Hommes et chiffres

Opération séduction pour le bio

Alimentation. Alors que la loi EGAlim – dont la première version date de 2018 – s’était notamment fixé l’objectif d’atteindre au minimum 20% de produits biologiques dans les achats alimentaires de la restauration collective dès le 1er janvier 2022, la filière est plus que jamais en attente de changements.

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  • Photo de Samuel Bulot
    (Crédit : DR)
  • Photo de vaches
    (Crédit : DR)

Depuis 8 ans, à Prâlon – à 20 kilomètres à l’ouest de Dijon -, Samuel Bulot est l’un des 4.200 éleveurs de lait biologique - destiné notamment à la restauration collective (écoles, administrations, Ephad, hôpitaux…) - en France. « Je me suis installé il y a 25 ans, précise-t-il. Au départ, j’étais en production laitière conventionnelle mais avec un système déjà assez extensif avec une alimentation à base d’herbe. Le déclic est arrivé il y a 8 ans dans un moment où le lait conventionnel était payé très bas. Je me suis dit que mon système n’était pas cohérent et qu’il valait mieux que je parte en bio : j’ai étudié la question avec des conseillers pour savoir réellement ce que ça impliquait et je me suis rendu compte que ça ne me faisait pas de changement énorme. Avec le recul, je me demande pourquoi je ne l’ai pas fait avant, même en période de crise ».

Aujourd’hui, le producteur lie cette reconversion vers le bio à un système monotraite lui permettant d’obtenir 3.500 à 4.000 litres de lait avec chacune de ses 120 vaches chaque année – « moins de lait qu’en conventionnel certes, mais un lait plus riche ». Mais cette liberté de choisir son type de production est parfois impossible. « J’ai fini de payer mon bâtiment : j’ai les reins solides pour tenir en cas de difficultés. Mais quand on est jeune, que l’on s’installe et que l’on a un gros emprunt, on a besoin d’un volume d’argent et on n’a pas le choix, il faut acheter et produire, parfois de façon non rentable. Dans mon cas, depuis que le prix du lait bio est retombé en 2021, j’ai perdu 15% de revenus par an ». Car même si l’État encourage la conversion vers le bio avec des aides importantes, celles-ci ne perdurent pas au-delà de cinq ans – « d’où l’importance d’un marché qui fonctionne et qui permette de vivre de sa production ».

Une demande en peine

Or, le bio ne semble toujours pas trouver sa place dans les habitudes de consommation. Celui-ci représentait, en 2022, moins d’1,7% des achats réalisés dans la restauration commerciale selon le CNIEL (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière) et Interfel (interprofession des fruits et légumes frais). « Dans la restauration collective, il y a aussi des problèmes d’habitude et d’éducation, estime Samuel Bulot. Le système d’appel d’offre est un frein pour la filière car les demandeurs vont souvent vers la facilité, c’est-à-dire les gros producteurs. Il y a aussi l’image d’un bio forcément plus cher, ce qui n’est pas forcément le cas ».

Dans ce contexte, un litre de lait bio sur trois n’est pas transformé en un produit laitier fini biologique ; il sert alors à produire des produits laitiers conventionnels. « Aujourd’hui, on a trop de lait bio sur le marché, mais avec la pyramide des âges vieillissante, ce serait dommage d’en manquer dans quelques années. Il faut motiver les jeunes à prendre la relève et encourager la demande ».

« La restauration collective est un axe de travail majeur, assure Hélène Bourgade, chargée de communication sur les produits laitiers bio au CNIEL et coordinatrice de la campagne « Prenez en main la bio ! » cofinancée par l’Union Européenne et menée avec Interfel pour informer, sensibiliser et promouvoir les produits bio au sein de la restauration collective. On est encore loin des 20% de loi EGAlim, en s’en rapprochant cela va permettre la vente de plus de volume en bio. Il s’agit d’un gros espoir pour les producteurs ». Dans les faits, au niveau national, la part de bio dans la restauration collective est très minoritaire : les administrations affichent un bilan honorable avec 17% de produits biologiques ; l’enseignement – dans sa globalité – est à 14% (dont 20% pour le primaire) ; mais la santé (3 à 4%) et le social – Ehpad compris – (5 à 6%) affichent des bilans discutables.