Un millésime 2023 « au feeling »
Vins. La 163e Vente des vins des Hospices de Beaune aura lieu le 19 novembre. La pièce de charité, fabriquée avec le surplus d’un chêne offert pour la reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris, sera vendue au profit de la recherche pour le bien vieillir et la longévité en bonne santé.
Rendez-vous incontournable des amateurs de vins du monde entier, la Vente des vins des Hospices de Beaune ouvrira sa 163e édition le 19 novembre 2023. L’ensemble des acteurs était présents le mardi 19 septembre à l’Hôtel-Dieu pour évoquer les contours de cet évènement qui trace les lignes de force du marché des bourgognes.
La prise de parole de Ludivine Griveau, régisseure du domaine viticole des Hospices civils de Beaune était donc particulièrement attendue, alors que le domaine termine sa conversion vers l’agriculture biologique – la labellisation est attendue pour le millésime 2024.
2022 avait été une année exceptionnelle, tant en quantité qu’en quantité. 2023 restera comme le millésime de l’adversité, tant la météo et la vigne auront été imprévisibles. « Nous avons dû faire face à du yoyo climatique, reconnaît Ludivine Griveau - soulignant ses dires (voir notre photo) en détaillant une grappe refusée en cuve présentant diverses anomalies, Ndlr - avec une année très hétérogène. Ce millésime, nous l’avons fait au feeling ». Un hiver anormalement doux, pas de gel de printemps mais une saison compliquée, des pluies de mars… pour un mois de juin qui pouvait annoncer un 2022 bis mais l’a au contraire rendue méfiante : « C’était trop beau pour être vrai ».
Arbitrages incessants
Et en effet : si l’épisode de grêle dans la nuit du 11 juillet a épargné les 60 hectares du domaine, les contrôles fin août ont révélé des raisins pas assez mûrs. En revanche les feuillages sont en très bonne santé alors même qu’en agriculture biologique, les seuls traitements autorisés pour lutter contre l’oïdium et le mildiou sont le soufre et le cuivre, des produits de contact qui peuvent donc être lessivés par la pluie – ce qui explique à ce titre le nombre élevé de traitements (11) qui ont été effectués.
Mais bénédiction d’un mois de septembre exceptionnellement ensoleillé qui a paradoxalement donné des sueurs froides à la cuverie quant à la date des vendanges, c’est finalement le 6 septembre qu’ont été donnés les premiers coups de sécateur dans le mâconnais alors que les vendanges se sont achevées précisément le mardi 19 septembre avec les derniers rouges à Saint-Romain, Monthelie et Pommard.
Le millésime 2023, incertain, aura donc obligé Ludivine Griveau à des arbitrages incessants dont un, drastique, à la vigne, avec la consigne aux vendangeurs d’un pré-tri entre les grappes qui devaient être irréprochables pour passer sur les tables où là encore, un certain nombre a été écarté. « Aucun grain rose ou flétri dans nos caisses ! », se félicite Ludivine Griveau qui estime que ce tri sévère qui ne permettra pas « dans nos cuveries les quantités de 2022 », sera en revanche « la clef d’un millésime qualitatif ». 2023 annonce en effet des rouges « avec de la rondeur et du soyeux » et « une jolie matière voluptueuse en bouche, une pureté aromatique » pour les blancs.
Modèle économique et générosité
Orchestrée depuis trois ans maintenant par la maison Sotheby’s, la vente des Vins des Hospices se démarque aussi car elle participe à un modèle économique inédit pour un établissement hospitalier qui, ainsi que ne manque jamais de le souligner Alain Suguenot - maire de Beaune et président du conseil de surveillance des Hospices civils de Beaune – ne bénéficie d’aucun denier public mais participe au contraire, grâce aux enchères de la pièce de charité ou pièce des Présidents (traditionnellement animées par des personnalités, Flavie Flament et Benoît Magimel l’année dernière), au financement d’une cause d’intérêt public, lointain écho de la raison d’être des Hospices nés il y a plus de 600 ans de la volonté de Nicolas Rolin et Guigone de Salins pour y soigner les indigents.
Cette année, c’est la recherche au profit du bien vieillir qui profitera de ces enchères avec une mise en abyme assez singulière : la pièce de 228 litres, qui sera livrée aux acheteurs le 19 novembre prochain, a été fabriquée avec la surbille (le surplus non utilisé) d’un chêne de 220 ans d’une forêt de la Sarthe, offert par son propriétaire Bernard d’Harcourt pour la reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris. C’est la tonnellerie Cadus (Ladoix-Serrigny) qui sera chargée de la réalisation de la pièce.