En route pour l’Élysée
Élection. Cinq des douze candidats à l’élection présidentielle n’ont aucune voiture personnelle. La plupart des autres se contentent de bagnoles polluantes et hors d’âge.
La déclaration de patrimoine à laquelle sont astreints les candidats à la présidence de la République donne lieu à d’habiles séances de contorsions. Avec un objectif : minimiser autant que faire se peut sa situation financière. Un drôle de petit jeu dans lequel l’automobile joue un rôle accessoire mais ô combien révélateur. Point commun : ils et elles n’aiment pas la voiture vis à vis de laquelle ils affichent officiellement un désintérêt absolu. Leur parc automobile en témoigne.
Cinq des candidats sur douze n’en possèdent aucune. C’est le cas d’Anne Hidalgo, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour. Sans doute parce qu’ils n’en ont pas besoin au quotidien. Au contraire de 80% des français pour qui elle est essentielle, comme un sondage vient de le mettre en évidence récemment. Ou qu’ils disposent de par leurs fonctions d’un ou plusieurs véhicules avec chauffeur disponible 24h sur 24 sept jours sur sept. C’est le cas d’Emmanuel Macron ou encore Anne Hidalgo dont la voiture électrique a été vue circulant dans les couloirs de bus et s’arrêtant n’importe où par une équipe de journalistes l’ayant suivi pendant plusieurs jours il y a quelques années. Neuf d’entre eux habitent Paris ou l’Ile de France, ce qui peut aussi expliquer l’absence de voiture personnelle. Cela ne signifie pas qu’ils fréquentent les transports collectifs pour autant, même si on a déjà croisé Jean-Luc Mélenchon dans le métro. De façon anonyme, pas en présence de caméras comme d’autres.
La prétendante dotée du plus riche patrimoine (près de 10 millions d’euros), Valérie Pécresse, fait pitié avec sa C4 de 2007. Elle a annoncé au cours de sa campagne « vouloir donner à la France les moyens de rester un grand pays automobile ». À titre personnel, Valérie Pécresse ne montre pas l’exemple.
Nicolas Dupont-Aignan avec sa 308CC de 2007 achetée en 2018 est-il un amateur de futur « yougtimer » ? Fabien Roussel est un homme réfléchi : il a attendu 2021 pour s’offrir une Smart de 2001, quasiment vintage. Jean Lassalle fait coup double : un utilitaire Fiat Doblo de 2011 et une C3 hors d’âge (comme semble l’indiquer son prix) acquise en 2000 pour 1900€, C3 également mais de 2006 pour Nathalie Arthaud. Des modèles anciens, technologiquement dépassés, gros émetteurs de CO2 et autres particules polluantes. Cela ne semble pas les troubler plus que ça. Yannick Jadot est plus cohérent : il a opté pour un scooter électrique Rider, payé 5939€ fin 2019... Un des plus gros budgets mobilité des candidats ! Défense de rire.
Méconnaissance du quotidien des automobilistes
Un seul dispose d’une voiture capable d’assurer un véritable service au quotidien : c’est le plus modeste d’entre eux, Philippe Poutou. Ex-ouvrier de l’usine Ford de Blanquefort à côté de Bordeaux, définitivement fermée en 2019, il a mis à profit diverses aides pour acheter à un tarif intéressant une Peugeot 308 break de 2020. Sans doute parce qu’une voiture récente et en bon état lui est indispensable parce sa vie ressemble à celle de millions de français.
Des gens qui n’ont pas de voiture, qui disposent de véhicules avec chauffeurs, qui utilisent des modèles obsolètes tout juste bon à rejoindre la casse : la plupart d’entre eux méconnaissent la réalité quotidienne des automobilistes. Fâcheux quand on est appelé à prendre des décisions importantes touchant à la sécurité - celle de leurs vieilles bagnoles est dépassée – aux limitations de vitesse, aux conditions de circulation, à la mise en place de restriction d’accès dans les agglomérations, à l’insuffisance d’entretien du réseau routier ou au manque de volontarisme pour éradiquer les points noirs générateurs d’accidents. Cela explique des initiatives aberrantes ou déconnectées et des négligences.
Triste constat : la quasi totalité des candidats à l’Elysée ne soutient pas concrètement une des industries majeures du pays qu’ils ambitionnent de diriger en achetant régulièrement une voiture digne de ce nom. Le secteur automobile national qui emploie directement plus de 210.000 salariés - un tiers de moins en 20 ans - sans compter les sous-traitants, le commerce et la réparation, ne compte pas le moindre ambassadeur de ce savoir-faire parmi les postulants à la présidence de la République. Cela témoigne d’un certain dédain vis à vis d’un secteur économique essentiel. Mettent-ils en pratique une des injonctions, désormais obligatoires sur les publicités automobiles ? « Pour les courts trajets préférez le vélo ou la marche » : il est permis d’en douter. Pour le co-voiturage, par contre, pas de problème. La pratique est usuelle : le chauffeur au volant, le candidat sur la banquette arrière. Si ce n’était pas risible, ce serait tragique.