William Arlotti
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William Arlotti

Il fait pétiller la mode.

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Photo de William Arlotti
William Arlotti a ouvert sa boutique de mode à Bar-sur-Seine début 2023. (Crédit : Le Bonheur des Gens)

« Je pense qu’on peut être un créateur de mode en milieu rural ». Preuve en est, huit mois après avoir ouvert sa boutique à Bar-sur-Seine, William Arlotti est heureux d’avoir eu l’audace de s’installer là où on ne l’attendait pas. « Le succès est au rendez-vous. Mes clientes viennent du Barséquanais, de Troyes, de Dijon, Reims, Sancerre, Auxerre. Mais également de Genève, de Savoie, de Normandie, de Belgique, des Pays bas, d’Irlande, d’Australie, d’Angleterre et d’Espagne », fait valoir le créateur aubois.

Avant de réaliser son rêve, William Arlotti s’est investi dans de nombreux domaines. Ceux-ci allaient à chaque fois lui permettre de franchir une nouvelle étape. De son enfance, passée dans le bassin minier du nord de la Meuse, il garde le souvenir d’avoir toujours aimé dessiner.

« Le fait d’avoir une maman couturière et un oncle dans la parfumerie et les cosmétiques, cela m’a vraiment marqué. J’ai grandi dans un coron et pour moi le vêtement, la mode, c’était une porte ouverte vers le rêve », souligne le passionné.

Avec en poche un Bac B, il s’est orienté vers un DUT marketing et Techniques de commercialisation, à Nancy. « Je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup étudier et apprendre », confie-t-il. Pendant ces deux années d’études, il s’implique parallèlement dans le service audiovisuel de l’IUT et acquiert des compétences en vidéo. Tout en créant des événements où il expose ses croquis de mode.

« Tu apprends les bases de la stratégie et du commerce, mais tu es un artiste », lui dira son prof de marketing, qui lui demandera d’ailleurs de réaliser toute l’identité graphique des clients de son agence de conseil. « Je me suis impliqué dans beaucoup de projets. Ma prof de communication m’avait demandé de faire un mémoire sur la représentation de la féminité à travers l’œuvre de Gustav Klimt, dont je trouvais les peintures fascinantes », se souvient William Arlotti.

Un DESS Mode et Création

Après un master en communication à Metz, il intègre en 1996 la deuxième promotion du DESS Mode et Création, à Lyon, avec Agnès B pour marraine. « Cela a été une révélation car j’étais dans mon univers. J’avais atteint une première étape de mon objectif, après l’aspect juridique, le marketing, le style. Je faisais des visites dans des ateliers, j’allais voir des ennoblisseurs textiles. J’apprenais comment reconnaître un tissu. J’avais accès au musée des tissus de Lyon », glisse-t-il.

Diplôme obtenu, il part faire son année d’armée au service de la politique culturelle de la ville de Paris. De 1998 à 2001, il travaille à la direction artistique de l’agence Vitriol pour la création de campagnes publicitaires, de packaging, de la création de parfums, de lignes de vêtements. « Nous avions des clients mode, des clients beauté, dans la grande distribution, dans les spiritueux », explique William Arlotti, tout en citant Chanel, Lancôme, ou encore La Maison Rochas. De 2001 à 2006, il travaillera d’ailleurs pour cette dernière, avant son rachat par la multinationale américaine Procter & Gamble.

« Je suis vraiment heureux de retrouver mon métier – dessiner, créer des vêtements, accompagner l’époque. Tout cela, je pense, se ressent dans la proposition. »

De 2006 à 2012, il est trendsetter styliste chez BGN qui possède des boutiques dans le monde entier. « Je travaillais sur les cahiers de style de toutes les collections – six d’été et autant d’hiver. Le studio de création étant à Paris et la production en Turquie, je partais là-bas avec des chefs de produit », précise-t-il.

Avec l’objectif d’épurer le produit de façon à réaliser une meilleure marge, il avait donc « quitté l’univers du luxe pour aller vers la fast fashion ». « Mais cela restait intéressant par rapport à un process autre », reconnaît William. Ce rythme de vie le mènera cependant au burn out. Une épreuve d’autant plus difficile pour quelqu’un qui a pris l’ascenseur social tout seul, grâce à sa détermination et sa volonté.

Alors, quand une conseillère de l’APEC lui affirme que la mode, c’est fini pour lui – qu’à quarante ans, il est trop vieux –, il n’en faut pas davantage pour lui redonner des ailes. Il crée alors House Off, une agence spécialisée dans l’accompagnement marketing des marques : « Je ne voulais pas forcément signer mes créations. Je voulais continuer à travailler dans les coulisses. J’ai eu par exemple en client Rémy Cointreau qui m’a confié une analyse sémiologique de la figure de la Pin-Up Dita Von Teese, à travers un cahier de style, en amont de leur volonté de moderniser la marque, via leur stratégie de développement pour la faire entrer dans les cocktails, dans les bars de luxe. »

Il travaillera également avec la créatrice japonaise Yumi Katsura pour « rendre ses créations un peu plus européennes ». Il aura aussi comme client la marque de bodies « anti-flirt », échancrés, très années 80. « J’ai aussi travaillé pour le champagne DN, domaine de Nuisement, de Séverine Thévenin, qui est devenue une amie ».

En parallèle de son activité pour l’agence House Off, il est professeur de mode à ESMOD mais également journaliste de mode « J’aime décrypter la mode à travers les mots, à travers des images », analyse-t-il.

Arrivée dans l’Aube

« J’ai connu la Côte des Bar il y a huit ans. Je suis tombé amoureux de la région », poursuit William Arlotti. En 2020, il s’installe à Landreville et profite du confinement pour se recentrer et dessiner une collection de vêtements « hybrides », d’intérieur-extérieur. Puis il décide de lancer sa propre marque, « William Arlotti », en ouvrant sa boutique à Bar-sur-Seine, en février 2023.

« Happé par un système de mode qui allait trop vite, j’ai voulu absolument être dans un format circuit court, le slow fashion. J’ai commencé à chercher des tissus de fin de rouleaux », explique-t-il. Il crée aujourd’hui des petites séries limitées ou des pièces uniques assez couture – comme celles présentées au Festival de Cannes. Ses tissus viennent de Lyon, Paris, Troyes et d’Italie et la fabrication des vêtements est réalisée dans son atelier parisien.

« J’ai envie de redonner confiance aux femmes, leur redonner le plaisir de s’habiller à travers des vêtements inspirés du Studio 54, parce qu’il y a toujours de la paillette. Et un esprit new wave avec beaucoup de noir, de blanc, de matières qui sont à la fois mates et brillantes, qui laissent le corps respirer », s’enthousiasme William, qui a opté pour un concept « no size », – où il n’y a pas de tailles – et un format classique du 36 au 48.

Son envie de s’installer à Bar-sur-Seine correspond à sa vision de faire de la mode et à son souhait de ne pas être dans une grande ville où toutes les propositions sont identiques. « Je suis vraiment heureux de retrouver mon métier – dessiner, créer des vêtements, accompagner l’époque. Tout cela, je pense, se ressent dans la proposition ».