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BSPCE : un dispositif d’actionnariat salarié au cadre fiscal favorable

Entreprise. La doctrine de l’administration fiscale en matière de Bons de Souscription de Parts de Créateurs d’Entreprise (BSPCE) est mise à l’épreuve par le Conseil d’État depuis quelques mois. L’occasion pour nous de revenir sur les avantages de ce dispositif d’intéressement et de fidélisation des salariés, dédié aux PME.

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Le dispositif d'actionnariat salarié
(Crédit : Freepik)

Un BSPCE est une option d’achat attribuée gratuitement par les associés d’une entreprise à ses salariés et mandataires sociaux. Cette option donne le droit à son bénéficiaire d’acheter des actions de l’entreprise pendant une période déterminée et à un prix fixé au moment de leur attribution.

La conversion des BSPCE en actions est généralement subordonnée à des conditions telles que la présence du salarié dans l’entreprise, ou l’atteinte d’objectifs de performance (augmentation du chiffre d’affaires, de la marge brute, etc.) Une fois les actions souscrites, le bénéficiaire peut les revendre au prix du marché, selon les modalités définies par un pacte d’actionnaires. En pratique, les BSPCE sont généralement exercés un instant de raison avant la vente des actions, garantissant ainsi au bénéficiaire la réalisation d’un gain financier.

Exemple : en septembre 2024, une entreprise attribue des BSPCE à son directeur commercial, lui permettant d’acheter 100 actions à 5 € chacune. En 2030, l’action vaut 100 €. S’il exerce ses BSPCE et revend les 100 actions immédiatement, il réalise un gain de 9.500 € ([100 x 100] - [100 x 5]).

L’attribution de BSPCE est un outil puissant pour motiver ses collaborateurs. Les bénéficiaires de BSPCE sont incités à participer à la croissance de l’entreprise puisque, plus la valeur de l’entreprise augmente, plus la perspective de réaliser un gain est importante.
Les bénéficiaires ne courent aucun risque financier, les BSPCE étant attribués gratuitement, et leur exercice demeurant toujours facultatif.

Qui peut attribuer des BSPCE ?

Les BSPCE peuvent être attribués par les sociétés par actions (SA, SCA, SAS, SE), non cotées ou de faible capitalisation boursière (moins de 150 millions d’euros), et qui remplissent les conditions suivantes (article 163 bis G, II du Code Général des Impôts (CGI) :

  • être immatriculée au Registre du commerce et des sociétés depuis moins de 15 ans ;
  • être soumise à l’impôt sur les sociétés en France ;
  • avoir un capital détenu directement par des personnes physiques au moins à hauteur de 25 %, ou par des personnes morales détenues à 75 % par des personnes physiques.

Les conditions strictes d’attribution des BSPCE en font un outil exclusivement dédié aux start-ups et PME.

À qui peuvent être attribués les BSPCE ?

Les sociétés éligibles peuvent attribuer des BSPCE à leurs salariés et dirigeants soumis au régime fiscal des salariés (président, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire). Les BSPCE peuvent également être attribués aux salariés et dirigeants des filiales détenues à 75 % au moins.

Quel est le régime fiscal et social des BSPCE ?

La cession d’actions résultant de l’exercice des BSPCE entraîne la réalisation d’un gain égal à la différence entre (i) le prix de vente net des frais et taxes et (ii) le prix d’acquisition fixé lors de l’attribution. Ce gain est imposable comme une plus-value de cession de valeurs mobilières.
Pour les bons attribués à compter du 1er janvier 2018, le taux d’imposition varie en fonction de l’ancienneté du bénéficiaire : Si le bénéficiaire est présent dans l’entreprise depuis plus de trois ans, le gain est imposable au taux de 12,8 %, sauf option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Dans les deux cas, un abattement fixe de 500.000 € pour les cessions réalisées par les dirigeants lors de leur départ à la retraite peut s’appliquer, si les conditions pour en bénéficier sont réunies. Le gain est imposable au taux de 30% dans les autres cas, sans possibilité d’option pour le barème progressif, et sans bénéfice de l’abattement de 500.000 €. Le gain est également soumis aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %.

Pourquoi privilégier les BSPCE par rapport aux autres outils d’intéressement ?

S’agissant d’un instrument encadré par la loi, le gain réalisé par les bénéficiaires de BSPCE n’est pas susceptible de faire l’objet d’une requalification en rémunération professionnelle, à la différence des instruments ad hoc tels que les Bons de Souscription d’Actions (BSA) ou promesses de vente d’actions. L’administration fiscale et les URSAFF ont en effet tendance, depuis plusieurs années, à requalifier les gains issus de ces instruments pour les imposer dans la catégorie des traitements et salaires et les soumettre aux cotisations sociales (Cour de cassation, civile, 4 avril 2019, 17-24.470 et Conseil d’Etat, 13 juillet 2021 – n°428506, n°435452, n°437498).

Le régime encadré des BSPCE offre ainsi une grande sécurité fiscale aux bénéficiaires. Du côté de l’entreprise, l’attribution de BSPCE n’est pas soumise au versement d’une contribution sociale patronale, à la différence des plans d’attribution d’actions gratuites et stock-options.

L’attractivité des BSPCE renforcée : l’éligibilité au sursis d’imposition validée par le Conseil d’Etat Le mécanisme du sursis d’imposition assure la neutralité fiscale à l’opération d’apport d’actions à une société non contrôlée par l’apporteur, reportant l’imposition à la date de cession des titres reçus en échange de l’apport (article 150-0 B du CGI). L’administration fiscale considérait que le gain résultant de l’apport d’actions issues de BSPCE n’était pas éligible au sursis (BOI-RES-RSA-000127, BOI-RSA-ES-20-40-30 §1 et BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10 §1 – 25/05/2023), plaçant ainsi les détenteurs de BSPCE dans une position moins favorable que les autres actionnaires. Les opérations d’apport d’actions issues de BSPCE devaient en conséquence être imposées au titre de l’année de l’apport, alors même que l’apporteur ne percevait aucune liquidité lui permettant d’acquitter l’imposition.

Le Conseil d’État a bien heureusement invalidé la position de l’administration fiscale, et annulé le rescrit litigieux (n°476309). La solution peut à notre sens être étendue au mécanisme du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du CGI (opérations d’apports à une société contrôlée par l’apporteur). Par cette décision le Conseil d’Etat renforce l’attractivité des BSPCE et ouvre des opportunités aux bénéficiaires. Ces derniers peuvent désormais apporter leurs titres à une société holding et cristalliser une plus-value sans déclencher d’imposition.

Photo de Me Julie Finance & Me Marie Gerbay
Me Julie Finance & Me Marie Gerbay, Avocates à la Cour. (Crédit : DR)