Météo et vendanges : 2024, année erratique
Viticulture. Oubliés, les beaux millésimes 2023 et surtout 2022 ! 2024 restera pour la Bourgogne viticole une annus horribilis avec gel, grêle, froid et pluie en trop grande abondance...
« Une saison extrêmement compliquée. Ce sera une petite récolte, très petite, probablement largement en dessous de la moyenne, avec une situation très hétérogène en fonction des endroits », résume le président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne Édouard Delaunay. Le gel de printemps a stressé la vigne, avant des conditions difficiles pendant la fleur (froid, humidité) qui ont occasionné du filage suivi d’épisodes de millerandage, soit l’avortement des grappes ou des raisins de moindre volume.
L’été extrêmement pluvieux a amené une pression des maladies. « La météo a été tellement exceptionnelle que l’on a été en limite de stratégie de lutte contre les maladies, en particulier le mildiou, atteste Édouard Delaunay. Cela a été une année incroyablement difficile pour les nerfs des vignerons. Parfois vous ratiez un traitement d’une journée ou d’une demi-journée, et c’était trop tard ! ». La fin d’été et le joli début du mois de septembre ont permis, vu le peu de raisins, de permettre le mûrissement et « il semblerait que la qualité soit pas mal, reconnaît Édouard Delaunay. Mais il a fallu beaucoup trier. »
Le chablisien, touché par le gel, la grêle et le mildiou, s’en sort mieux en rive gauche du Serein qu’en rive droite où sont localisés les grands crus. « Certains domaines n’ont pas récolté du tout », déplore le président du BIVB. Si le Châtillonnais prodigue en crémants a été sinistré par des épisodes de grêle, la Côte de Nuits s’en tire « plutôt mieux, mais c’est une très petite récolte, de l’ordre d’un tiers d’une récolte normale », la Côte de Beaune également : « Globalement, pour les blancs en allant vers le sud, les chassagne, puligny, meursault, la récolte a été moins touchée par les épisodes climatiques et le mildiou, et d’un volume correct ».
C’est finalement la côte chalonnaise qui va tirer son épingle de ce jeu douloureux, alors que le mâconnais présente encore un visage hétérogène. « Plus que jamais, on va faire des vins de vignerons. Le maître-mot, selon moi, sera le tri. Il a fallu beaucoup trier dans les vignes et à l’entrée des cuveries, et il faudra trier tout au long de la campagne et peut-être aussi par les consommateurs car il y aura des situations très hétérogènes. » Sur le long terme, cette situation renforce les préoccupations de la profession sur les conséquences du dérèglement climatique ; la régularité qui, sauf accident, était de mise jusqu’en 2007-2008 a été bousculée depuis une quinzaine d’années : il n’est qu’à comparer 2021, la plus petite récolte depuis 35 ans avec le record absolu de production en Bourgogne de 2023. « Des variations historiques et inédites ! »
Sur le plan des marchés, si l’année dernière, entre la France et l’export, la Bourgogne viticole affichait un recul de 6 % à 7 % de ventes, 2024 montre un rebond, avec un retour à l’équilibre. La petitesse du vignoble, l’adéquation du profil des vins bourguignons avec les goûts du moment expliquent ce retour en grâce. « Cela démontre aussi que si on est raisonnable avec les prix, il y a encore une appétence pour les vins de Bourgogne et les marchés repartent relativement bien ». Une situation unique en France, enviée par les autres régions viticoles. « Il faut être conscient qu’on est une poche de prospérité, dans un marché très difficile marqué par la déconsommation, les tensions géopolitiques, le manque de visibilité sur certains marchés comme les États-Unis, la Chine », rappelle Édouard Delaunay. La prudence est donc de mise, et les équilibres restent fragiles dans les parcelles où la nature, malgré les cours du marché et les efforts des hommes, gardera toujours le dernier mot...