José Carlos Fernandez
Invités / Entretiens

José Carlos Fernandez

Cuisinier et empereur de la chine.

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Photo de José Carlos Fernandez
Avec son ami René, aujourd’hui disparu, José Carlos Fernandez a inventé un lieu à nul autre pareil, dont il est à la fois l’âme... et le grand ordonnateur de la célébration des estomacs. (Crédit : JDP.)

Né le 20 juillet 1962, en Ponférrada dans la province de Léon en Espagne, José Carlos Fernandez est arrivé en France à l’âge de trois ans dans les valises de ses parents qui fuyaient le régime franquiste pour travailler chez Schneider. Une fois les Pyrénées passés, cette quête de liberté ne le quittera plus.

Serge Reggiani l’a chanté et aurait pu fréquenter l’endroit. Se mettre à table au Mont-Chanin, c’est prendre le risque d’arrêter les trotteuses, se poser un instant et faire un voyage immobile. C’est aussi une de ces balades au cœur des hommes et de leurs gourmandises dont il s’agit. Sous sa toque de chef, José est de ceux qui cuisinent par amour, sans chichis, sans serviettes cousues d’or, avec respect des traditions.

« Ici, il n’y a que des grandes tables, pour que les gens se rencontrent, se parlent, se mélangent, se découvrent aussi. Avec René - dont il nous parlera plus tard - nous avons voulu recréer l’ambiance des repas de famille du dimanche, et les plats préparés avec les délices des retrouvailles ». C’est bien cela dont il est fier ; le partage de de sa cuisine, celui qui invite les papilles à revenir car pour lui « en cuisine, rien n’est possible sans aimer ce que l’on fait ».

Le roman du Mont-chanin

Dans son bric à brac de vie, Le Mont-chanin, ce restaurant fait d’âmes heureuses et de témoignages hétéroclites accrochés aux murs, l’universalité des souvenirs s’étale sur chaque centimètres, « chaque objet à son histoire, contrairement à l’extérieur, rien n’est à vendre, ici, s’expose le roman du Mont-chanin… » ; du bar aux cuisines, entre une plaque émaillée et un vieux bouquin, il y a les photos de ses amis artistes, chanteurs, comédiens, acteurs, ou célèbres anonymes, des coupures de journaux remémorant les fêtes d’hier appelant les nouvelles, un joli capharnaüm totalement improvisé au fil des années qui rend l’endroit presque enivrant.

Pas prêt de rendre son tablier

Depuis plus de quarante ans, après ses premières armes à Lyon et à Val d’Isère, son Cap de cuisine en poche, José Carlos noue son tablier chaque matin avec la motivation d’une arpette. Début des années 80, de retour dans la région, il intègre l’équipe du restaurant « le vieux Jambon », à Marmagne : « Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être cuisinier, partager mes propres recettes, celles de ma mère et de mes origines espagnoles, de la cuisine valencienne jusqu’à la tête de veau panée de Pierre Perret. »

Rencontre décisive

Nous sommes en 1982 et c’est cette année-là qu’il fera la rencontre qui nourrira son existence, croisée lors d’une soirée festive (un signe du destin) : René Chavet qui deviendra son ami, son alter ego et son associé. « Nous étions deux personnalités complémentaires et fusionnelles ». René est fan de déco vintage, joyeux luron sans filtres et ténor de l’organisation, créateur de fêtes décalées tels l’enterrement du beaujolais ancien, le lancer de cendrier, le bal des mollets de la Guiche. José lui plus réservé, presque timide trouvera sa place au piano de l’orchestre.

La partition à deux mains s’ouvrait alors sur une idée qui semble aujourd’hui un peu folle ; inventer un commerce différent loin des chaînes aseptisées avec leurs passions croisées. En 1984, le Mont-Chanin était né. Le restaurant descendra de l’étage au rez-de-chaussée. Un peu plus tard, les « Puces bourgogne sud » voient le jour. Les brocantes alors, n’étaient pas aussi populaires qu’aujourd’hui, celle de Montchanin font partie des pionnières.

L’an dernier, René est parti rejoindre Louis la brocante, laissant José seul à la barre du bateau, il avoue pudiquement : « Je me dois de continuer par respect et par fidélité à René et parce que c’est mon credo, ce pour quoi je suis fait ».

Les soirées à thème du restaurant, les karaokés, les privatisations, la terrasse festive l’été et bien sûr, le grand rendez-vous mensuel des puces sont des passerelles entre les époques et les passions. Installée côté jardin depuis 23 ans, (plus exactement sur la place en face), la fréquentation de la brocante ne se dément pas, c’est un rendez-vous immanquable pour les amateurs.

Côté fourneaux, le chef exulte dans la préparation des tripes, des plats cuisinés pour l’occasion, des viandes locales, « à l’extérieur j’ai installé un snack pour ceux qui souhaitent casser une petite croute rapide ». Les produits du terroir donnent un petit côté Rungis montchalien. « Je vais choisir mes viandes et mes légumes en circuit court, tout comme les bières Liégeoises ou autres boissons qu’on ne trouve pas ailleurs, le zizi coincoin, le Pontarlier etc..., je vais les chercher sur place, jusqu’en Belgique. »

« J’ai besoin de ce rapport direct avec ceux qui produisent. »

Côté coulisses, les amis comédiens ou chanteurs – dont il donnera le nom du bout des lèvres par respect- viennent lui rendre visite lorsqu’ils passent dans le coin. Macao, le dernier clip vidéo du Grand orchestre du Splendid fut d’ailleurs tourné dans le restaurant lors du lancement de la tournée Âge tendre, lorsque toute l’équipe, artistes et techniciens, se retrouva autour de la table de José avant de partir sur les routes et lever le rideau à Chalon-sur-Saône. Une anecdote parmi des dizaines : « Michel Delpech ce soir-là, a voulu goûter tous mes rhums arrangés et me dit, c’est bon pour la gorge tes trucs… »

Chaque seconde est une fête

Ses relations célèbres dont il ne fait pas publicité remplissent les salles de photos inclassables, les Bézu, Gilou, Jean-Jacques Lafon, Léo Ferré, Hervé Vilard, Laurent Voulzy, Bernard Sauvat, Jean Sarus (des Charlots), Charlotte Gainsbourg, fidèles visiteurs dont certains ont des résidences dans le coin. L’occasion de faire la fête n’est jamais loin mais dans le fond du restaurant, pour ceux, nostalgiques du zinc, du bar à brèves, des tournées de jaune, du rouge limé et du crincrin des percolateurs, José et René ont réuni au fond de la salle des milliers de pièces de collections - carafes, cendriers, verres, plaques, néons... - tous dans leurs jus, exposés au cœur d’un musée du vieux bistrot pour trinquer sur le comptoir du passé. Il y aussi les commémorations d’activité qui rythment les pas de danse des fourneaux.

Ainsi on célèbre la date anniversaire du Mont-Chanin chaque premier avril, la fête de la Foufoune en juillet avec sa traditionnelle croquettes partie, en hommage à la chienne éponyme trouvée sur un trottoir de Montceau-les-Mines, canonisée telle une sainte au calendrier du restaurant...

Sous la poussière des souvenirs, le Mont-Chanin vit plus que jamais au présent. Aujourd’hui, la formule est simple, vous pouvez déjeuner ou dîner à votre envie, sur réservation, avec la possibilité de composer votre menu parmi les suggestions du chef. Privatiser la salle pour vos fêtes de familles, d’entreprises ou simples réunions amicales. « Parfois, au milieu du repas, des musiciens débarquent avec leurs instruments, d’autres se mettent à danser ou à chanter, la sono, les lumières, les casseroles, la cave à vin, la tireuse à bières, tout est fait pour vivre chaque seconde de fête ».