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Plein FAR sur Planoise

Sécurité. Annoncée le 26 octobre 2023 par Élisabeth Borne, la Force d’action républicaine (FAR) a officiellement été lancée à Besançon le mardi 27 février pour répondre notamment aux problèmes d’insécurité du quartier de Planoise.

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Photo de Gilles Clavreul, Anne Vignot, Rémi Bastille et Étienne Manteaux
Gilles Clavreul, responsable national des Forces d’action républicaines (Far), Anne Vignot, présidente de GBM et maire de Besançon, Rémi Bastille, préfet du Doubs et Étienne Manteaux, procureur de la République de Besançon. (Crédit : JDP)

Voulue par le gouvernement, la FAR est un nouveau dispositif original visant à restaurer la sécurité dans certains quartiers. Elle a pour objectif d’apporter une réponse globale, qu’elle soit judiciaire, éducative ou sociale, aux difficultés rencontrées par les habitants. Le 27 février l’une de ces FAR prenait ses quartiers à Planoise. « L’idée c’est de répondre de manière inédite à un certain nombre de problématiques posées par les habitants des quartiers politique de la ville, de comprendre les attentes, les craintes, d’aller au fond des choses, de se poser la question de savoir pourquoi ce qui a déjà été mis en place n’a pas fonctionné… », expose Gilles Clavreul, responsable national de la FAR.

Pour ce faire, ce dispositif expérimental va d’abord se donner six à huit semaines pour réaliser un diagnostic à l’échelle du quartier de Planoise qui s’appuiera sur des experts mandatés par trois administrations de l’État : l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de l’éducation, des sports et de la recherche (IGÉSR). Cet état des lieux qui impliquera également la population, la police, les services judiciaires, la ville, pôle emploi, les associations locales… doit permettre de construire un plan d’actions visant à lutter contre le trafic de stupéfiants, repérer le décrochage scolaire et améliorer l’accès aux services publics et à la culture.

« Ce deuxième temps, fixé à six mois, sera celui de la décision et de l’action. Un temps volontairement court, qui ne réglera pas tout mais qui permettra d’amorcer bien des choses et d’avancer sur les priorités. L’idée d’aller vite, c’est aussi celle de montrer aux habitants qu’il se passe quelque chose, qu’une dynamique est enclenchée et qu’elle s’incarne déjà dans le quotidien », appuie Gilles Clavreul. « Je me félicite de cette action coordonnée. Pour une fois tout le monde va dans la même direction, ce qui permet d’aller plus loin, plus efficacement, affirme Anne Vignot, président de Grand Besançon Métropole et maire de la ville.

Beaucoup de choses ont déjà été menées à Planoise, de nombreux équipements sportifs et culturels sont présents et pourtant, des dysfonctionnements demeurent. La FAR devrait permettre de répondre à la question : « pourquoi encore trop de personnes ne viennent pas à la rencontre de nos actions et services, voir ce qui fait que structurellement ils en restent éloignés ? ». Je voudrais également insister sur le fait que cet engagement que nous portons à Planoise ne doit pas mobiliser les seuls planoisiens mais bien l’ensemble des bisontins qui doivent arrêter de stigmatiser ce quartier en refusant par exemple de mettre leurs enfants aux collèges de Diderot ou Voltaire... Planoise, c’est tout un monde dynamique, un terreau fertile riche d’acteurs impliqués qui méritent d’être connus à l’extérieur ». Le nouvel outil ambitionne de s’attaquer au mal des addictions « à Planoise, on n’est pas forcément acteur des trafics de stupéfiants on en est surtout victime », argue Anne Vignot.

Pas un dispositif de plus

« Depuis mon arrivée en octobre 2018 et le lancement du dispositif de Quartier de reconquête républicaine (QRR), nous sommes passés de 28 places de deal à 3-4 aujourd’hui, analyse le procureur de la République Étienne Manteaux. L’objectif avec la FAR, c’est d’arriver à zéro place de deal. Mais tant qu’il y aura une consommation forte, on n’arrivera à rien. C’est pourquoi la FAR se veut plus offensive sur la consommation et la lutte contre les addictions. Il faut également travailler sur la fraude, notamment sur les commerces de façade qui servent à blanchir l’argent du trafic, sur les mineurs en décrochage qui deviennent les petites mains des dealer et sur la réinsertion des anciens détenus, afin de couper la spirale de la reprise de la délinquance... Tous ces projets nécessitent d’obtenir des budgets suffisants ».

Sur la question des financements justement, Gilles Clavreul a préféré n’avancer aucun chiffre : « Je ne veux pas être dans cette posture où l’on annonce le déblocage de grosses sommes dans un but d’affichage. Ici, on part du terrain, des besoins, des attentes spécifiques du territoire qui seront remontés de la période de diagnostic préalable. Ensuite, l’État engagera les moyens humains et financiers nécessaires sur une feuille de route l’engageant sur les quatre mois restants des six mois de durée du dispositif ».

Le préfet du Doubs tient à assurer que la Far « n’est pas un dispositif de plus, mais bien un nouvel élan, une occasion d’aller plus loin et un levier pour des futurs fonds au service des habitants. La Far articule les solutions déjà existantes comme le plan d’émancipation des jeunes de Planoise, sans les écraser. La Far va nous aider à déconstruire les problématiques pour mieux fonctionner de concert. Il y a ainsi toute une série d’acteurs à mettre en liaison : services de la ville, éducateurs sociaux, éducation nationale, associations de quartier... pour notamment détecter les signaux de la bascule des jeunes, pour enclencher une dynamique positive, pour ne pas rester inerte et proposer des solutions au cas par cas... C’est une vraie opportunité pour Besançon ».

Outre Besançon, Valence et Maubeuge sont les deux autres villes à mener cette expérimentation au niveau national. « On part volontairement sur un test de trois villes, où on va se donner les moyens de voir si ça marche. Dans le contexte budgétaire actuel, ce modèle restreint est aussi une garantie d’un feu vert de Bercy, là où une généralisation au national d’entrée de jeu n’aurait pas été acceptée », confie Gilles Clavreul.