Le liège, une filière de bonne garde
Bouchage. Le groupe Amorim, premier producteur et distributeur mondial de bouchons de liège était au château de Chassagne-Montrachet devant une trentaine de représentants de la filière viticole pour les convaincre de la supériorité des bouchons techniques du groupe lusitanien.
Premier producteur mondial de bouchons de liège pour les vins et les champagnes, avec plus d’1Md€ de chiffre d’affaires en 2023 et 30% du marché global du bouchage toutes catégories, le groupe portugais Amorim avait programmé une escale de son « Amorim Tour », mardi 11 juin, au Château de Chassagne-Montrachet.
Au programme de cette journée professionnelle, un exposé sur les qualités des bouchons techniques développés par Amorim grâce au directeur R&D du groupe, Miguel Cabral, suivi d’une dégustation à l’aveugle d’une sélection de trois vins identiques dans leur vinification et leur élevage à l’exception du bouchage - dans chaque paire dégustée, l’un des vins avait été bouché par une solution Amorim, l’autre par un bouchon concurrent. Objectif : mettre en lumière les différences sensorielles notables induites par chacun des bouchons sur le vin.
Un gramme de TCA = 266 millions de bouteilles imbuvables
Matériau exceptionnel par ses qualités intrinsèques (voir encadré ci-dessous), le liège a pourtant été très bousculé par l’irruption dans les années 90 du plastique ou de la capsule à vis qui éliminaient radicalement le risque de développement du TCA (trichloroanisole) qui gâte irrémédiablement un vin devenu « bouchonné ». Une catastrophe économique, puisque la molécule (réaction naturelle du liège) est décelable à très faible proportion, au stade du nanogramme : un gramme de TCA peut ainsi contaminer 266 millions de bouteilles !
Convaincu de la supériorité du liège quant à ses qualités comme obturateur, avec les meilleurs résultats en termes d’obstacle à l’oxydation et à la réduction, Amorim a choisi de poursuivre la production de bouchons de liège mais en y injectant une très forte valeur ajoutée : l’innovation. S’il est impossible de traiter les arbres en préventif du fait de la nature même de la culture (les levées de liège se font tous les neuf ans sur des arbres déjà âgés au minimum de 42 ans), le groupe Amorim a choisi d’intervenir très en amont du processus qui va du liège levé en plaques jusqu’aux bouchons. À partir de 2004, la distillation à la vapeur sur les granulés de liège est expérimentée. Puis Amorim va pousser plus loin la recherche, qui aboutira à plusieurs types de bouchons techniques, brevetés, tels Xpür, Naturity, NDTech.
Xpür utilise le CO2 supercritique (un état intermédiaire entre le solide et le gaz) pour extraire les composés volatils du liège et éliminer les molécules susceptibles de gâter le vin. « Le CO2 à ce stade a alors des capacités très importantes de nettoyage sur les granulés de liège », insiste Miguel Cabral. À ce jour, le groupe Amorim exploite neuf unités d’utilisation du CO2 supercritique, « avec une capacité de 900 millions de bouchons microagglomérés », détaille Miguel Cabral.
La technologie utilisée depuis 2021 par le groupe revendique des performances énergétiques supérieures aux process conventionnels d’utilisation du CO2 supercritique de l’industrie alimentaire, avec une réduction des 3/4 de l’énergie utilisée, et une consommation de CO2 de 10% seulement, sur un cycle de production réduit à quatre heures « pour un résultat similaire dans les analyses de 0,3 nanogrammes par litre de TCA », assure Miguel Cabral. « Des organismes indépendants de certification de sécurité alimentaire attestent ces résultats. La solution Xpür permet de neutraliser le bilan carbone de la bouteille en verre sur laquelle il est utilisé », affirme Franck Autard, directeur exécutif Amorim France.
Des bouchons premium pour les grands flacons
L’utilisation du CO2 supercritique, qui nécessite un important niveau de pression, posait le risque de déformation des bouchons naturels, destinés aux grands vins et champagne. Amorim a résolu le problème avec une innovation baptisée Naturity, développée avec l’université de Lisbonne : « Un système de destruction thermique à 240 ° mais dans le vide pour que le bouchon ne brûle pas. On baisse la pression pour que la température de volatilisation du TCA baisse également et l’on parvient à extraire les molécules de manière significative », explique Miguel Cabral.
Un test mené sur des lots avant et après traitement par un laboratoire indépendant a validé le système : 97,8% des lots analysés n’avaient pas de taux détectable de TCA après traitement (2,2% pour les bouchons non traités contre 0,1% sur les lots traités). 30 équipements permettent le traitement de 850 millions de bouchons annuellement ; tous les bouchons naturels commercialisés par Amorim bénéficient de ce traitement Naturity.
La dernière technologie développée par Amorim, baptisée NDTech, est l’analyse de chaque bouchon par la chromatographie. Cette innovation récompensée en 2019 par le Wine Business Monthly’s Innovative Product Award consiste en la détection et l’élimination de tout bouchon naturel contenant plus de 0,5 nanogrammes de TCA par litre, en quinze secondes. En 2023, 70.430 bouchons, choisis de manière aléatoire, ont été contrôlés, avec un résultat de 99,97% de TCA non détectable. « Pour nous, le problème est résolu mais non éradiqué », estime Miguel Cabral. Enfin, Amorim a peaufiné son offre auprès du monde viticole en offrant sur le bouchon en microaggloméré (gamme Qork) un liant biosourcé issu des pépins de raisins (polyphénol végétal).
Différences sensorielles notables
Conduite par l’oenologue Frédéric Brochet, une dégustation à l’aveugle de vins identiques par paire (l’un bouché par Amorim, l’autre non) a permis à la trentaine de personnes présentes, dont de nombreux vignerons, de constater les différence sensorielles générées par chacun des bouchages. Un chablis embouteillé avec Xpür en 2022 a ainsi recueilli les suffrages des dégustateurs, plus partagés sur un cépage viognier embouteillé lui en février 2024. Enfin, le Saint-Émilion embouteillé avec un bouchon NDTech a été majoritairement apprécié vis-à-vis du flacon fermé par un bouchon naturel d’un concurrent du géant portugais.
Au-delà de l’appréciation personnelle du panel, la dégustation a véritablement permis d’entrevoir sous un jour peu mis en avant l’importance du choix du bouchage quant à la garde et l’évolution des vins. De quoi documenter la filière au moment où celle-ci veut décarboner ses activités alors que le groupe Amorim met en avant son ambition, grâce à ses bouchons envisagés comme « un outil oenologique majeur » selon la formule de Miguel Cabral, « de respecter au mieux le travail que les vignerons font dans leurs vignes ». Un argument imparable au pays des Climats...