Sébastien Motreuil
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Sébastien Motreuil

Envoûté par la Calypso.

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Photo de Sébastien Motreuil
Après la création d’un service de plongée scientiique au sein de l’université de Bourgogne, Sébastien Motreuil veut créer un diplôme universitaire sur cette spécificité aux multiples débouchés. (Crédit : JDP)

Enfant, Sébastien Motreuil a le nez collé sur l’écran du téléviseur familial. Image inversée du poisson rouge dans son bocal, il regarde envoûté, comme en apnée, les images de mondes sous-marins, habités des créatures sauvages surprises par les caméras des équipes du commandant Cousteau et de son iconique navire océanographique la Calypso. Entre lui et l’homme au bonnet rouge la connivence est immédiate et l’ivresse des profondeurs prend germe dans la petite tête blonde : c’est décidé, il fera de la plongée son métier. Très vite, il passe son niveau de plongée et devient moniteur.

Bons auspices maternels

Sur les bancs de l’école, c’est tempête et eaux troubles. Il ne décroche pas son bac et fait son service militaire à 19 ans. « À la sortie, je n’avais aucune qualification, mais la recherche me passionnait. J’ai donc cherché quels concours je pouvais passer sans le bac et c’est ainsi que je me suis retrouvé deux ans à travailler dans les hôpitaux universitaires Pitié Salpêtrière comme agent de laboratoire d’analyse », confie celui qui est aujourd’hui ingénieur d’études au CNRS et responsable du service de plongée scientifique du laboratoire Biogéosciences de l’université de Bourgogne.

« Le CNRS, j’y suis rentré par hasard. Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé un jour travailler pour cette institution du monde scientifique. Cette chance, je la dois à ma mère. Dans le train qui la menait à son travail, elle discute un jour avec une personne qui était employée au CNRS. Cette dernière lui parle de la possiblité d’entrer au sein de l’institut de recherche via des concours externes dont le niveau d’accès commence en dessous du bac. J’ai alors tenté le coup et c’est ainsi que j’ai décroché en 1991 mon premier poste comme agent animalier dans le laboratoire de neurobiologie à Gif sur Ivette (91) ou j’étais responsable d’une animalerie de souris transgéniques ».

En 1995, il obtient une mutation qui va le rapprocher de la mer et de sa passion pour la plongée. Il intègre le laboratoire de biologie du développement de l’observatoire océanologique de Villefranche sur mer (06) comme responsable des animaleries de la station zoologique, mais surtout comme chef de plongée scientifique. « Mes activités sur ce deuxième poste consistaient à organiser des collectes d’organismes marins et à mettre en place des capteurs divers en mer avec l’assistance de bateaux de la division technique de l’Institut national des sciences de l’univers (INSU) du CNRS ».

« Nous avons déjà réalisé plus de 700 plongées et participé à plus de 25 publications scientifiques »

En 2004, Sébastien Motreuil entend parler d’une mutation possible au laboratoire Biogéosciences, dans l’équipe écologie évolutive à Dijon. « Il cherchait quelqu’un pour monter une animalerie consacrée aux poissons, crustacés, mollusques et insectes. Tout était à créer, c’est une formidable opportunité pour moi d’apporter ma patte et mon expérience ».

En 2012, il est récompensé du prix des zootechniciens de l’Institut national des sciences biologiques (INSB) du CNRS pour les actions ou les améliorations développées pour le bien-être animal et l’ergonomie au travail au sein de l’animalerie dijonnaise composée de 14 salles techniques (dont une salle de « retour terrain ») sur une surface d’environ 225 mètres carrés. « Par ailleurs, quand je suis arrivé, il n’y avait pas de service de plongée alors qu’il y avait beaucoup de chercheurs dans le domaine de la recherche aquatique ou de la paléontologie. Bien que traditionnellement basé sur les côtes, je me suis dit qu’il y avait là un potentiel pour créer un tel service », se souvient Sébastien Motreuil.

Voyages au bout du monde

Le 6 novembre 2012, le nouveau service de plongée scientifique de l’université de Bourgogne voit le jour. Six plongeurs scientifiques ont pour mission la planification, la mise en œuvre et la réalisation d’opérations de plongée scientifique en milieu subaquatique marin et eaux douces jusqu’à 50 mètres de profondeur, avec pour objectif la collecte de données (échantillonnages, mesures et observations) à des fins de recherche scientifique et d’enseignement.

Ils conçoivent également des outils permettant la réalisation des opérations de plongée scientifique, dont ils assurent la sécurité, la prévention et la conformité avec la réglementation. « Nous avons déjà réalisé plus de 700 plongées et collaboré à plus de 25 publications scientifiques. Aujourd’hui nous sommes sollicités partout en France et dans le monde. Nous avons participé à des études comportementales entre poissons cichlidés optimistes et pessimistes dans les lacs volcaniques du Nicaragua et dans les rivières du Costa Rica, à des missions de prélèvement et d’étude in situ de l’oursin Meoma ventricosa dans les Antilles, de prélèvement de sédiments à la Jamaïque, ou plus localement en collaboration avec la laboratoire Chronoenvironnement de l’université de Franche-Comté à des fouilles au-delà de 50 mètres avec un petit robot dans un lac du Jura à la recherche de traces archéologiques d’anciens villages lacustres préhistoriques. De 2013 à 2016, nous avons réalisé cinq missions d’inventaire et de suivi de la biodiversité marine côtière aux Iles Kerguelen dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Ce programme baptisé Proteker est unique au monde. Au cœur de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor, il est piloté par Thomas Saucède, maître de conférences, directeur du laboratoire Biogéosciences et membre du Comité national Français des recherches arctiques et antarctiques (CNFRAA) », énumère avec fierté celui qui a gravi les échelons au sein du CNRS et qui aujourd’hui s’implique dans un nouveau projet : celui de la formation.

« Nous avons mis en place cette année une formation de plongeur scientifique. Nous accueillons actuellement une dizaine d’étudiants mais nous avons vocation à grossir. L’objectif est de monter un diplôme université sur cette filière où les débouchés sont nombreux. De plus, à Dijon nous avons cet atout de la fosse de plongée à la piscine olympique de Dijon ».