Humeur

Le RN, seigneur des panneaux

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Emmanuelle de Jesus.

Les élus du Rassemblement national au conseil régional osent décidément tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Jeudi 11 avril, en soutien à deux militantes du collectif « féministes identitaires » Nemesis qui ont profité du carnaval à Besançon pour s’afficher avec des pancartes xénophobes (mais peut-être étaient-elle simplement déguisées en racistes ?), ils ont à leur tour brandi des panonceaux à la colorimétrie bleu-blanc-rouge où étaient inscrits les mots « Violeurs étrangers dehors ». Dans plusieurs communiqués, ils s’expliquent en évoquant le nombre de « 46 femmes [qui] auraient pu être épargnées si les obligation (sic) de quitter le territoire français avaient été appliquées ! », fin de citation.

Passons sur ce raccourci qu’un élève de Terminale étudiant les statistiques balaierait d’un revers de calculette, passons sur la préférence nationale appliquée aux violeurs et penchons-nous sur la logistique de ce happening nauséabond. Parce que si le fond est à vomir, la forme, pardon, est impeccable. Un A3 immaculé, des lettres ultra bien dessinées sans la moindre arabesque (manquerait plus que ça), un rouge qui claque, un bleu bien senti, ça vous faisait son petit effet. Alors soit il y a quelque part une imprimerie spécialisée dans la pancarte xénophobe, soit les élus RN ont profité du week-end pour se faire une après-midi calligraphie comme d’autres font des réunions Tupperware, avec papier Canson, stabilo bleu roi et marqueur rouge sang.

Je les imagine bien, assis en rond autour de la table recouverte de toile cirée, appliqués à tracer leur message immonde et à faire du coloriage sans dépasser les traits (oui parce qu’un trait, c’est comme une frontière. On dépasse pas !). Il fallait les voir, comme le chien de Pavlov, à attendre la fin de la diatribe de leur chef de file Julien Odoul, pour élever au-dessus de leurs crânes bouillonnant de certitudes haineuses dans une chorégraphie nickel, leurs petits panneaux...

Et si cela ne suffisait pas, l’un d’eux, Thomas Lutz, (il l’a lui-même reconnu en ces termes dans un communiqué d’excuses) a utilisé le mot « untermenschen » pour « qualifier le statut des élus de l’opposition au conseil régional ». Untermenschen, parfaitement. Ce même mot que les nazis utilisaient pour qualifier les non-aryens, ouvrant la voie à la solution finale, rien que ça...

La morale de cette histoire ? Marie-Guite Dufay, présidente du conseil régional a déposé plainte. Mais le 9 juin, jour des élections européennes, ces outrances, cette haine décomplexée, cette relecture immonde de l’Histoire ne changeront en rien, voire même conforteront le score du RN. Il sera bien temps alors de se demander qu’est-ce que les défenseurs de la démocratie et des droits humains pourront écrire sur leurs propres panneaux.