Millésime 2024 : petits volumes, grande qualité
Vendanges. Lors de la rituelle conférence de presse post-vendanges, le bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) a fait le bilan de la récolte 2024 : historiquement faible en volume, elle laisse présager de très jolis vins, obtenus au prix d’un travail acharné des vignerons durant toute l’année.
C’est une année dont la viticulture bourguignonne se souviendra longtemps : la pluviométrie anormalement élevée, les épisodes de froid et de grêle, une pression des maladies qui a éprouvé les limites autorisées de traitement... tout cela a composé une symphonie éprouvantes pour les nerfs de la profession dans un vignoble bourguignon dont 30% à 35% de la superficie n’est plus en agriculture conventionnelle. « Les vignerons ont été dans leurs parcelles tous les jours pour sauver leurs récoltes », a rappelé François Labet, président-délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) lors de la conférence de presse post-vendanges qui s’est tenue à la Cité du vin et des climats de Bourgogne de Beaune.
2024, le nouveau 2010 ?
« Les chiffres de production ont été terribles », a-t-il ensuite égrené : - 50% dans le Chablisien, -70% dans l’Auxerrois, - 50% sur le pinot noir, -25% sur le chardonnay en Côte-d’Or, - 25% dans le Mâconnais. Seule la côte chalonnaise a été épargnée par les maladies. Il est probable que la production sera inférieure à la catastrophique année 2021. Pour autant, « le miracle bourguignon a de nouveau pu avoir lieu », a nuancé le président du BIVB Laurent Delaunay. Le soleil de septembre a permet aux grappes, plus petites, d’effectuer leur mûrissement et présager d’une remarquable qualité : « Des blancs similaires à 2022, un vrai millésime de rouge, riche, solide », s’extasie François Labet qui pronostique une similarité avec le très grand millésime 2010, l’expertise en plus : « On sait gérer des millésimes un peu plus difficiles », reconnaît Laurent Delaunay.
Un exploit bourguignon
Du côté des marchés, la profession a également le sourire. La généreuse récolte 2023 (1,9 million d’hectolitres), soit le chiffre record de 253 millions de nos bouteilles bourguignonnes de 75 cl), succédant à un millésime 2022 également prodigue, a permis de reconstituer les stocks. En témoignent les sorties de propriété (raisins, moûts et vins) qui augmentent légèrement (+ 1,6% par rapport à la campagne 2022-2023), les besoins de refaire des stocks étant moins aigu. Sur ce marché, les transactions intrarégionales atteignent un nouveau record en volume (964.000 hl), représentant 7,5% en volume de transactions : un retour au calme après les 59% de rattrapage de la campagne 2022-2023.
L’extrême variabilité tant des sorties de propriété, des transactions que de la récolte, constatée depuis une décennie incitent donc la profession à être de plus en plus vigilant sur le segment du stockage (le fameux Volume complémentaire individuel ou VCI qui joue à la fois le rôle d’assurance récolte et d’assurance qualité), ce qui implique des investissements en terme de capacité de stockage, donc une adaptation des financements ; les autres points de vigilance étant, évidemment, d’une part, l’adaptation du matériel végétal, d’autre part un travail accru auprès des consommateurs pour booster l’attractivité des vins dans un contexte global de déconsommation et d’inflation.
Dans ce cadre, le vin est une des victimes collatérales des arbitrages financiers des ménages, devenant un achat occasionnel pour des consommateurs en quête du meilleur rapport qualité/prix. C’est ainsi que dans un marché globalement tendu (-5,3% de vente en volume des vins tranquilles sur les huit premiers mois de 2024 par rapport à 2023), les bourgogne génèrent encore un peu de croissance : +2,9% en volume et +2,6% en chiffre d’affaires sur la même période après deux années consécutives de baisse.
« Un exploit de la filière bourguignonne », estime Laurent Delaunay, rendu possible grâce aux ventes en marques de distributeurs, MDD, (39% des achats en GMS). Ces chiffres montrent également un relatif retour au calme sur les prix. Parmi les bons élèves bourguignons, il convient de noter la vitalité de l’AOC Bourgogne Aligoté (58% des achats en MDD), gagne plus de 285.000 bouteilles sur les huit premiers mois de 2024 par rapport à 2023, soit +11,2% et plus de 20 M€ de chiffre d’affaires ; l’AOC Chablis (40% des achats en MDD sur la même période), soit + 82.000 bouteilles (+6,2% et plus de 18 M€ de chiffre d’affaires) et l’AOC Mâcon-Villages (41% des achats en MDD), représente + 25.000 bouteilles vendues sur la même période pour presque 10 M€ de chiffre d’affaires.
Ce sont en revanche les Crémants MDD qui marquent le pas : -1% en volume, alors que le chiffre d’affaires continue de progresser, montrant une légère hausse des prix. Les ventes de Crémants hors MDD progressent en revanche, + 10,1% en volume et + 13,3% en chiffre d’affaires sur les huit premiers mois de 2024 par rapport à la même période l’année précédente.
Succès international
À l’export enfin, la Suède vient remplacer la Belgique dans le « Club des cinq » importateurs majeurs de bourgognes (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Japon et donc Suède), qui écoulent 60% des exports. Sur les six premiers mois, les volumes exportés repartent à la hausse (+ 3% en volume pour un chiffre d’affaires stabilisé (+0,2%), mais qui dépasse, pour les six premiers de 2024, la barre symbolique des 750 M€ (754 M€). Ce succès auprès du marché étranger s’explique par une adéquation assez rare entre la demande (du blanc, et des rouges fondés sur l’élégance et la fraîcheur) et le profil du vignoble bourguignon, qui produit 40% de vins blancs et des rouges correspondant exactement au goût du marché. Une fenêtre d’opportunité qu’il convient de faire fructifier dans un contexte géopolitique comme climatique des plus incertains...