

Qui ne s’est jamais arrêté en passant devant cet atelier à l’angle de la rue Charrue et de la place des Cordeliers pour admirer ces mystérieuses œuvres ? C’est ici même, au cœur du centre historique de Dijon, que Véronique Barrillot exerce son art, de jour comme de nuit. Un art qui intrigue les passants mais aussi les scientifiques. Et pour cause, l’artiste dijonnaise ne fait pas que peindre des toiles, elle peint ce qu’elle appelle des doubles-visions…
« Après quelques années à réaliser des fresques, j’ai découvert que je pouvais peindre deux images en même temps », confie celle qui, après une carrière de cadre pour différentes enseignes, a un jour décidé de tout plaquer pour donner vie à ses talents d’artiste.
Ses quarante bougies soufflées, Véronique Barrillot se lance en effet dans la peinture et exerce son art à travers des fresques monumentales.
« J’ai toujours dessiné ! Quand j’étais jeune, un jour en cours de français, le prof s’est arrêté à mon niveau, me voyant dessiner… Il a tellement aimé mon dessin - c’était un dessin de lui -, qu’il l’a laissé accroché au tableau toute l’année », se souvient-elle.
En pure autodidacte, elle réalisera notamment une centaine de fresques dans tout Dijon, avant de se lancer dans la création de toiles qui se transformeraient avec leurs spectateurs…
Une manière d’étayer le Portrait de Dorian Gray, selon elle. « Je ne savais pas ce que je faisais, à ce moment-là…Tout ce que je savais c’est que, comme je n’avais pas de techniques acquises, j’ai développé la mienne. Et au fur et à mesure des tableaux, j’ai compris qu’en fait, je pouvais creuser la toile pour y faire apparaître des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir… Un peu comme si je sculptais la toile ! »
Une expérience éprouvante, sourit-elle, se souvenant avoir très mal dormi pendant neuf mois, peignant constamment jusqu’à comprendre ce qu’elle faisait.
Métaphore du jugement
« Réussir à faire que deux images coexistent et que tous les cerveaux du monde puissent les voir », c’est en ces termes qu’un neurologue de Lausanne a réussi à décrire son travail : « Ce neurologue est à l’origine dijonnais et il est spécialiste de la maladie d’Alzheimer. Il connaissait mon travail et, alors qu’un de ses collaborateurs-chercheurs travaillait sur l’impact de l’art cinétique sur le cerveau, notamment avec le travail de Vasarely, il a décidé de lui parler de moi et de lui montrer ce que je faisais. »
Après une IRM et de nombreux tests et alors que personne n’arrive encore à dire ce que Véronique Barrillot fait vraiment, l’explication que ces neurologues ont échafaudée et de dire qu’elle peindrait en même temps deux images sur des fréquences différentes. Il faut dire que le résultat est aussi bluffant que perturbant.
Si face à la toile, une œuvre se dessine comme pour tous tableaux, il suffit de reculer suffisamment ou de regarder la toile à travers des jumelles tenues à l’envers pour voir une tout autre œuvre apparaître.
« Je peignais tout le temps… Dans ma tête, ça ne s’arrêtait jamais. Jusqu’au moment où j’ai compris que je pouvais peindre deux images en même temps. »
Dans son atelier, des pots de peinture de la Seigneurie Gauthier – son sponsor – empilés les uns sur les autres à même le sol, Véronique Barrillot tente d’expliquer comment, avec son pinceau, elle va venir accrocher un peu d’une image et un bout de l’autre pour les fixer en un seul et unique point sur la toile.
« Quand j’ai commencé à faire des fresques et que je suis montée haut sur l’échafaudage, je n’avais pas envie de descendre à chaque fois pour prendre du recul. Et c’est là que j’ai découvert que je pouvais finalement reculer du support dans ma tête sans bouger physiquement. »
S’il n’y a aucun travail de préparation ni de croquis réalisé au préalable, l’artiste dijonnaise confie résoudre des équations toute la journée et ce pendant des jours, voire des semaines ou encore des mois avant d’aboutir au résultat... un résultat que l’artiste compare à la métaphore du jugement : « Ce qui m’intéresse, c’est la perception que l’on a des images, donc de la vie et des leçons qu’on tire lorsqu’on prend du recul par rapport aux choses. »
En moyenne, 90 jours d’une concentration intense sont nécessaires pour aboutir à une toile « Pour faire des doubles-visions, il faut pouvoir peindre deux images en même temps et les voir coexister en permanence dans ma tête. C’est très long et c’est surtout très intense. Je peins dans mon atelier, casque sur les oreilles et à la vue de tous. L’état de concentration dans lequel je me plonge est hors normes. Ces phases sont anormalement longues… Donc quand des passants rentrent, ça me permet de sortir de ma bulle pour retrouver de la lucidité ! », développe Véronique Barrillot.
Un an d’attente
Celle qui s’oblige aujourd’hui à un rythme de vie très sain, telle une sportive de haut niveau, travaille aussi sur commande et voit son carnet se remplir avec des délais d’attente dépassant l’année. Face à une demande croissante outre-Atlantique, Véronique Barrillot envisage même de prendre un pied à terre aux États-Unis pour pouvoir y travailler quelques mois dans l’année et continuer d’y exporter son travail.
« Je serai à New-York cet été pour plusieurs expositions dont une qui commencera dès le 15 juin au Gold coast arts center et une autre qui aura lieu dans les Hamptons », dévoile-t-elle. Et pour les Dijonnais, Véronique Barrillot exposera à la Chapelle des Élus, à Dijon, du 4 avril au 30 mai.