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Une nouvelle géographie pour les quartiers prioritaires de la Ville

Politique de la Ville. Intouchée depuis 2014, la géographie des Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) évolue : un décret paru le 30 décembre 2023 au Journal officiel actualise la localisation de ces QPV, désormais au nombre de 1.362 en France. La BFC n’échappe pas à quelques changements.

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La carte des QPV
La carte des QPV identifie 1.362 Quartiers prioritaires de la Ville contre 1.296 auparavant. Ce nouveau découpage est entré en vigueur le 1er janvier 2024. (Crédit : secrétariat d’État chargé de citoyenneté et de la ville)

Installés par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (dite loi Lamy), les Quartiers prioritaires de la politique de la ville n’avaient pas été revus pendant dix ans. C’est désormais chose faite puisque depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle carte de ces QPV s’impose en France, ainsi que l’explique dans un communiqué la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville Sabrina Agresti-Roubache, « aboutissement d’un processus d’échange fructueux que j’ai souhaité entre les préfets et les élus locaux. Notre volonté était de répondre aux besoins des plus fragiles et d’avoir un zonage au plus proche des réalités de chaque territoire ».

Ce sont désormais 1.362 quartiers prioritaires de la politique de la ville (contre 1.296 auparavant) qui sont détaillés dans le décret paru le 30 décembre 2023. « Sur la base de cette nouvelle géographie prioritaire, les contrats de ville “Engagement Quartiers 2030” seront signés d’ici le 31 mars prochain avec deux objectifs prioritaires dans ma feuille de route : être des vrais projets de territoire permettant de répondre aux enjeux identifiés en lien étroit avec les habitants et s’assurer de la mobilisation du droit commun pour les QPV », poursuit la secrétaire d’État.

Quatre sortants et huit entrants en BFC

111 quartiers ont rejoint la liste des QPV et 40 en sont sortis. 960 ont un contour modifié, 215 gardent un contour similaire. La région BFC n’échappe pas à cette nouvelle cartographie qui a donc évolué sur la base de l’actualisation des réalités locales. Quatre quartiers sortent du dispositif : Saint-Jacques à Beaune (21), Grette à Pontarlier (25), Stade-Fontaine au Loup à Chalon-sur-Saône et Harfleur-République-Lapérouse au Creusot (71). Huit autres font leur entrée : Quetigny centre (21), Forges-Montanot à Audincourt, Hauts de Saint-Claude et Battant à Besançon, Batteries du Parc à Montbéliard et Les Pareuses à Pontarlier (25), La Molette au Creusot (71) et La Pépinière à Belfort (90). Les autres QPV restent inchangés, si ce n’est que parmi les existants, certains voient leur périmètre évoluer.

La loi précise aussi les critères de revenu et de population des QPV, parmi lesquels : être dans une unité urbaine de plus de 10.000 habitants ; le nombre minimal d’habitants d’un QPV est fixé à 1.000 personnes ; le critère de revenu des ménages est défini par le décrochage par rapport aux revenus de l’unité urbaine du QPV et par rapport aux revenus de la France métropolitaine.

Des indicateurs très défavorables

En BFC, fin 2023, l’Insee comptabilisait plus de 140.000 habitants de la région vivant dans un QPV. Or, en septembre 2023, le service de statistiques et d’évaluation de Pôle Emploi (devenu France Travail) publiait justement plusieurs indicateurs concernant les demandeurs d’emploi résidant dans les QPV de la région Bourgogne Franche-Comté ; des indicateurs globalement très défavorables pour ces quartiers. En Bourgogne Franche-Comté, à cette date, 20.178 demandeurs d’emploi en catégorie ABC vivaient dans un QPV, soit 10% des demandeurs d’emploi de la région (contre 13% en moyenne en France métropolitaine), avec quelques disparités régionales, puisque le Territoire de Belfort abritait la plus forte par de ces demandeurs d’emploi en QPV (20%), suivi par le Doubs (15%).

Le niveau de qualification des demandeurs d’emploi y était plus faible, avec 49% de non qualifiés contre 34% dans l’ensemble de la région et 29% dans l’ensemble de la France métropolitaine ; la part des agents de maîtrise, techniciens et cadres de seulement 6% contre 14% en moyenne en BFC (18% au niveau national). Le niveau de formation y était également plus faible, les QPV accueillant 29% de non diplômés parmi les demandeurs d’emploi (contre 17% au niveau national et 16% en France métropolitaine). Enfin, 24% des demandeurs d’emploi résidant dans les QPV de BFC étaient bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), alors qu’ils n’étaient que 12% en moyenne dans la région et 13% sur le territoire national métropolitain.

Quels impacts en BFC ?

Reste que, malgré ces indicateurs, avec 23 contrats de ville et 58 QPV dans les huit départements, « huit années après la mise en œuvre de la loi Lamy, l’ambition réformatrice est restée constante pour les acteurs des territoires de la politique de la ville de Bourgogne-Franche-Comté », notait une étude de juin 2022 émanant de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarité (Dreets).

Basée notamment sur les témoignages des acteurs de la politique de la ville, cette étude fournit une analyse très fine des impacts dans les QPV de la région, en tentant notamment d’apporter une réponse à la question suivante : « les quartiers prioritaires ont-ils amorcé une résorption de leurs difficultés et des décrochages identifiés en 2014 ? » en interrogeant différents items. Ainsi, la rénovation urbaine est « nettement envisagée comme un progrès pour l’amélioration du cadre de vie mais aussi dans le rapprochement entre les acteurs du bâti et les acteurs de la cohésion sociale et ce, malgré des difficultés d’association des habitants et d’anticipation des effets des relogements », quand le sentiment vis-à-vis de l’accès à l’emploi reste très mitigé, de même qu’envers la mobilité, la tranquillité publique et la délinquance ; l’accès à la santé en revanche est unanimement dénoncé comme déficient.

L’étude note aussi la difficulté d’associer les habitants à la politique de la ville, alors que l’implication est l’un des principaux enjeux de réussite de celle-ci. Enfin, elle pointe le hiatus entre les QPV et le monde économique, cette dernière dimension étant davantage tournée dans les QPV sur le volet « retour à l’emploi » alors que, rappelle l’étude de la Dreets, « le monde de l’économie et de son développement, dans et en faveur des territoires en politique de la ville, relève véritablement du droit commun, celui des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) et sa direction de l’économie qui quelquefois dialogue peu avec celle de la cohésion sociale. On voit là le chemin qui reste à parcourir pour construire à l’interne (mais pas seulement) des collectivités ce dialogue de projet ». Un « chemin » qui implique un complet changement de paradigme : considérer les QPV non plus comme des freins au développement économique mais comme des acteurs potentiels de celui-ci, sans obérer leurs handicaps mais en visant aussi leurs forces.