Eridan Skana
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Eridan Skana

Une vie en ligne droite

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Photo d'Eridan Skana
Eridan Skana vient d’inaugurer près de Besançon des nouveaux locaux de 7.000 mètres carrés pour sa société Bourgogne Franche-Comté Signaux qui fabrique des panneaux routiers pour les collectivités territoriales, les sociétés d’autoroute, (50 % du chiffre d’affaires) les exploitants et négociants privés de panneaux. (Crédit : JDP.)

À 43 ans, Eridan Skana est à la tête d’un groupe local spécialisé dans la signalisation routière, fort d’une équipe de 70 personnes réparties sur trois sites : Global Signalisation située à École-Valentin, Hicon à Vesoul et Bourgogne Franche-Comté Signaux, tout récemment implantée dans des locaux de 7.000 mètres carrés sur 24.000 mètres carrés de terrains appartenant à la commune de Chemaudin et Vaux.

Cette dernière entité est née en 2020 suite au rachat, par Eridan Skana, de l’entreprise Franche-Comté Signaux alors localisée à Rurey depuis plus de 30 ans et placée en liquidation judiciaire.

En seulement trois ans, l’entrepreneur va non seulement remettre la société sur les rails, fruit d’une stratégie reposant notamment sur une modernisation de l’outil de production et une redéfinition des flux de production, mais également faire progresser le chiffre d’affaires de façon spectaculaire, d’environ deux millions d’euros par an. Ce dernier atteint aujourd’hui les neuf millions d’euros et devrait dépasser les 15 millions d’euros dans un avenir proche.

Seul on ne peut rien

Cette success story tient en grande partie à la capacité d’Eridan Skana à se projeter sur le long terme, à se fixer un cap, à s’y tenir et à transmettre cette vision à son équipe. « Seul on n’est rien ! » Avoue-t-il.

« Savoir s’entourer est une des clés de la réussite. Je ne suis pas quelqu’un de facile, je suis très exigeant. Je n’ai jamais aimé les belles paroles, les gens qui promettent monts et merveilles et qui finalement ne vont pas au bout. Je pense que seuls les actes comptent, on peut se tromper, qui n’a jamais fait de faux pas ? Mais il faut ainsi pourvoir corriger ses erreurs et c’est seulement en ayant en tête un objectif clair, une visibilité, que l’on peut y arriver. »

« C’est cela que j’insuffle à mes collaborateurs pour que nous soyons tous en phase, que nous allions tous dans la même direction. Il y a cette notion de faire la route ensemble, on ne devient pas chef d’entreprise par intérêt économique, en tout cas ce n’est pas mon cas, c’est une aventure humaine, faite de risques qu’il faut savoir mesurer. Pour qu’une équipe fonctionne, il faut être capable de montrer sa détermination, donner confiance et mettre en valeur chaque personne. Ainsi, je fixe le point à viser et détermine une méthode pour l’atteindre, mais si quelqu’un me présente une meilleure voie qui permet d’arriver au même résultat, je prends. »

Il se dégage d’Eridan Skana une assurance et une volonté chevillés au corps. Cette ténacité prend racine dans son enfance. Né en Albanie, d’un père ingénieur automobile et d’une mère éducatrice, il grandit dans un environnement où la valeur travail n’est pas un vain mot. « J’ai toujours vu mes parents travailler et si j’ai évolué dans un pays pauvre, dans une région très chrétienne, je n’ai jamais connu la violence, ni surpris mes parents se disputant. C’est ce terreau sain, ces fondations solides qui m’ont permis de me tracer une voie vers la réussite. Il n’y a pas de parcours parfait, mais quand vous avez ce type d’héritage et que vous faites un pas de côté, il vous ramène toujours sur la bonne route ».

Le jeune Eridan n’a pas 20 ans quand il quitte l’Albanie, avec cette envie de liberté, de tenter sa chance loin de ce pays, qui une décennie plutôt était encore l’une des dictatures communistes les plus sévères d’Europe. « Il y a avait ce rêve français, où si l’on travaille avec acharnement cela fini par payer ». Il arrive ainsi à Besançon et s’inscrit en droit.

Pour financer ses études, il décroche un « job d’été » chez Franche-Comté Signaux, à Rurey, dans le Doubs. Diplômé en 2002, il rejoint alors l’équipe de cette société de signalisation routière en tant que poseur. En un peu plus de dix ans, il va gravir les échelons et s’essayer à tous les postes jusqu’à devenir chargé d’affaires.

En 2014, ne partageant plus la vision du dirigeant, il décide de créer sa propre entreprise, Global Signalisation, qu’il installe à École-Valentin, près de Besançon. La réussite est au rendez-vous (plus de trois millions d’euros de chiffre d’affaires), ce qui permet à Eridan Skana de racheter, en 2018 son concurrent Hicon, alors en difficulté.

C’est cette même année que Quentin Bourgeois, comptable de la société devient le bras droit d’Eridan Skana qui lui confie alors la responsabilité de cette nouvelle acquisition. Deux ans plus tard, l’entrepreneur apprend que la société qui lui a donné sa chance quand il est arrivé en France est en liquidation judiciaire. « Proposer une offre de rachat avait pour moi tout d’une évidence, mais cela représentait également un vrai challenge ».

« Je suis convaincu que seul le travail paie. »

« Eridan m’a demandé si je voulais y aller. Je lui ai de suite répondu positivement. Il m’a alors dit de prendre le temps de la réflexion, d’en discuter en famille, car la dimension défi était toute autre. Le lendemain ma réponse était toujours oui, tant j’étais convaincu qu’avec Éridan tout est possible », raconte Quentin Bourgeois, aujourd’hui responsable finances et production chez Bourgogne Franche-Comté Signaux.

L’offre locale du binôme n’est cependant pas retenue par le tribunal de commerce qui lui préfère celle qu’un grand groupe du Nord de la France. « Un acheteur qui contrairement à nous n’avait pas de réel intérêt industriel pour ce site et qui n’entendait pas préserver l’emploi ».

Loin de lâcher l’affaire, le duo s’accroche avec le soutien du procureur de la République de Besançon qui fait appel de la décision. Quatre mois plus tard, la cours d’appel de Besançon déboute Nord Signalisation au profit d’Eridan Skana. Ce dernier s’attèle alors à la relance de cette société qu’il rebaptise Bourgogne Franche-Comté Signaux. « L’outil de production était vieillissant, j’ai dû investir deux millions d’euros en machines pour augmenter la productivité et la réactivité de l’entreprise, avant de passer un nouveau cap en déménageant les locaux sur la commune de Chemaudin et Vaux, située à deux pas d’une entrée d’autoroute ».

Une nouvelle étape

Construit sur la zone industrielle de l’Échange, le nouveau bâtiment compte 1.500 panneaux photovoltaïques (couvrant près de 90 % de la toiture, quand le cadre légal n’en exige que 30 %), rendant la structure 100 % autonome en énergie. « Nous générons presque deux fois nos besoins en électricité, ce qui nous permet de revendre le surplus à EDF », explique Quentin Bourgeois.

« Nous avons pensé ces locaux en fonction de nos trois activités : la fabrication de panneaux de signalisation, celle des portiques, potences et hauts-mâts (PPHM), que nous sommes les seuls à proposer à la fois en aluminium et en acier et l’aménagement urbain. Sur la partie panneaux de signalisation nous avons redessiné les flux avec un objectif de ne jamais revenir en arrière. Nous avons investi dans une découpe laser qui nous permet de travailler trois toiles d’aluminium en même temps. Ainsi, aujourd’hui en trois heures de découpe nous consommons deux tonnes de matière, quand avant il fallait compter une semaine de travail pour ce même volume. Dans le même esprit, nous nous sommes équipés d’une bordeuse, qui outre le gain de temps et de matière, offre la possibilité de développer une nouvelle gamme de produit. Nous avons également réalisé un bâtiment dédié à la peinture que l’on souhaite ouvrir en location aux entreprises locales, avec une utilisation à 30 % interne et 70 % externes ».

« Ces investissements, à hauteur de 12 millions d’euros avec le bâtiment, nous permettent de gagner en réactivité (nous pouvons réaliser pour nos clients un panneau en une demi-heure seulement), en qualité (nous sommes que deux en France à prétendre à un tel niveau de qualité avec la double norme CE et NF), d’augmenter les cadences de production, de la pénibilité au travail, de réaliser des économies d’échelles avec les différentes sociétés sœurs, de gagner en fiabilité des machines (investissement par exemple dans un banc de soudage semi-automatique numérique qui garantit un dépannage en moins de 24 heures), de réduire notre empreinte carbone… c’est la recette pour qu’une entreprise fonctionne aujourd’hui », conclut Eridan Skana.