Jacques Globig
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Jacques Globig

L’âme du fer.

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Jacques Globig
Jacques Globig pose devant une des serrureries monumentales créées par Arts et Forges pour la Cité du Vitrail. (Crédit : N. Champenois)

Son intervention à l’occasion de la présentation de la Cité du Vitrail lui a permis de mettre en lumière le travail réalisé par Arts et Forges. « La serrurerie désigne ici les éléments de menuiserie métalliques qui tiennent les vitraux », explique en préambule Jacques Globig. L’entreprise troyenne que l’un des Meilleurs Ouvriers de France dirige avec son associé, Stéphane Cocquet, a en effet créé pour la scénographie de ce site culturel une quarantaine d’éléments, dont quatre serrureries monumentales. À son adolescence, c’est pourtant « plus par dépit que par envie », que le Breton d’origine choisit de préparer un CAP de métallerie. Heureusement, un prof de l’éducation nationale va lui insuffler le goût de travailler le métal. Au point de le pousser à vouloir aller toujours plus loin dans sa maîtrise du métier. Au sens figuré comme au sens propre.

« Après trois années pendant lesquelles je me suis vraiment épanoui, je voulais partir de chez moi. Je suis allé toquer à la porte des Compagnons du Devoir, à Rennes », se souvient Jacques Globig. Il fera d’ailleurs bonne impression lors d’un stage chez un Compagnon serrurier. Et obtiendra ainsi les clés pour choisir sa première destination au sein l’association ouvrière. « J’ai voulu partir le plus loin possible. Ça a été Marseille. L’aventure a commencé ainsi pour mon voyage chez les Compagnons », sourit-il. Parti sans rien, sans compte bancaire, sans permis de conduire, il est épaulé par ses sœurs. Après Marseille, où il est adopté par les Compagnons (il obtient autrement dit l’accord de continuer son Tour de France), il « atterrit » à Troyes : « Jamais je n’avais eu l’idée d’y revenir, ça ne devait rester qu’une ville sur mon passage ». Il continue ensuite sa route vers Reims, où il entre à l’école internationale de ferronnerie française, à Muizon.

Avec en poche son brevet de maîtrise en ferronnerie d’art, Jacques Globig part faire un an de service militaire. Avant de poursuivre son Tour de France à Saint-Étienne. Puis, c’est au château de Coubertin, à Saint-Rémi-lès-Chevreuse qu’il effectuera son travail de réception pour passer Compagnon du devoir. « La petite fille de Pierre de Coubertin, Yvonne de Coubertin, a mis à disposition des ouvriers cet espace, pour pouvoir les former à autre chose que le métier, l’ouverture sur la culture, l’art », fait valoir Jacques Globig. La ville de Nancy marquera la fin de son Tour de France : « Ma première fille est née à cette époque-là et ma femme a trouvé un travail à Troyes. Je me suis donc retrouvé à chercher une embauche dans l’Aube », se souvient-il.

Embauche chez Arts et Forges

En 1997, Jacques Globig intègre pour deux ans l’entreprise Arts et Forges en tant qu’ouvrier serrurier-métallier. Puis il part en Guyane avec une autre entreprise pour restaurer le mythique bagne de Saint-Laurent-du-Maroni (où ont été notamment enfermés les prisonniers Dreyfus, Papillon et Seznec). « On avait monté un campement directement sur le bagne pour en restaurer la charpente de 1900 afin de le transformer en lieux de culture de la ville, avec salles de spectacles, bibliothèques... », explique l’artisan.

« Nos chantiers, ce sont aussi bien Notre Dame de Paris qu’un château médiéval à Gevrey-Chambertin (Côte d’Or), qu’un monument historique, que de la sculpture »

À son retour de Guyane, il réintègre la société Arts et Forges, avant de racheter en 2007 les parts de Désiré Cocquet, le père de Stéphane - qui avait fondé l’entreprise en 1985. En hommage et en clin d’œil à l’attention du fondateur, une collection et une marque, Jardin Désiré, sera d’ailleurs créée en 2018 en collaboration avec Célia de la Fontaine, stagiaire puis diplômée de l’école supérieure de design de Troyes : « C’est une série de mobiliers de jardin (tables, chaises, guéridons, jardinières, fauteuils) en aluminium, produits exclusivement à Troyes et de façon artisanale ». C’est également en 2007 que Jacques Globig décroche le titre de Meilleur Ouvrier de France en ferronnerie d’art. « En devenant associé, je suis donc passé de l’autre côté de la barrière. Et aujourd’hui, je chiffre les devis et je rencontre les clients afin de faire tourner la boutique avec Stéphane », explique-t-il.

Arts et Forges compte aujourd’hui 27 salariés. « Chaque année, on accueille également un jeune des Compagnons du Devoir ainsi que deux apprentis – un de première année et un autre de deuxième année, se félicite le dynamique associé, qui les prépare également au Concours Un des Meilleurs Apprentis de France. Nos chantiers, ce sont aussi bien Notre Dame de Paris qu’un château médiéval à Gevrey-Chambertin (Côte d’Or), qu’un monument historique - nous avons notamment réalisé la restauration des églises aux alentours de Troyes. Ainsi que de la sculpture, comme la Cigogne, qui est une sculpture monumentale, réalisée dernièrement à Chaumont, en Haute-Marne. Et nous travaillons aussi pour des particuliers ».

Créations pour la Cité du Vitrail

Dès 2019, l’entreprise s’est intéressée au chantier de la restauration globale du bâtiment de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, qui allait servir d’écrin à la Cité du Vitrail. « Nous avons répondu à l’appel d’offres concernant ce lieu emblématique – qui plus est, situé à côté de chez nous - car c’était un chantier intéressant tant sur le plan de la restauration que sur celui de la création, aussi bien en serrurerie qu’en ferronnerie », fait valoir le passionné. En 2006, leur chantier de restauration concernant la grille monumentale Louis XV durera pas moins de deux ans.

« Ensuite, la Cité du Vitrail a pris possession de l’aile ouest du bâtiment et il y a eu un appel d’offres pour la scénographie. Une fois que celle-ci a été retenue, on a rencontré les acteurs de la Cité du Vitrail pour étudier ensemble comment ils allaient installer leur exposition, mettre en place les vitraux et sur quels supports », détaille l’associé d’Arts et Forges. Un important travail d’études, de dessins, de propositions et de prototypes permettra d’atteindre le résultat que l’on peut admirer aujourd’hui. L’entreprise auboise a réalisé quarante supports de vitraux, pour une enveloppe de 120 000 euros. Elle a notamment créé quatre serrureries monumentales – mesurant pas moins de 4,50 mètres de haut – qui sont chacune le résultat du travail de trois salariés pendant une semaine et demi, à laquelle il faut ajouter un jour de montage.