Humeur

Viens pou-pool, viens

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Emmanuelle de Jesus.

Une fois n’est pas coutume, cet édito va ouvrir les arrières-cuisines de la rédaction et vous emmener dans les secrets de la fabrication d’un article.

Pas n’importe lequel : un article dans les pas du Président. Il n’aura échappé à personne que vendredi 15 septembre, Emmanuel Macron, la Première Dame, deux ministres, un aéropage de députés locaux et un nombre considérable de personnalités distinguées - dont une, Stéphane Bern, carrément un VIP - sont venus en Côte-d’Or pour annoncer des mesures en faveur du patrimoine religieux dans les petites communes. Évidemment, la presse veut se faire l’écho du déplacement et des paroles présidentiels. Et c’est ici que ça se gâte...

Qui dit Président, dit Paris. Et qui dit Paris, dit titres de la presse nationale. Mais qui dit déplacement en « régions » (on n’ose plus dire province), dit que la presse elle aussi régionale (la vôtre chers lecteurs, oui oui), entend elle aussi « couvrir » comme on dit dans le jargon journalistique, l’évènement. Casse-tête de l’Élysée et des services idoines : comment contenter tout le monde en fonction de ses titres et qualités ?

À qui donner la parole et le droit officiel de faire des photos du Président dans un tempo chronométré à la minute ? Et c’est là qu’intervient le système, dont a hérité Emmanuel Macron, du « pool ». On vous explique...

Un pool, c’est un groupe de journalistes accrédités pour faire qui des photos, qui tendre un micro, qui prendre des notes. À Semur-en-Auxois, il y avait donc des pools. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, et certains plus privilégiés que d’autres : ainsi notre journaliste, pourtant dûment accrédité, déminé, fouillé, s’est retrouvé par la grâce du pool, tellement loin du Président dans la collégiale de Semur-en-Auxois qu’il n’a rien pu entendre des discussions lors de la déambulation. Lors de la séance de trois questions (dont les heureux auteurs sont tirés au sort) autorisées, notre confrère de la presse locale, qui avait une question locale, n’a pu le faire, les rédactions nationales ayant des préoccupations bien plus impérieuses lui ayant chipé son tour...

Et voilà comment, dans tous les médias, nationaux ou locaux, vous lirez strictement les mêmes citations, verrez strictement les mêmes mimiques, et n’aurez probablement aucune réponse aux préoccupations locales puisque les journalistes les plus à même de les poser n’ont pas eu le droit de le faire.

Alors certes, on comprend qu’un déplacement présidentiel justifie l’exode temporaire de nos confrères parisiens en « régions »... mais à quoi cela sert-il d’accréditer plus de 50 journalistes, de venir jusqu’en Côte-d’Or et de ne pas nous permettre de faire notre métier sur « notre » terrain ? Nous sommes largement aussi capables, aussi professionnels et sûrement mieux informés pour nous exprimer sur un territoire où nous vivons et où nous vous rencontrons que nos confrères parisiens. Venir en « régions » pour parler aux petites communes et se couper des journalistes qui en sont tous les jours les portes-paroles, c’est à tout le moins louper une partie de sa communication...