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En BFC, on n’a pas de centrale... mais on a une filière nucléaire

Métiers du nucléaire. Le secteur représente 270 établissements et emploie 23.000 salariés en région Bourgogne Franche-Comté. 12.000 postes seraient à pourvoir d’ici à 2030 alors que le Président de la République a réaffirmé l’ambition de reconquête de la souveraineté énergétique du pays.

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  • Graphique des salariés de la filière nucléaire
    Le poids des dix principaux métiers de la filière fait apparaître une très forte tension sur la majorité d’entre-eux. (Crédit : Insee Analyses BFC 2024)
  • Graphique sur la part de la filière nucléaire dans l'emploi salarié
    Les entreprises liées au nucléaire sont réparties sur l’ensemble de la régon BFC, allant des grands donneurs d’ordre (EDF, Framatome, General Electrics), mais aussi un réseau de TPE-PME. (Crédit : IGN - Insee 2024.)

Alors que la semaine des métiers du nucléaire vient de s’achever, l’État par la voix du Préfet de région Franck Robine, la présidente du conseil régional Marie-Guite Dufay et Jean-François Debost, directeur du pôle de compétitivité nucléaire Nuclear Valley, ont tenu un point presse pour détailler le poids du secteur en région BFC et ses perspectives de développement. Cette mise en valeur intervient alors que le Président de la République durant son déplacement à Toulouse en décembre 2023, a réaffirmé la nécessité de déployer les énergies renouvelables et les projets nucléaires du pays ; des enjeux répétés par le Premier ministre Gabriel Attal lors de son discours de politique générale.

France 2030 va ainsi injecter 1,2 milliard d’euros à la recherche et l’innovation appliquées au secteur, et outre le lancement de l’EPR de Flamanville après moultes péripéties, l’arsenal énergétique nucléaire français va également s’enrichir de six nouveaux EPR2 à partir de 2028 (mise en service en 2035), dont deux sur le site du Bugey « à quarante minutes de Mâcon, une heure de Saint-Claude, 35 milliards d’investissement directs et indirects. Autant vous dire que cela va avoir un impact considérable sur tout le sud de la région Bourgogne Franche-Comté », a prévenu Jean-François Debost.

Huit EPR2 supplémentaires, dont les modalités seront annoncées « l’été prochain », selon Franck Robine, sont aussi projetés. Un fort enjeu concerne enfin la maintenance du parc existant de centrales nucléaires et la prolongation des équipements qui peuvent être exploités dans le cadre de sécurité requis.

1/10e de l’effectif national en BFC !

En France, pays pionnier du nucléaire en Europe qui compte 18 centrales de production d’énergie nucléaire, le secteur pèse six milliards d’euros dans la balance commerciale. En BFC, on n’a certes pas de centrale, mais une filière solide, symbolisée par la présence du pôle de compétitivité Nuclear Valley, en partage avec Lyon, un réseau de 270 entreprises de toutes tailles, de la TPE aux filiales de grands groupes nationaux et internationaux employant 23.000 salariés, soit 1/10e de l’effectif national (220.000 emplois) et également 10% de l’emploi total en BFC (soit 15% des emplois industriels). La région peut aussi s’enorgueillir de la présence, à Chalon-sur-Saône, d’un équipement unique au monde, le Cetic (centre d’expérimentation des techniques d’intervention sur les chaudières) qui permet aux techniciens et ingénieurs de se former dans les conditions réelles d’une centrale nucléaire.

Deux enjeux majeurs

Cette filière définie comme stratégique par l’exécutif l’est donc tout particulièrement en Bourgogne Franche-Comté, qui avance, par le truchement de Marie-Guite Dufay d’ici à 2030, le chiffre de 12.000 postes supplémentaires à pourvoir dans le nucléaire et ses entreprises annexes - le secteur est en effet gourmand de métallurgistes, soudeurs, chaudronniers... avec une compétence supplémentaire pour travailler dans ce secteur sensible - rien qu’en BFC, sur les 100.000 emplois qui seront au minimum nécessaires au niveau national.

« Deux défis se présentent à la région, a-t-elle souligné. Le premier est celui de la reconquête industrielle, du réenchantement de l’industrie, du nouveau regard que nos concitoyens doivent avoir vis-à-vis de l’industrie ; le second est celui de l’attractivité. Parce que pour recruter autant de personnes, ce n’est pas sur nos seules ressources, dans nos seuls bassins d’emplois que nous pourrons compter et il faut dire haut et fort quels sont les charmes, les potentiels et les intérêts de notre région et parmi eux, le fait que nous sommes une région industrielle et que nous avons des emplois industriels à pourvoir et pas des moindres. Ce sont des emplois qualifiés, aux rémunérations intéressantes, avec l’opportunité de faire de belles carrières ».

Un enjeu d’attractivité d’autant plus aigü que les récentes projections de l’Insee dessinent un avenir démographique plutôt pessimiste pour la région, ce dont Marie-Guite Dufay semble avoir pris la mesure : « Tout cela est devant nous, c’est une opportunité pour notre région, mais effectivement c’est un enjeu de bataille qui nécessite la conjugaison de toutes les forces et c’est pour cela que nous sommes aux côtés de l’État qui mène résolument cette stratégie nationale. »

L’État, précisément, appuie cette ambition par la voix de Franck Robine : « Je le dis sans gonfler les choses : une partie de ce qui a été annoncé pour l’avenir de la filière se fera et doit se faire ici en Bourgogne Franche-Comté, parce qu’il y a cet historique industriel et parce qu’il y a les compétences. Cette région a un rôle majeur à jouer ». Il a à cette occasion rappelé que la présidente de l’Université des métiers du nucléaire (voir note ci-dessous, ndlr), Hélène Badia, est déjà venue deux fois en BFC, à Chalon-sur-Saône et, en décembre dernier, au Creusot, preuve de l’intérêt que présente la région pour la filière, riche d’une offre de formation jusqu’au master.

Articulation avec la filière hydrogène

L’enjeu du secteur nucléaire, déjà crucial en lui-même, a un impact supplémentaire en région BFC, qui mise gros sur une filière hydrogène dont l’avenir s’écrit évidemment avec de l’électricité décarbonée pour répondre aux exigences de transition énergétique. « Tout cela fonctionne et doit de plus en plus fonctionner ensemble, confirme Marie-Guite Dufay. Les métiers de base qui sont requis et pour l’hydrogène et pour le nucléaire sont les mêmes ! Ce sont des métiers de soudeurs, de chaudronniers, d’assembliers, de robinettiers, de logisticiens... qu’il faut colorer d’un côté nucléaire ou d’un côté hydrogène. Nos intérêts sont liés. Et on a intérêt à travailler en interfilières, que l’ensemble des filières industrielles de notre région travaillent ensemble à ce plan de charge. Il ne faudrait pas qu’il y ait une filière qui capte toutes les compétences au détriment des autres. C’est pour cela que l’enjeu de l’attractivité est aussi crucial ».