Hommes et chiffres

Rémy Tribhout : nouveau héros des microrobots

Innovation. Basée à la SEM Numérica de Montbéliard, Phigi développe une « argile » interactive, constituée de milliers de microrobots qui peuvent s’autoassembler en une forme quelconque.

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Photo de Rémy Tribhout
(Crédit : JDP)

Des minuscules robots qui peuvent se lier et s’assembler pour créer n’importe quelle forme possible et imaginable, c’est le projet Phigi notamment porté par l’ingénieur Rémy Tribhout. Toute ressemblance avec le personnage de Disney Hiro Hamada du film d’animation Les nouveaux Héros, sorti en 2015, n’a rien de fortuite. C’est en tombant sous le charme des microrobots du long-métrage que Rémy Tribhout, alors étudiant à l’Insa de Toulouse, décide de tout faire pour rendre réel ce concept cinématographique des plus avant-gardistes.

Il développe un projet de recherche baptisé Decabot qui est lauréat en 2015 du challenge Alten, leader mondial de l’Ingénierie et des IT Services. Cette récompense lui permet de recruter, dans les bureaux d’Alten, une équipe de quatre ingénieurs pendant six mois. Parallèlement, il fait un stage chez Thales pour préparer un contrat de Volontariat international en entreprise (VIE) qui va mettre son rêve entre parenthèse trois ans, puisque celui-ci le conduit au Panama où il participe au déploiement de la ligne 2 du métro de la ville. De retour en France, plus que jamais décidé à donner vie à ses microrobots, Rémy Tribhout se met à son compte et tente d’intégrer l’incubateur du CNRS Rise. « Je n’ai pas été retenu. On m’a conseillé de me rapprocher de laboratoires et d’intégrer une équipe de recherche », se souvient Rémy Tribhout. Le covid frappe alors et l’oblige à ronger ses freins.

Le confinement levé, il repart à Toulouse avec l’idée de faire une thèse : « En France quand on est thésard, on vous déroule le tapis rouge de l’entrepreneuriat, alors que pour les ingénieurs c’est la galère ». Un directeur de thèse à qui il explique son projet lui conseille de prendre contact avec le spécialiste des robots modulaires en Claytronics, leader du projet du projet de recherche Matière Programmable, le professeur Julien Bourgeois de l’institut Femto-ST à Montbéliard.

Franco-américain

Le jeune parisien décolle pour la Franche-Comté et réussit à débloquer les derniers deniers du fonds I-Site pour former, avec Julien Bourgeois, une équipe qui va s’atteler à valoriser la technologie des robots modulaires « Blinky Blocks », sortes de lego magiques qui s’assemblent à la main via des aimants et qui peuvent communiquer entre eux. Après avoir validé un record du monde en assemblant 1.824 blinky blocks, la team de Rémy se fait remarquer par Deca BFC et entre en pré-incubation en mars 2021.

« C’est à ce moment que le concept Phigi (pour physique digitale) prend réellement forme. Pendant mes deux premières années chez Deca BFC, je me suis attaché à rencontrer les professionnels des différents secteurs d’activités (architecture, bijouterie, santé, designer...) susceptibles d’être intéressés, notamment dans le cadre de prototypage, par notre “argile” interactive constituée de milliers de petites billes robotiques de 3 à 4 millimètres capables de s’autoassembler en une forme programmable à partir d’un modèle 3D sur ordinateur ».

Julien et Rémy développent une première preuve de concept en partenariat avec le professeur David Blaauw de l’université du Michigan, avec qui Julien Bourgeois avait déjà l’habitude de collaborer. C’est ainsi que David rejoint l’équipe fondatrice de Phigi. La jeune pousse remporte en 2022 la troisième place du concours du meilleur business plan du programme HEC Challenge +, « Notre technologie suit un peu l’évolution qu’ont connu les imprimantes 3D, qui ont mis du temps à trouver leur marché. C’est pour le moment difficile de trouver des clients. Nous envisageons une version beta pour 2027, 2028. En attendant, pour générer du chiffre d’affaires nous avons réfléchi à une utilisation de nos billes robotiques dans la maintenance ou l’inspection non destructive, ne nécessitant pas l’arrêt total des machines ou des installations difficilement accessibles. C’est un marché à haute valeur ajoutée », affirme Rémy Tribhout.

Phigi qui ne vit pour le moment que de subventions publiques « près d’un million d’euros depuis le début de l’aventure », ne s’est pas encore créée en start-up, « mais est bien accompagnée : nous avons été élus Deep tech Pioneers par le salon parisien Hello Tomorrow, incubé par le CNRS Rise à Paris (une belle revanche) et lauréat de l’appel à projet industrie 4.0 du Mattern Lab... Depuis le début, j’ai le sentiment que toutes les planètes s’alignent pour notre petite équipe franco-américaine de quatre personnes, que nous cherchons d’ailleurs à étoffer par le recrutement de deux collaborateurs supplémentaires... ».