En ces temps où l’économie d’eau devient un sujet sociétal et environnemental prégnant, Magalie Rosso exploite depuis deux ans un bon filon avec Les Fermes Ionaka. La start-up toulousaine conçoit et commercialise des fermes urbaines, clé en main, basées sur une innovation : les tours aéroponiques. Une première en Occitanie, dédiée principalement aux établissements de soin, restaurants, hôtels, traiteurs et établissements tertiaires.
Quel est le principe de cette technique de permaculture ? « Nos tours ou colonnes permettent de produire des fruits et légumes de qualité dans le respect des pratiques agroécologiques », explique la locataire du Marché d’Intérêt National (MIN) de Toulouse depuis 2022 avant de détailler :
Les plantes poussent dans des colonnes, sans terre et sans pesticide. L’oxygène de l’air conducteur de nutriments associé à un arrosage régulier des racines sont les clés de cette technique. Les plantes poussent trois fois plus vite et on réalise 90% d’économie d’eau par rapport à l’agriculture conventionnelle. On gagne aussi beaucoup d’espace car les plants sont superposés. Une colonne de 36 à 140 pieds sur un m2 équivaut à 10 m2 en maraîchage. »
« Rapprocher le potager du citadin »
C’est pendant le confinement que l’idée des « Fermes Ionaka » a germé dans la tête de Magalie Rosso. Après 10 ans passés dans un groupe de conseils stratégiques en développement durable, la Toulousaine de cœur a voulu « rapprocher le potager du citadin ».
« Au départ, j’avais un terrain de 1000 m2 en périphérie de Toulouse, et j’ai exploité la technique de permaculture avec des graines anciennes. Je voulais en faire profiter les autres et les gens sont revenus ! J’ai alors eu l’idée de créer une ferme urbaine et d’en vivre. Puis, au vu de mes compétences professionnelles dans le commerce et le financement de projet, j’ai finalement décidé de créer un modèle et de massifier cette solution, avec un service d’exploitation. Aujourd’hui, je prends la main sur les sites que je gère : entretien, montage, récolte, animations d’ateliers pédagogiques... Sachant que du côté des cliniques, la récolte est dédiée au personnel alors que du côté des restaurants et hôtels, elle va directement dans l’assiette des clients ».
Et l’intéressée de poursuivre : « Le service, c’est LA différence avec les carrés potagers qui ont émergé ces dernières années dans les villes pour créer du lien social mais qui ne permettent pas d’assurer une productivité durable. »
Des projets à profusion pour Les Fermes Ionaka
Avec l’étrange sensation de ne pas être pleinement « épanouie » en tant que salariée malgré des postes à responsabilité et des expériences enrichissantes, cette diplômée d’école de commerce se lance, tambour battant, dans l’entrepreneuriat. Après un premier projet rapidement avorté dans le domaine de la formation, « je suis rentrée en 2021 en contact avec un professionnel à Bordeaux qui exploite des tours aéroponiques. Il a accepté de me former pendant six mois, le tout en parallèle de mon poste de directrice régionale au sein de Greenflex, une société de conseil qui accompagne entreprises et collectivités dans leur transition environnementale. Dans le même temps, l’organisme Océan bleu à Toulouse lançait son accompagnement de création d’entreprise dans l’agriculture urbaine ».
L’occasion est trop belle pour ne pas la saisir ! En mars 2022, Magalie Rosso quitte Greenflex tout en conservant des prestations de conseil et installe dans la foulée sa première ferme aéroponique sur les toits du MIN. « En août, j’embauchais mon premier salarié », se souvient-elle avec le sourire.
Tout quitter pour se lancer dans l’entrepreneuriat, un pari risqué que la quadra ne regrette pas « même s’il reste encore beaucoup à faire », confesse-t-elle. Après l’installation sur six sites toulousains - dont la clinique de l’Union, des restaurants, hôtels et traiteurs-, Les Fermes Ionaka viennent de s’exporter à Biarritz et Bayonne. La Capitale est aussi en projet, avec une éventuelle présence au marché de Rungis.
Autres objectifs de cette année : la sortie d’un cahier des charges made in « Les Fermes Ionaka » et le lancement de formations en e-learning consacrées à la culture hors-sol et à l’aéroponie. Si pour l’heure, la start-up toulousaine cible une clientèle BtoB, la cheffe d’entreprise réfléchit d’ores et déjà à se diversifier. « Quelques colonnes sont installées chez des connaissances, mais pour les particuliers, il ne s’agit pas du même format. L’objectif serait de proposer un kit qui permettrait une installation en toute autonomie, avec un guide de montage et des outils. Reste aussi à tisser un réseau de distribution. » Épaulée par quatre salariés, dont un responsable agronomique, Magalie Rosso entend bien faire fleurir ses fermes aux quatre coins de la France.
Stratégie, opérationnel et RSE : les clés de son succès
Pour cette dijonnaise, née d’un père responsable d’établissement et d’une mère aux multiples casquettes, l’appétence pour la finance s’affirme tôt. Après un baccalauréat en comptabilité gestion et une prépa, l’amatrice de football américain intègre une école de commerce à Reims. L’étudiante fait un séjour en Suède en Erasmus où elle découvre « une société paritaire, matriarcale, avec des femmes qui ont bien plus de pouvoir ».
De retour en France et après une alternance à Bpifrance, elle est embauchée par la banque publique d’investissement à Paris en tant que chargée d’affaire entreprise. « Mon rôle était de conseiller financièrement, d’intervenir sur des fusions, sur de la croissance externe et des investissements d’équipements... mais ça, c’était avant la crise financière. Et Bpifrance n’avait pas la même ampleur qu’aujourd’hui. »
Quelque temps après, une opportunité s’offre à elle. La jeune femme devient alors chargée d’affaires au sein du groupe Realease Capital, un des leaders indépendants de la location financière en France, où elle développe un portefeuille clients et partenaires. « J’avais carte blanche pour développer des idées d’offres et de diversification. C’était vraiment enrichissant car je touchais autant au côté financier qu’au côté commercial », se rappelle-t-elle.
Au bout de trois ans et demie sein du groupe, et à l’aube de la trentaine, Magalie Rosso décide de quitter son poste poussée par l’envie « de contribuer davantage à une entreprise ». La frondeuse intègre alors Greenflex, où elle évolue pendant 10 ans, d’abord en tant qu’ingénieure commerciale, puis directrice du marché et des industries et enfin directrice régionale Sud-Ouest. Un poste taillé pour elle. « Je venais d’avoir mon fils, je voulais m’installer à Toulouse. J’ai dit au directeur : “soit je démissionne, soit j’ouvre la direction régionale Sud-Ouest“. »
En 2016, elle pose ses valises dans la Ville rose en famille. C’est aussi durant cette décennie passée au sein de Greenflex que Magalie Rosso accompagne les grands comptes dans l’adoption d’une démarche RSE. Une stratégie encore balbutiante à cette époque et qu’elle applique aujourd’hui à son entreprise.
Investisseuse dans l’âme et en duo
Formée et sensibilisée à la décarbonation et à d’autres enjeux environnementaux, la cheffe d’entreprise ne manque pas de projet. Avec son nouveau compagnon, elle a pour ambition de créer « un groupe à haute valeur environnementale », comprenant les ressources, l’alimentation et la recyclabilité. Les premières acquisitions de société sont en cours. « Ionaka reste mon bébé et je resterai à l’opérationnel. Pour ce nouveau projet, je me positionne en tant qu’investisseur et stratège. La stratégie et l’opérationnel, c’est le fil conducteur de mon parcours professionnel », conclut Magalie Rosso que l’on n’arrête plus.