Collectivités

Nos femmes puissantes

Dossier spécial égalité. En cette semaine qui culminera vendredi 8 mars avec la Journée internationale des Droits des femmes, la rédaction a souhaité mettre en valeur des femmes inspirantes incarnant, chacune à leur manière, la réussite. Nous avons eu envie de partager leurs parcours, leurs combats, leurs paroles et leurs valeurs. Ce dossier spécial, nous l’espérons, apportera sa pierre à la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes – même si le rapport 2023 du Haut conseil à l’égalité fait un état des lieux du sexisme en France très inquiétant…

Lecture 10 min
(Crédit : DR, FFCK, ASSEMBLÉE NATIONALE )

Parlementaires ou élues locales, elles ont su s’imposer dans un univers encore très masculin : fin 2023, le Sénat comptait 36,2 % de sénatrices, l’Assemblée nationale 37 % de députées (en recul par rapport à 2017). Quant au gouvernement Attal, il compte cinq ministres femmes de plein exercice contre huit hommes. Les cinq ministères régaliens (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Armées, Économie) sont tous occupés par des hommes.

Echigey, une commune au féminin pluriel

Le 30 avril 1945 au matin, toutes les Françaises et tous les Français connaissent la petite commune d’Échigey, en Côte-d’Or. La veille, c’est là-bas que l’une des vingt premières femmes maires de France vient d’être élue, quelques mois après que De Gaulle leur a accordé le droit de vote. Mais ce qui est unique à Échigey, c’est que « Madame le maire » n’est entourée que de femmes dans son conseil municipal. Tout est parti d’une blague.

Statistiques sur le nombre de députées
(Crédit : assemblee-nationale.fr / senat.fr)

Alors que les hommes sont encore prisonniers de guerre, des candidats ne trouvant pas assez d’hommes lancent avec humour : « On va faire une liste de femmes ». Blague pour blague, des femmes menées par Madeleine Ainoc montent une liste et sont élues dès le premier tour. Dans les médias (une vidéo est disponible sur le site de l’INA) on moque ou on applaudit et si, avec le temps, le mandat de 18 mois est apparu comme « une bonne blague », il n’empêche que la commune d’Échigey fut admirablement gérée à la grande surprise des hommes qui, malgré leur étonnement ne tardèrent pas à vouloir reprendre le pouvoir… En 1947, les prisonniers sont rentrés. « Votez pour les hommes ! À bas les femmes ! » lit-on sur les murs du village pendant la campagne électorale.

L’ORTF se régale, expliquant que « les femmes ont délaissé leur cuisine ». Madeleine Ainoc et les neuf conseillères municipales se prêtent à une parodie de guerre des sexes qui alimente les heures chaudes de la télévision. Si en 1983, Madeleine Ainoc confiait au Bien Public : « Nous avons bien géré les affaires de la commune, tout le monde a été unanime à le reconnaître. Et si les hommes se fichaient de nous, nous encore plus d’eux ! », il n’empêche qu’elle fut la première et la dernière femme à ce jour à ceindre l’écharpe de maire d’Échigey…

Le plafond de verre se fissure

La France obtient la première place en matière d’égalité des sexes en entreprise dans le monde. Sur un panel de 3.787 entreprises originaires de 23 pays, elle obtient en effet le score de 55 % (contre 25 % en moyenne), selon l’édition 2023 du baromètre Equileap.

Pourcentage du sondage sur le féminisme dans la société
(Crédit : Rapport 2023 du Haut conseil à l’égalité sur l’état du sexisme en France)

Une explication ? La loi Copé-Zimmermann (imposant 40 % de femmes dans les Conseils d’administration) et la Loi Rixain, assortie d’un objectif de 30 % de femmes dans les entreprises d’au moins 1.000 salariés d’ici à 2027 et 40 % d’ici 2030 et la parution de l’index d’égalité professionnelle, obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés. Même si tout n’est pas rose : selon l’observatoire 2024 de Skema business school, les femmes occupent 6,25% des 80 postes de président et/ou directeur général des entreprises du CAC40 (3,75% en 2022 et 2,5% en 2021).

Ces business women savent oser, se dépasser, se challenger… et rebondir malgré les aléas. Et si elles doivent concilier vie privée et vie professionnelle bien plus que leurs homologues masculins, elles ont fait des obstacles des tremplins car renoncer, ce n’est pas leur genre…

La disparition progressive de l’effet Matilda

Conceptualisé au début des années 1980 par l’historienne des sciences Margaret Rossiter, « l’effet Matilda » (hommage à la militante féministe Matilda Joslyn Gage qui avait dénoncé le phénomène à la fin du XIXe siècle) est l’invisibilisation des femmes dans les sciences. Qui se souvient de Rosalind Franklin (découvreuse de la structure de l’ADN), Marthe Gauthier (qui découvrit le chromosome surnuméraire responsable du Syndrome de Down) ou de Lise Meitner (dont les travaux scientifiques dans les années 1930 sur la fission nucléaire n’ont pas été publiés car la jeune femme était juive ?) et de tant d’autres… Pas d’effet Matilda pour ces scientifiques de très haute volée dont la région BFC peut se féliciter d’accueillir les travaux !

Le sport féminin

« Impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine. Ce n’est pas là notre conception des Jeux olympiques dans lesquels nous estimons qu’on a cherché et qu’on doit continuer de chercher la réalisation de la formule que voici : l’exaltation solennelle et périodique de l’athlétisme mâle avec l’internationalisme pour base, la loyauté pour moyen, l’art pour cadre et l’applaudissement féminin pour récompense. Cette formule combinée de l’idéal antique et des traditions de la chevalerie est la seule saine et la seule satisfaisante. Elle s’imposera d’elle-même à l’opinion ». Cette sentence concernant la présence de sportives émane de Pierre de Coubertin lui-même, un texte publié dans la Revue olympique en 1912. Nul doute que le père de l’athlétisme moderne avalerait ses moustaches en constatant que les JO 2024 à Paris se veulent les premiers Jeux paritaires…

2024, année du « backlash »

Le « backlash » ou retour de bâton, fait référence à un essai féministe éponyme de Susan Faludi paru en 1991. En 2024, il désigne le contrecoup conservateur qui se fait entendre depuis quelques mois en riposte aux débats et avancées sur le plan du droit des femmes.

Pourcentage sur le nombre de victimes
(Crédit : Rapport 2023 du Haut conseil à l’égalité sur l’état du sexisme en France)

Les sites et autres comptes sur les réseaux sociaux promouvant les thèses machistes et son pendant féminin vantant la « trad wife » explosent leurs nombres de vues… tandis que les chiffres des violences sexuelles et celui des féminicides commis par les compagnons ou ex compagnons des victimes culminent à des sommets insoutenables. Le site feminicides.fr en tient le compte macabre, pour que ces femmes (chaque année, plus d’une centaine tuées) ne soient pas oubliées.