Humeur

Variables d’ajustement

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Emmanuelle de Jesus.

Nos ministres viennent de passer une semaine pas simple. Imaginez : lundi 17 juillet. Élisabeth Borne, après avoir lu dans tous les journaux qu’elle allait devoir laisser sa place à son ministre Gérald Darmanin se prépare à commander cartons et scotch renforcé quand en fait non : du bout des lèvres mais c’est toujours ça, la voilà reconduite et le prétendant éconduit.

Mardi 18 juillet : alors que certains commencent à regarder les dorures de leurs bureaux avec nostalgie, voilà t’y pas qu’un carton arrive. Les déménageurs ? Pas encore. C’est une invitation. Le Président et madame convient aimablement les ministres en exercice au traditionnel dîner de fin d’année.

Au menu : congratulations et quelques devoirs de vacances. Enfin, ça c’est sur le papier. En réalité, il y avait soupe à la grimace en entrée et sourires crispés au dessert, du moins c’est ainsi qu’on l’imagine. Entre les allusions des uns et les aigreurs des autres, on oscillait entre la Cène et Francis Veber.

Mercredi 19 juillet. Journée d’introspection chez les ministres. On pèse et soupèse son action de ces derniers mois, on se souvient avec émotion d’un sourire du Président, puis le coeur se serre au souvenir de sa poignée de main glaciale hier soir. Bruno Le Maire, lui, a eu droit à la bise. Ça sent mauvais. Coup de fil au directeur de cabinet : il faut doubler la commande de scotch.

Jeudi 20 juillet. Enfin ! Tel un bachelier le jour des résultats, dans les ministères on attend et on espère. Les heures passent.

Dans le salon d’à côté, on entend le scriiiiiitch du scotch qui se déroule. Au début c’était agaçant, maintenant c’est hypnotique. 16 h. Le téléphone sonne. C’est le Président. Il confirme ce qui tourne en boucle depuis trois heures sur les chaînes info. Voilà, c’est fini. Il fallait faire des « ajustements », et donc il fallait des variables.

Ça fait drôle de passer de ministre à variable. Les déménageurs sont en bas. Le Président dit que c’était bien, mais pas suffisant. Il remercie. Au sens littéral : se faire remercier, ça sent les longues vacances. Ça laissera le temps d’écrire un bouquin sur son expérience des dorures. Ah au fait : il faudra refaire les cartes de visite. Décidément, une vie de ministre, du début à la fin, c’est une vie de carton.