Mohand Ben Bournane
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Mohand Ben Bournane

40 ans de fonderie.

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Photo de Mohand Ben Bournane
Mohand Ben Bournane, Pdg de la Fonderie Nicolas, dont la création remonte à 1880. (Crédit : PR)

Sa carrière dans la fonderie, Mohand Ben Bournane l’a choisie. « De 1993 à 2003, j’ai servi comme pompier volontaire. Je voulais devenir maître-chien. J’étais destiné à être officier mais j’ai dû arrêter car travaillant alors à la fonderie Grandry, je ne pouvais cumuler deux emplois. À la caserne, il m’arrivait de monter la garde et faire des astreintes tout en étant moniteur de lots de sauvetage et membre de la cellule mobile d’interventions chimiques. Une mission incompatible avec un autre travail en parallèle ».

Doté d’un bac et d’un BTS fonderie obtenus aux lycées Bazin et d’Armentières – « mes parents n’avaient pas eu les moyens de me payer l’Ecole supérieure de fonderie » – Mohand Ben Bournane a débuté à La Fonte Ardennaise avant d’œuvrer chez Thyssen à Liège, comme technicien sédentaire pour le Benelux, « une période où j’ai obtenu un DEUG d’allemand suite à des cours du soir ».

Puis à la fonderie Grandry à Charleville-Mézières où, après avoir été embauché par François Moreau et Gérard Mozet, il est resté quinze ans en terminant responsable de production avant la fermeture en 2003. « Cette disparition fut un véritable crève-cœur car la fin de cette PME, spécialisée dans l’acier et qui employa jusqu’à 200 personnes, a été un véritable gâchis. »

Il rebondira néanmoins en contribuant au démarrage de l’entreprise d’ébarbage à chaud, Chooz Techni-Finitions. Désirant retourner au moulage et à la fusion, il intègre en 2005 la Fonderie Nicolas à Nouzonville où il est aujourd’hui Pdg du groupe holding MBB qui unit la Fonderie Nicolas (38 salariés, 6 millions d’euros de chiffre d’affaires) et son antenne d’usinage MBB (10 employés, 1 million d’euros de CA) après avoir sauvé la première de la fermeture en 2012.

« J’ai toujours rêvé d’être chef d’entreprise »

Recruté au départ par Marcel Legrand pour occuper un poste de directeur technique, il apprend sept ans plus tard l’intention du groupe métallurgique Delachaux, propriétaire de l’entreprise, de sacrifier cette PME. Mohand Ben Bournane se propose alors de la reprendre. Animé par le souci louable de maintenir le savoir-faire local et de préserver l’emploi dans une commune sinistrée, ce technicien de fonderie aguerri rachète les murs, le fonds de commerce et le matériel industriel en janvier 2013.

« Mon parcours, je le dois à la bonne éducation reçue de mes parents qui ne savaient ni lire, ni écrire à leur arrivée en France et qui m’ont toujours poussé à réussir. »

« Je connaissais bien le potentiel de la boîte, son savoir-faire et ses résultats. J’étais imprégné de tout ce qui se passait dedans et je voulais éviter son absorption. Même si je n’étais pas préparé à devenir du jour au lendemain patron, j’étais attiré par ce défi. Et puis 50 ans, c’était l’âge idéal pour prendre de telles responsabilités. J’étais mûr pour ce challenge. Alors, j’ai mouillé la chemise tout en passant quelques nuits difficiles ».

Malgré un contexte économique délicat, Mohand Ben Bournane aidé par son beau-frère, Bernard Libert, soutenu aussi par le Département et la Région (200 000 euros d’avances remboursables), le Bassin d’emploi à redynamiser et la Caisse d’Epargne, va réussir son pari. « J’ai senti un souffle derrière moi de la part de différents partenaires dont Nicolas Grosdidier (dirigeant de LFA, ndlr) qui n’a pas été avare de conseils », se rappelle ce fils d’ouvrier accompagné aussi par l’expert-comptable de KPMG, Sylvain Zorza, désormais à la tête d’IDEA.

Prix du savoir-faire industriel

Spécialisée dans la fabrication de pièces en fonte de 10 grammes à 25 kg en petite et moyenne séries mais aussi de pièces hyper complexes livrées clés en mains, la PME ardennaise est le couteau suisse de la fonderie. Elle répond, en effet, à toutes les demandes dans le ferroviaire, l’électrification, le nucléaire, l’agriculture, l’hydraulique, la robinetterie, les pompes industrielles, la mécanique générale et le TP tout en oeuvrant pour de gros donneurs d’ordre : la SNCF, Caterpillar et Parker.

« En parvenant à changer 90% de la clientèle, en renouvelant le personnel au fil des départs en retraite avec de jeunes diplômés compétents, en modernisant régulièrement l’outil de travail tout en étoffant notre service commercial, nous sommes parvenus grâce à cette reconstruction et notre flexibilité à tripler notre chiffre d’affaires en connaissant chaque année une croissance à deux chiffres. C’est une vraie fierté d’avoir sauvegardé cette PME quand on sait qu’elle aurait pu disparaître. Au lieu de cela, on a vécu une belle aventure humaine que j’ai eu plaisir à vivre en tant que chef d’entreprise ».

Cette réussite lui a d’ailleurs valu d’être honoré en 2018 pour son courage et son audace par le mouvement national Cédants et Repreneur d’Affaires qui lui décerne au Salon des Entrepreneurs à Paris, le prix spécial du savoir-faire industriel. « Une belle reconnaissance en même temps qu’un sacré coup de projecteur pour l’entreprise. »

En 2021, la fonderie Nicolas et sa filiale, MBB Usinage, ouverte en 2020, en reprenant la Société d’usinage de Nouzonville afin de fournir des produits finis et assurer une plus-value à la maison mère, se sont adossées au fonds industriel Amiquar, entré à hauteur de 70 % dans le capital du groupe nouzonnais.

« À 60 ans, j’ai voulu par cette alliance pérenniser l’outil de production et son personnel dont la moyenne d’âge est d’une quarantaine d’années. C’était la solution pour se sentir moins seul, assurer l’avenir de l’entreprise et lui permettre de continuer son expansion en répondant à des marchés dans le monde entier. » Co-actionnaire de l’entreprise d’impression 3D, Metal Industrie, MBB entend aussi s’ouvrir à l’avenir au marché de l’armement en devenant membre du GIE « Armytec 3 D ».