Claire Briottet-Garcin
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Claire Briottet-Garcin

Un cocktail pour deux.

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Photo de Claire Briottet-Garcin
Claire Briottet met sa passion au service de l’entreprise familiale fondée en 1836. (Crédit : JDP)

La liqueur coule dans les veines de Claire Briottet-Garcin. Sixième génération à la tête de la maison familiale fondée en 1836 qui porte son nom, la dynamique cheffe d’entreprise de 40 ans a commencé son parcours en excluant d’abord de prendre la succession de son père. Elle débute donc son cursus par un DUT de gestion des entreprises et des administrations avec une option finance et comptabilité.

« J’étais attirée par l’expertise comptable pour le côté rigoureux des chiffres mais aussi pour le contact avec de nombreux secteurs d’activité. J’aimais la dimension conseil apportée aux chefs d’entreprise. » Elle réalise logiquement des stages en cabinet dont découle la révélation ! « Ce n’était pas pour moi. Je ne voulais pas seulement conseiller mais plutôt faire les choses », explique-t-elle derrière ses grandes lunettes, sourire aux lèvres. À 20 ans, l’idée de reprendre l’entreprise familiale naît peu à peu dans son esprit mais elle garde pour elle ses projets.

« Je préférais me taire pour conserver l’opportunité de changer d’avis mais aussi pour ne pas créer de déception éventuelle. » Cette idée en tête, elle intègre une école de commerce au Havre avec un master spécialisé en entrepreneuriat. Pendant son année de césure, elle part six mois en stage à Londres chez un importateur de la Maison Briottet, toujours sans révéler ses ambitions à sa famille. « J’ai ensuite passé six mois à Paris au service achat et développement de produits chez Monoprix pour voir un autre univers. »

Du projet…

Après l’obtention de son diplôme, Claire Briottet-Garcin reste à Paris avec l’envie de découvrir la grande distribution sur le terrain. Elle devient alors directrice de supermarché dans le Val d’Oise sous l’enseigne SimplyMarket du groupe Auchan. Pendant deux ans, elle y apprend la gestion des ressources humaines, des budgets mais aussi l’animation commerciale. « J’ai aussi appris à ne pas compter mes heures, à gérer le magasin jusqu’au braquage ou au vol à la tire », se souvient Claire Briottet-Garcin. Elle se forge son expérience tout en tenant secret son souhait de reprendre la Maison Briottet jusqu’à ce week-end familial de 2010.

« Nous étions chez mon frère quand mon père nous a annoncé qu’il avait deux acheteurs pour l’entreprise. Ça a été un choc pour nous et un choc pour lui quand j’ai manifesté mon envie de prendre le relais et que mon frère, alors que nous n’en avions jamais parlé, s’est aussi porté volontaire. » Gérard Briottet renonce donc à vendre et encourage ses enfants à intégrer l’entreprise familiale dans les quatre années à venir. Ils pourront profiter de la période pour enrichir leurs expériences réciproques avant de passer une année à ses côtés pour une phase de transmission. « C’était le plan ! ».

… à la réalité

Mais les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu. En 2010, Claire Briottet-Garcin veut quitter la direction de SimplyMarket quand le chef de chai, en charge de la fabrication de la liqueur et de la macération des fruits de la Maison, prend congé. « Mon père m’a encouragée à prendre le poste et à apprendre le métier. » Elle troque sa tenue de directrice de magasin contre un bleu de travail. Quelques mois plus tard, Vincent Briottet, formé en électrotechnique, en emballage conditionnement et au packaging, se sépare de son employeur verrier français, Saveurglass, et rejoint à son tour le reste de la famille. Il devient chef de chai à la place de sa soeur qui passe à la mise en carton puis à l’administration.

« Pour créer, on expérimente en cuisine, on multiplie les essais et on goûte. »

« À 15 ans, un mois d’été, pour me punir de ne pas avoir travaillé assez à l’école, j’avais fait la mise en carton en me disant que je ne voudrais pas faire ça plus tard », s’amuse la codirigeante. En 2014, la fratrie se répartit les rôles qu’elle occupe toujours aujourd’hui : Vincent à la production et la qualité, Claire à la gestion commerciale, aux ressources humaines et à la communication. « Mon père a pris sa retraite mais nous pouvions compter sur lui si besoin. On le sollicite encore régulièrement, notamment sur la dimension technique. » Gérard Briottet a ainsi apporté ses conseils quant à l’investissement de 500.000 euros que ses enfants ont initié pour renouveler une partie du parc machine.

La famille d’abord

Toujours installée dans ses locaux historiques de la rue Berlier, l’entreprise Briottet associe traditions et innovations avec un constant souci de place. Ce mélange réussit aux deux dirigeants puisqu’ils ont doublé le chiffre d’affaires en dix ans, en développant largement la part du marché à l’export, et ont obtenu la labellisation entreprise du patrimoine vivant. « Nous développons notre gamme régulièrement avec de nouvelles saveurs pour marquer notre différence mais aussi pour continuer à innover, c’est un critère du label. » Avec 65 recettes de liqueurs dans son catalogue, la Maison Briottet souhaite répondre aussi bien aux goûts les plus classiques avec l’incontournable liqueur de cassis, qu’aux spécialistes de la mixologie toujours curieux de nouvelles saveurs.

« Pour créer, on expérimente en cuisine, on multiplie les essais et on goûte. Parfois c’est plus dur quand c’est tôt le matin », sourit Claire Briottet-Garcin qui, en toutes circonstances, garde son humour et son sens des priorités. « Il arrive qu’on s’engueule avec Vincent mais on ne conçoit pas de se tirailler pour de l’argent ou du pouvoir. On préservera toujours la famille. » Mère de trois enfants, elle n’exclue pas que l’un ou plusieurs d’entre eux poursuivent la lignée des Briottet à la tête de l’entreprise. « Je voudrais qu’ils le fassent pour eux, par envie et non pour me faire plaisir. Qu’ils comprennent que ça implique de ne pas quitter Dijon et de renoncer à d’autres jobs et opportunités professionnelles. » Un sacerdoce ou presque.