Automobile

Un peu de couleurs dans la grisaille

Tendance. Les voitures grises, blanches ou noires sont toujours largement majoritaires mais les teintes plus vives sont de plus en plus nombreuses, grâce à Renault et Fiat en particulier.

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Photo de Renault R5 E-Tech
La Renault R5 E-Tech renoue avec les couleurs vives des premières R5. (Crédits : DR)

Henry Ford, le créateur de la marque éponyme, laissait le choix de la couleur aux acheteurs de la Ford T, la toute première voiture de « série » jamais commercialisée. A une condition impérative : qu’elle soit noire. C’était la seule et unique teinte disponible ! Les temps ont changé mais une majorité de clients restent d’une grande timidité lorsqu’il s’agit de cocher la case teinte de la carrosserie sur leur bon de commande. C’est le gris dans toutes ses nuances qui a leur préférence à une écrasante majorité. 570.000 nouveaux modèles immatriculés en France l’an passé étaient plus ou moins gris, métallisé ou pas. Quasiment un sur trois.

Ensuite, très loin derrière, on trouve le blanc (337 000 unités). Sur la troisième marche de ce podium des couleurs, le noir (265 000). Ce trio classique concentre à lui seul plus des deux-tiers des voitures mises sur la route l’an passé. Cependant, la tendance passe-partout est à la baisse. En particulier pour le blanc, à la mode il y a quelques années, redevenu synonyme de voiture de société, en chute de plus de 41% en l’espace de cinq ans. Pourtant, le blanc tendance frigo, reste souvent la teinte n’imposant pas de passer par la coûteuse case option. L’inamovible gris dans tous ses états recule de 26% et le noir de près de 16%. Même constat pour la quatrième nuance de la palette, le bleu ! Plus de 189 000 voitures bleues ont pris la route l’an passé mais c’est 10% de moins qu’en 2019. Le rouge qu’on associe spontanément aux voitures de sport n’a plus la cote lui non plus : 77 000 unités et une dégringolade de plus de 44% en 5 ans.

La tendance est aujourd’hui au vert dans tous ses états. Alors que c’était la couleur la plus boudée par les clients français, elle est désormais préférée par près de 63 000 acheteurs de voitures neuves. Un bond de 260% mais seulement la 6e place du nuancier automobile. La révolution verte attendra. Autre progression notable, le jaune (+68%) mais pas plus de 23.000 immatriculations pour autant. C’est un peu mieux que le beige (21 000) et l’orange (11 000) tous deux délaissés. Plus de 196 000 véhicules échappent à toute classification : des modèles furtifs ou caméléons ? Plutôt des voitures dont la couleur reste incertaine ou trop subtile pour entrer dans une case précise. À moins que les peintures bi-ton, de plus en plus nombreuses et la plupart du temps valorisantes, ne jouent les trouble-rétines.

Le premium fidèle aux couleurs classiques

Ce timide retour aux carrosseries plus vives tient pour beaucoup aux choix des constructeurs de définir des « couleurs de lancement » qui se remarquent davantage dans la circulation. On considère qu’il faut environ 10 000 voitures pour qu’une nouveauté sorte de l’anonymat. Un choix sortant de l’ordinaire et de la grisaille facilite l’identification. Renault et Fiat en particulier jouent la carte des teintes titillant les rétines sur leurs dernières-nées, renouant gaiement avec les années 70. C’est le cas en particulier, de leurs « petites » voitures. Exemple le plus marquant : la R5 E-tech 100% électrique pour laquelle Renault a replongé dans le nuancier des toutes premières R5, en harmonie avec son style rétro-futuriste. Sans toutefois oser l’orange. Les vert et jaune « pop » se distinguent au premier coup d’oeil, un duo qui concentre un quart des ventes. Pas davantage. Mais comme la R5 E-Tech est la voiture électrique la plus vendue en France depuis le début de l’année (15 752 immatriculations au premier semestre), elles ne passent pas inaperçues. Beaucoup moins que les noirs, blanc ou bleu nocturne qui constituent le gros des ventes. La Fiat Grande Panda avec son jaune « limone » acidulé, son doux vert « azure » ou son bronze « luna » en particulier joue elle aussi la carte de la couleur pour se distinguer.

L’audace n’est pas dans les gènes des clients des marques premium. Dans le haut de gamme et à un certain niveau de prix, on privilégie le classique. Pourtant, une Audi TT orange, une Mercedes bleu clair ou une BMW vert clair métallisé ont été au catalogue. Mais rarement choisies par les acheteurs qui se tournent vers les couleurs refuge : gris, noir ou bleu. On n’en sort pas... Détail qui n’en est pas un : les voitures aux couleurs discrètes sont les plus prisées des voleurs. Non seulement parce qu’elles sont plus nombreuses mais aussi parce qu’elles trouvent plus facilement preneur sur ce marché parallèle. Si la grisaille dans toutes ses nuances est encore largement préférée, c’est aussi pour la facilité à la revente.

On connait peu d’acheteurs faisant demi-tour à la vue d’une carrosserie gris métallisé mais confrontés à un caramel ou un vert pomme, leur réaction risque d’être plus tranchée. Une préoccupation dont sont exempts ceux, toujours plus nombreux, qui ont opté pour la LOA et la LLD. Cela explique partiellement cette relative explosion des couleurs vives. Quand on n’a pas à se soucier de trouver un acheteur, on peut se lâcher davantage.