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L. Delaunay (BIVB) : « Pas de révolution, mais des évolutions »

Bourgogne. L’assemblée générale 2024 du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), malgré l’assurance d’une situation financière saine, a révélé les inquiétudes de la filière et les mutations nécessaires à la pérennité de son dynamisme.

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Photo de Laurent Delaunay et François Labet pour la signature de convention
Les représentants de la Banque de France, de Bpifrance, de la Banque des territoires, du Crédit agricole Champagne-Bourgogne, de la Banque populaire BFC, de la Caisse d’épargne BFC, de la Banque postale, de la Société générale et des professionnels du Chiffre étaient présents autour de Laurent Delaunay et François Labet pour la signature de convention entre le BIVB et la Place financière de BFC. (Crédit : JDP)

C’est devant une audience clairsemée que le triumvirat à la tête du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) - Laurent Delaunay président, François Labet, président délégué et Sylvain Naulin, directeur général - a déroulé l’ordre du jour de cette assemblée générale 2024 de l’interprofession, jeudi 3 juillet au Palais des congrès de Beaune. Clairsemée et pour cause : de nombreux vignerons avaient profité du soleil pour traiter leurs parcelles. Le mildiou attaque en effet les ceps bourguignons à des niveaux de pression dont étaient davantage coutumiers les vignobles plus océaniques, un phénomène amplifié cette année du fait d’une météo combinant humidité et chaleur, favorable à la propagation de ce pseudo-champignon.

Les vignerons attendent donc des « fenêtres de tir » entre deux averses pour effectuer les traitements autorisés, à base de cuivre et de soufre, lessivés par les pluies. Coûteux en temps comme en argent, « ces traitements classiques sont à la peine », admet Sylvain Naulin, joint quelques jours après l’assemblée générale. Les professionnels sont relativement inquiets, particulièrement dans le vignoble icaunais.

Muscler la R&D…

Fort d’une situation financière saine malgré un résultat déficitaire, s’appuyant sur les excellentes récoltes 2022 et 2023 – qui généreront 13,486 M€ de cotisations, soit 72% des 18,658 M€ de recettes de l’exercice 2024-2025 – le BIVB a pu muscler la part réservée à la R&D ; de manière plus générale, sa feuille de route 2025 fait apparaître plusieurs axes en lien avec les mutations de la filière confrontée au changement climatique, à la résistance des maladies du matériel végétal, aux maladies émergentes, au cadre réglementaire quant aux substances actives de traitement… « Une oenologie à réinventer », résume un expert du BIVB. Les projets R&D représentent 1,033 M€, soit 50% du budget dédié aux « actions techniques et qualité 2024-2025 », 25% (524.000 €) étant consacrés aux observatoires des vignobles et des vins.

Cela fait en effet des années que la profession s’arme pour assumer les nécessaires mutations du secteur. La recherche travaille dans plusieurs directions : d’une part, sur la sélection de variétés plus résistantes, « mais pas encore autorisées dans l’appellation », rappelle Sylvain Naulin ; d’autre part, sur des itinéraires techniques alternatifs de biocontrôle des maladies. De son côté, le BIVB cofinance avec ses homologues en Champagne et Beaujolais le projet Qanopee (QuArt NOrd-Est PrÉmultiplication collectivE), qui a pour but la production en serres confinées bioclimatiques de greffons et porte-greffes, garantis indemnes de virus responsables du dépérissement des ceps.

« Les premiers plants seront livrés aux pépiniéristes en 2026, proposés au marché l’année suivante, détaille le directeur du BIVB. Et les premiers raisins issus de Qanopée récoltés en 2030 ». « Pas de révolution, mais des évolutions », rassure Laurent Delaunay, qui pointe également d’autres ajustements et évolutions à venir : « il ne peut y avoir de pilotage sans un travail sur nos pratiques contractuelles », incitant notamment à « utiliser la loi Egalim plutôt que la subir » (celle-ci protège notamment les vignerons contre les prix abusivement bas pratiqués par certains négociants, ndlr), évoquant à propos de la Bourgogne « un îlot de prospérité » dans un marché du vin morose.

… Et la communication

Déjà peu riant, l’horizon s’assombrit en effet lorsqu’on prend en compte les données de la consommation, ou plutôt de la déconsommation du vin, en baisse continue depuis plusieurs décennies pour s’établir à environ 35 litres par personne et par an. Une désaffection qui se révèle notamment dans la tranche d’âge 25-39 ans – à titre d’exemple, 80% des vins de Bourgogne sont en effet dégustés par des consommateurs de plus de 50 ans, à CSP +.

Pour fidéliser ces derniers et séduire les millenials qui boudent le vin, le BIVB a décidé d’une offensive de communication grand public à la hauteur de 1,5 M€ (et 500.000 € pour le Chablis) dont une part très importante sera dédiée à la communication digitale (achats d’espaces publicitaires en ligne, sponsoring de contenus sur les réseaux sociaux, partenariat avec des influenceurs), l’autre outil essentiel de communication à la fois scientifique et grand public étant évidemment constitué par les Cités des climats et des vins de Bourgogne auxquelles le BIVB apporte un financement non négligeable (1,132 M€, soit 8% de ses dépenses de l’exercice 2024-25) sans obérer ses comptes.

Acculturer les banques

L’assemblée générale du BIBV a enfin été l’occasion de signer le renouvellement de la convention avec La Place Financière Bourgogne Franche-Comté. Son objectif : aider les banquiers à mieux comprendre les enjeux de la filière pour leur permettre de flécher efficacement leurs propositions, notamment les « mobiliser sur le sujet essentiel de la complantation, avec des produits financiers adaptés aux cycles de la filière sur des durées de franchises de remboursement et d’amortissement plus longues. C’est l’occasion de nous mobiliser collectivement sur ce sujet qui est à l’amont et qui est essentiel pour notre filière », ainsi que l’a expliqué Manoël Bouchet, vice-président de la Commission marchés & développement du BIVB.