Humeur

Colbert fait un tabac !

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Emmanuelle de Jesus.

Par voie de communiqué, Bruno Le Maire - ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance et de la souveraineté industrielle et numérique - et Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics ont informé la presse du succès de la lutte contre les trafics illicites de tabac avec déclinaisons régionales par les services des douanes desdites saisies.

On apprend ainsi que les dispositifs de contrôle ont permis de saisir en une petite semaine 42,8 kg de cigarettes, 2,8 kg de tabac à rouler et 28,2 kg de tabac à narguilé, de quoi se taper une bonne migraine, des chicots jaunâtres et des poumons bouchés comme l’auroroute du Soleil un 15 août.

Le trou dans les comptes publics causé par le trafic de tabac est énorme : en 2015 un éminent chercheur, Pierre Kopp, professeur à l’université Paris 1 et chercheur au centre d’économie de la Sorbonne et à la Paris School of Economics, chargé d’en mesurer l’impact se fendait d’un rapport circonstancié qui établissait à 120 milliards d’euro (!) le coût social - constitué de la valeur des vies humaines perdues, de la perte de la qualité de vie, des pertes de production augmenté du coût pour les finances publiques (dépenses de prévention, répression et soins, économie de retraites non versées, et recettes des taxes prélevées sur l’alcool et le tabac).

Il y avait donc largement de quoi justifier la mobilisation de plus de 5.000 agents des Douanes pour contrôler, saisir, filtrer et autres réjouissances dans cette opération baptisée... « Colbert ». Sur le fond, cela se tient : ministre des Finances de Louis XIV, Colbert avait organisé au profit du souverain le privilège exclusif de la vente et de la fabrication du tabac (sous peine de galères à perpétuité pour les fraudeurs. Oui, on ne plaisantait pas avec les trafics illicites à l’époque).

Sur la forme... le tabac était à l’époque du Roi Soleil un des piliers de l’esclavage, « monnaie » utilisée pour échanger des Africains déportés dans les Colonies, le tabac était aussi cultivé par ces mêmes populations déportées et Colbert sera le premier auteur du « Code Noir » qui encadre la traite - même si c’est son fils qui en poursuivra sa rédaction et que ledit Code sera promulgué après la mort de Colbert. Loin de nous l’idée de déboulonner les statues comme ont pu le réclamer des militants antiracistes, mais n’y avait-il pas un nom plus approprié ?