Dessertine confirme la nécessité de relocaliser certains approvisionnements. Il précise toutefois que pour créer de la richesse - afin de réduire la dette - la France et l’Europe ne doivent pas se refermer sur elles-mêmes. Pour cela, établir des normes à nos frontières pour contraindre les entreprises qui ne sont pas dans une logique Développement durable peut avoir un intérêt.

« La RSE n’est pas antinomique de l’économie et de l’entreprise »

L’Europe y travaille. Mais l’économiste reste interrogatif sur la mise en application de telles mesures et sur les rapports de force que les Etats et l’UE seront en capacité d’établir notamment avec la Chine et l’Inde. Pour Boris Ravignon - Vice-Président en charge de l’économie, des fonds européens et de la commande publique à la Région Grand Est et maire de Charleville-Mézières - il est également nécessaire de « corriger un dysfonctionnement économique en intégrant, autre que le prix, la qualité environnementale et la manière dont le produit a été fabriqué. »

La Région souhaite promouvoir une économie basée sur des achats qui réduisent les risques - notamment ceux de dépendance et de rupture d’approvisionnement - et qui orientent vers des produits respectueux de l’environnement, tenant compte de la finitude des ressources naturelles, éco-conçus et donc recyclable ou réutilisables. Philippe Dessertine le martèle encore, « la RSE n’est pas antinomique de l’économie et de l’entreprise. C’est un état d’esprit qui peut être rationnel du point de vue économique. » Et, un des premiers actes à poser est, selon lui, d’accepter de fonctionner différemment.