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Jean-Baptiste Henry

Une reprise en toute liberté.

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Photo de Jean-Baptiste Henry
Jean-Baptiste Henry a repris l’entreprise familiale qu’il avait rejoint cinq ans plus tôt. (Crédit : S.Rambaud)

Ingénieur de formation, Jean-Baptiste Henry a commencé sa carrière dans les travaux publics. Après l’obtention de son diplôme à Centrale Paris, il n’a pas emprunté la même voie que de nombreux camarades, partis dans le secteur de la finance et le conseil. « Je voulais quelque chose de plus concret et les travaux publics se sont révélés être une bonne école de management, de projets, de défis techniques ou encore de gestion des risques. C’est aussi un secteur d’activité qui donnait des responsabilités aux jeunes et je m’y sentais mieux que dans un bureau. »

Jean-Baptiste Henry a passé six ans dans ce secteur avant de rejoindre l’entreprise familiale Emile Henry en 2007. Bien que la reprise semblait programmée, ce n’était pourtant pas le cas pour le représentant de la sixième génération. « Je n’ai pas choisi mes études en fonction de ça, j’ai toujours été libre de mes choix et je n’ai subi aucune pression en ce sens. » Jacques Henry aura attendu que son fils ait 28 ans pour évoquer avec lui l’éventualité de reprendre la société Emile Henry, marque reconnue des articles de cuisine en céramique.

Une envie plus qu’une obligation

« Se dire qu’il s’agit d’un devoir n’est pas une bonne raison de reprendre l’entreprise car cette idée n’est pas viable sur le long terme. » Avant de s’engager dans cette voie, Jean-Baptiste Henry a démêlé les bonnes et mauvaises raisons de reprendre. « C’était une démarche personnelle, il fallait que j’y trouve du sens et du plaisir. »

Jean-Baptiste Henry se réjouit d’avoir intégré l’entreprise familiale. « Même si j’avais une carrière qui s’annonçait bien, et que je regrette de ne pas avoir construit de viaduc, j’ai choisi une autre aventure qui a du sens. C’est aussi des responsabilités qu’il faut se sentir capable de gérer. »

Avant de prendre la direction de l’entreprise, il a débuté à des fonctions commerciales qu’il a exercé en Italie pour gérer les clients et revendeurs de la marque avant de revenir en Bourgogne en 2009. Il a alors repris sa casquette d’ingénieur pour gérer une équipe de production composée d’une trentaine de personnes avant de prendre la direction du site de Marcigny.

Petit à petit, il a appris aux côtés de son père tous les tenants et les aboutissants de la direction de l’entreprise, du financier au commercial, de la création à la production. « J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec mon père pendant cinq ans. Quand des générations se suivent, il peut y avoir des moments sensibles et la situation peut être risquée pour l’entreprise. Il faut trouver le bon équilibre, sans aller trop vite ou trop lentement. » En juillet 2012, Jean-Baptiste Henry reprend sereinement le flambeau avec le souci de maintenir la production en France et de garder les valeurs qui lui ont été inculquées.

Une touche personnelle

« Je n’ai pas voulu m’inscrire dans un dogme conservateur et passéiste ni dans l’idée de tout révolutionner. Je ne suis pas le gardien de traditions qui n’auraient plus de sens mais plutôt de valeurs comme le dialogue social, la qualité des produits, l’ingéniosité des créations. » Jean-Baptiste Henry a suivi ses convictions en inscrivant pleinement l’entreprise familiale dans le développement durable. « On ne le fait pas pour le dire à tout le monde, il ne s’agit pas de greenwashing mais d’un état d’esprit et d’un souci de pratiques vertueuses », insiste le dirigeant.

« Se dire qu’il s’agit d’un devoir n’est pas une bonne raison de reprendre l’entreprise car cette idée n’est pas viable sur le long terme. »

Son projet global passe par les économies d’énergie, les mobilités douces, le recyclage ou l’éco conception. Le chef d’entreprise a imprimé un changement de style subtile tout en poursuivant la montée en gamme de la marque. « Emile Henry mérite de beaux points de vente, que l’on raconte son unicité, son histoire. » Le dirigeant de 43 ans s’appuie sur un modèle de business en trois parties : la qualité des produits, l’innovation et la marque.

Il n’en oublie pas pour autant l’importance de ses équipes. « Il faut investir dans l’humain car il participe de la suite de l’entreprise. Il faut faire progresser les gens. » Désormais groupe intégrant plusieurs entités, Emile Henry compte 320 salariés répartis dans quatre sociétés en France et à l’étranger qui affichent ensemble un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros.

Des innovations...

Au fil des ans, Emile Henry s’est diversifié faisant par exemple l’acquisition de Jars céramiste en 2016 dans la Drôme. Le groupe qui exporte 80 % de sa production, a ouvert une filiale aux États-Unis. « Les américains aiment le made in France et, outre la notoriété de la marque, nous profitons de la légitimité de la cuisine française pour vendre nos produits. » Jean-Baptiste Henry insiste également sur la capacité de son entreprise à se renouveler.

Ainsi, en2014, il imagine la cloche à pain en céramique. Comme ses prédécesseurs qui dessinaient eux-mêmes certains produits, il s’inspire d’un plateau à pizza et d’un saladier pour concevoir cette solution devenue culte. « J’avais le souvenir d’enfance du pain que l’on faisait à la maison.

Je trouvais ça magique de faire du pain pour sa famille. » L’entreprise a exploré de nouveaux territoires dans la cuisine, allant là où la céramique avait du sens que ce soit autour du fromage ou bien des œufs. « La promesse du produit reste essentielle car on ne vend pas un produit moyen mais quelque chose de performant, joli, c’est encore mieux. » Soucieux de se différencier de la concurrence, la marque a gagné en notoriété grâce à sa capacité de création.

...remarquées

En 2022, la maison qui a plus de 170 ans a reçu le Kitchen Innovation Award Consumers’ Choice 2022. « On ne court pas après les prix mais il nous semblait important d’avoir un peu de reconnaissance. » Avec sa gamme de produits pour la conservation hors frigo, Emile Henry a fait une fois de plus la preuve de ses compétences et de sa capacité à créer de beaux objets utiles au quotidien.

La coupe de conservation a été évaluée par un jury d’experts puis par un groupe cible de consommateurs autour de cinq critères : la fonctionnalité, l’innovation, les avantages, le design et la qualité des matériaux. Les amateurs de cuisine et de produits de qualité connaissent et se reconnaissent dans la marque à commencer par Jean-Baptiste Henry lui-même qui aime passer du temps aux fourneaux avec ses trois enfants.

« La famille participe d’un équilibre important pour un chef d’entreprise. Il faut prendre du plaisir dans son travail en gardant du temps pour sa famille et ses passions. » Lui qui prend du plaisir à éplucher un fruit ou un légume, à réaliser une cuisine familiale traditionnelle comme le gratin dauphinois de sa grand-mère, apprécie aussi de prendre du temps pour s’adonner aux joies de la montagne ou de la lecture.