Oleg Imbert
Invités / Entretiens

Oleg Imbert

L’homme qui tua (presque) Jean Dujardin.

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Photographie d'Oleg Imbert
(Crédit : JDP)

Quand il ne torture pas Jean Dujardin sous les traits du Général Yakovlevitch dans OSS 117 Alerte rouge en Afrique noire (2020) de Nicolas Bedos, Oleg Imbert joue les touristes russes pour Laurent Firode dans Un battement d’aile de papillon (2001) ou les monarques russes homophobes dans la série Louis 28 (2022). Il a même failli devenir l’ex-mari pervers bisexuel d’Isabelle Adjani dans Mascarade du même Bedos. Faire l’acteur pour Oleg Imbert c’est « la cerise sur le ghetto » comme il le dit, un jeu démarré à son arrivée en France en 1980.

De Moscou à Aubervilliers

De sa mère russe championne du 400 mètres haies, Oleg, né à Moscou en 1967 a hérité l’habileté de courir vite et de franchir les obstacles. De son père français dont il n’a jamais vraiment su ce qu’il faisait, le sens du jeu : « Je ne sais pas ce que faisait mon père. C’était un stalinien convaincu. Quand on arrivait en URSS, nous étions accueillis par les gyrophares et nous passions la douane sans contrôle. Je pense qu’il pistait les mecs des RG qui s’introduisaient dans les groupes de touristes. » En 1980, sa famille s’installe en France. À Aubervilliers, à 13 ans, Oleg commence à jouer avec Tchéky Karyo après avoir intégré une école de théâtre à Moscou, va jusqu’au Bac et passe un diplôme de projectionniste. En parallèle il monte avec Olivier Cachin et Franck Fatalot le magazine L’affiche, spécialisé dans « des autres musiques » : « Ça ne veut rien dire, mais on a été les premiers à parler du rap en France ».

Au début des années 2000, il devient directeur de la troupe de cirque Semianyki (« La Famille »), dont le premier spectacle va tourner près de 17 ans à travers le monde à raison de 250 représentations par an. Racontant les déboires d’une famille particulièrement déjantée, qui tente de survivre dans une Russie déglinguée, ce spectacle sans parole devient universel. Un succès auquel la compagnie ne survivra pas : « Quand il a fallu créer un nouveau spectacle, un fossé s’est creusé entre les comédiens qui n’étaient plus d’accord entre eux. Le second spectacle a été moins bon, mais la barre était tellement haute ! Les gens étaient devenus des salariés du spectacle. « La Famille » avait plu à toutes les classes sociales, des intellos aux populos. Une journaliste du Monde nous a démontés : elle était blessée de ne pas avoir retrouvé la qualité, elle m’a dit qu’elle s’était sentie trahie ».

En 2006, alors qu’il dirige des restaurants ou des bars, Oleg devient l’agent de Tchéky Karyo « par hasard » : « Tchéky sortait son premier disque, Ce qui nous unit et me demande de l’écouter. Au même moment, un ami attaché culturel au Sénégal m’appelle et me dit que pour leur festival de la francophonie, Marc Lavoine les a lâchés et me demande si je connais quelqu’un. Tchéky y est allé, ça a été un succès. On a fait deux albums ensemble ».

La Charité, par hasard

Comme presque tout le reste, l’arrivée d’Oleg à La Charité-sur-Loire dans la Nièvre, à la tête du Com chez nous, un restaurant atypique, lieu de concerts et d’expression artistique, est un hasard : « J’ai un couple d’amis, Marc et Corinne, qui ont une maison dans le Cher tout proche et qui ont racheté une ancienne charcuterie au faubourg. Je suis venu pour les aider à donner un destin au lieu ». De l’ancienne boucherie connue pour sa façade de faïence et son petit cochon, le couple veut d’abord faire un bar à vin, puis ce sera finalement un restaurant indien et… « Je suis venu y manger et je me suis dit que j’y reviendrai. Il faut être honnête. Personne ne se dit « tiens je vais aller vivre à La Charité-sur-Loire. Tous les gens ici sont arrivés d’une façon inattendue ». Oleg Imbert, Marc et Corinne rachètent donc ce qui deviendra Com chez nous.

Dans la foulée, les trois investisseurs reprennent aussi un ancien magasin de jouets pour en faire une galerie mais surtout l’ancienne tannerie : devenu une salle de concerts et de répétitions, le lieu est tenu par une figure locale, Claudine Muller, qui organisa longtemps aux Forges de la Vache des concerts de musique classique. Si Oleg avoue que les deux locaux culturels « coûtent plus qu’ils ne rapportent », peu importe. Au Com chez nous, qui n’a rien perdu du décor orchestré par Éva (autre figure locale !) l’ancienne propriétaire, se jouent aussi des soirées thématiques une fois par mois : « Je fais venir un groupe de musique étrangère et un chef cuisinier. Il n’y a pas longtemps c’était repas argentin et deux musiciens de Manu Chao… J’ai la veine artistique  ».

Un passion pour le cinéma

Côté cinéma, Oleg Imbert sera à l’affiche du prochain film de Michel Hazanavicius, il est à celle de la série Louis 28 et continue de jouer les méchants, russes de préférence : « Je suis toujours étonné de ce que les réalisateurs voient chez moi : un pervers, un assassin, un tortionnaire, sourit-il. C’est assez drôle à jouer. Et c’est ce qui m’intéresse. Je ne vais pas incarner un dentiste à Nevers, il y a des acteurs pour ça. Je parle russe, j’ai la tête d’acteurs comme Yul Brynner ou Erich Von Stroheim. J’ai les rôles de ma gueule ! ». Des rôles qui lui offrent des souvenirs, quelques frayeurs et des déceptions. Sur le casting de Mascarade, le feeling ne passe pas avec Isabelle Adjani : « Elle avait sans doute quelqu’un d’autre à placer ».

Au casting de OSS 117, il est recalé parce que plus grand que Jean Dujardin, mais le réalisateur Nicolas Bedos le rappelle : « Je suis arrivé sur le tournage de OSS 117 pour la première scène du film. C’était impressionnant. 140 techniciens, c’est intimidant ! C’est Jean Dujardin qui m’a dit d’y aller cool. Ce que j’aime c’est que je suis le premier bonhomme que l’on voit au début du film ! ». Une vie qu’aurait aimée un autre comédien, Louis Jouvet qui, dans, Entrée des artistes (1938) déclarait : « Il faut mettre de l’art dans sa vie et de la vie dans son art. »