Entreprises

Nouvelle économie et vieux problème

Société. La deuxième édition de Ladij Tech, évènement consacré à la place des femmes dans la deep tech, s’est intéressée au parcours des femmes des sciences et technologies jusqu’à la création de startup.

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  • Photo des tables ronde 1 & 2
    Table ronde 1 & 2 : Doctorantes, chercheures, dirigeantes de startups ou porteuses de projet ont témoigné de leur parcours et des difficultés rencontrées. (Crédit : Nadège Hubert)
  • Photo de Marie-Hélène Juillard
    Marie-Hélène Juillard, vice-présidente de Dijon métropole en charge des PME, startups, de la recherche et des transferts de technologies, a attiré l’attention sur les problèmes de financement rencontrés par les startups et en particulier par les femmes porteuses de projet ou dirigeantes. (Crédit : Nadège Hubert)
  • Photo de Catherine Abonnenc
    Catherine Abonnenc, présidente nationale Femmes Business Angels, souhaite voir évoluer le monde de l’investissement, encore trop masculin. (Crédit : Nadège Hubert)

« Seuls 33% des entrepreneurs sont des femmes mais alors que l’on pourrait penser que la tendance s’inverse dans les startups parce qu’elles représentent une nouvelle forme d’économie. Pourtant, il n’y a que 12% de femmes a fonder une startup toute seule. Si on compte les équipes mixtes, il n’y a de femmes que dans un quart des startups » assène Marie-Hélène Juillard-Randrian, vice-présidente de Dijon métropole en charge des PME, startups, de la recherche et des transferts de technologies.

En organisant la deuxième édition de Ladij Tech, l’élue a souhaité mettre en lumière l’ensemble de la chaine qui mène de la recherche à la startup. « Dans nos tables rondes, nous avons accueilli des doctorantes, des laboratoires, des chercheures qui ont fait du transfert de technologie et des entrepreneures. Mais j’ai souhaité mettre l’accent sur les freins et en particulier, celui de l’investissement. »

L’argent dans des mains masculines

Une fois de plus, les chiffres ne plaident pas en la faveur des femmes. « 88% des levées de fonds se font au bénéfice des hommes » précise Marie-Hélène Juillard-Randrian. Du côté des montants, elles n’obtiennent en moyenne que 2% des sommes. Invitée à l’évènement, Catherine Abonnenc, présidente nationale Femmes Business Angels, défend la thèse que, contrairement à certains préjugés, les femmes ne rebutent pas à prendre des risques. « Elles ne vont pas adhérer au délirium du startuper. Elles auront une vision globale, holistique, posée. Elles analysent de façon pratique, observent l’apport du produit, regardent le fonctionnement de l’équipe, la diversité de compétences, la gouvernance. »

Loin de laisser la rentabilité de côté, elles cherchent en complément à jouer un rôle. D’ailleurs, le choix des projets qu’elles soutiennent traduit se positionnement. « Il y a un fort tropisme dans d’investissement à impact. On en parle beaucoup actuellement mais les femmes ont privilégié ce type d’entreprise avant les hommes » sourit Catherine Abonnenc.

« Les femmes doivent investir le domaine de l’argent »

Pour donner aux femmes toutes les chances de trouver une oreille attentive parmi les partenaires financiers potentiels, la business angels encourage les entrepreneuses qui ont l’envie de contribuer à l’économie de leur région à les accompagner. « Les femmes doivent investir le domaine de l’argent que ce soit par le biais de l’investissement, de l’actionnariat… »

La startup bisontine Advesya, cofondée par Marina Deschamps, a ainsi profité de l’implication des femmes dans ce rôle de financeur. La startup a levé 23 millions d’euros en début d’année 2024 auprès du fonds Jeito dirigé par une femme. Conscientes que les financeurs, souvent masculins, accordent plus facilement leur confiance à leurs homologues, les startuppeuses ont appris à s’entourer. De plus en plus s’adjoignent un associé pour aboutir à une équipe dirigeante mixte, « rassurante » à en croire l’investisseuse.

De trop nombreuses femmes ne se confronteront pourtant pas à la problématique financière, ne s’octroyant pas la place qu’elle pourrait occuper. « Je me suis beaucoup demandé si j’avais ma place à la tête de l’entreprise. J’avais les compétences scientifiques mais est-ce que j’avais celles attendues d’une entrepreneure » s’est notamment souvenu Amélie Godard, co-fondatrice de Fluonir avec son associée. Le syndrome de l’imposteur a encore frappé tandis que les femmes y sont vraisemblablement plus sujettes que les hommes. « Ce syndrome je l’ai eu, je ne l’ai plus ! » insiste la startuppeuse tandis qu’Anne Cazor, fondatrice de Scinnov a un autre discours : « J’ai souvent eu la peur de ne pas être à la hauteur et même si j’ai réussi, je garde cette inquiétude dans un coin de ma tête. » Catherine Creuzot-Garcher, cheffe du service d’ophtalmologie au CHU de Dijon, entre autres, a conclu en citant juste à propos Françoise Giroud : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. »