Collectivités

2024, une année brûlante pour l’agriculture

Agriculture. Vœux de la chambre d’agriculture : dernière cérémonie pour Vincent Lavier, président depuis 11 ans.

Lecture 10 min
Photo de ballot de pailles
Les exploitants ont connu une année très disparate selon leurs secteurs d’activité, avec une préoccupation commune : la complexité des aides européennes et la transition écologique. (Crédit : JDP)

Pour les derniers vœux de son actuelle mandature, Vincent Lavier est revenu sur une année 2022 qui « restera comme une belle année agricole, notamment grâce à une dynamique positive sur les cours des grandes productions, et une bonne récolte viticole. 2023 laissera un sentiment beaucoup plus mitigé, puisqu’on observe surtout une très grande disparité selon les productions ».

Si la viticulture connaît un deuxième millésime exceptionnel après 2022 ou le cassis ne s’en sort « pas trop mal », ce n’est pas le cas de la moutarde, dont les surfaces en très fort développement liées à un prix attractif, ont connu des volumes de récolte décevantes « malgré de très belles promesses en végétation ». Côté grandes cultures, le rendement des céréales est dans la moyenne avec une amplitude « qu’on a très peu connue », puisque le changement climatique a fortement affecté les zones les plus fragiles. En 2023, le cours du blé et des céréales en général, qui avait connu une forte tendance haussière en 2022, a chuté d’environ 30%.

L’élevage va lui « un peu mieux, notamment la production de ruminants », avec des cours du lait comme de la viande qui se sont bien redressés depuis deux ans. « Les éleveurs retrouvent un peu le moral, mais soulignons quand même que cela n’arrête pas l’érosion du cheptel, entamé depuis une dizaine d’années maintenant ». Au contraire, la production porcine est en panne, et le renouvellement des générations d’éleveurs « va être un vrai challenge ».

Deux points noirs

Deux éléments préoccupants, alerte le président Lavier. D’abord, l’agriculture biologique (AB). L’offre croissante de production a pris de plein fouet la baisse du pouvoir d’achat du consommateur entraînant baisse des ventes et « un effondrement des prix payés aux producteurs, ce qui est problématique. Faire une conversion en AB est un travail qui s’inscrit sur un temps long, on ne peut pas remettre en cause les choses d’une année sur l’autre. Pour faire face au risque de déconversion potentielle de certains, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures visant à soutenir les exploitations et soutenir les produits issus de l’AB ». La loi Égalim, qui vise à l’utilisation de 20% de produits agricoles AB dans la restauration publique n’est pas respectée de manière équitable dans le département, remarque encore Vincent Lavier : si les cantines des collèges (compétences du conseil départemental) jouent « très bien le jeu, d’autres très grosses structures ne le font pas du tout ».

Deuxième point d’achoppement pour le secteur agricole, l’explosion des charges : « On a vu quelque chose d’inconnu, qui a débuté avec l’invasion de l’Ukraine en 2022. Cela a commencé par l’énergie, ensuite sur les engrais, la mécanisation… Tout cela fait des hausses de 200 à 400 euros de coût de production supplémentaires à l’hectare selon les systèmes d’exploitation, avec des postes qui ne redescendront pas : c’est le cas de la mécanisation. Cela sera un problème pour les systèmes les plus fragiles qui ont besoin d’avoir un niveau de charges maîtrisé ». On peut se poser la question de la pérennité à dix, vingt, trente de l’agriculture dans les territoires les plus fragiles, redoute Vincent Lavier.

La mise en place de la nouvelle Politique agricole commune (PAC) de l’Europe, se caractérise, assure le président Lavier, « par un niveau de complexité jamais connu. Un certain nombre d’agriculteurs qui parvenaient à déposer leurs dossiers d’aides PAC sans aide, ont dû pour la première fois en 2023 être accompagnés, tellement ces dossiers sont devenus compliqués ».

Transition écologique

Enfin, le « fiasco du transfert de l’instruction des dossiers Feader » aux régions, qui a notamment entraîné des manifestations d’agriculteurs devant l’hôtel de région à Dijon, aurait pu être évité, regrette Vincent Lavier. « Dans les chambres d’agriculture, on avait identifié très en amont que ce transfert n’allait pas très bien se passer. On avait fait des offres de services dès mars 2023 au conseil régional. Sachez que ces offres de services sont seulement en train de se concrétiser. On a perdu une année ».

2024 sera orientée autour de deux grands axes pour le secteur agricole : la transition écologique et le renouvellement des générations. Déjà plusieurs fois reportée, la loi « en faveur du renouvellement des générations en agriculture » très attendue par les agriculteurs l’a été une nouvelle fois la semaine dernière, ainsi que l’a annoncée le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau : elle sera présentée en mars après le salon de l’agriculture 2024 qui aura lieu du 24 février au 3 mars prochains. De quoi ajouter à la colère des agriculteurs qui multiplie depuis quelques semaines les actions – sur l’A 64 en Occitanie notamment dont le chantier va exproprier ou spolier une centaine d’exploitants.

2024 sous le signe de l’eau

Localement, 2024 devrait aussi voir avancer au niveau du législateur le dossier brûlant du stockage de l’eau. François Sauvadet, président du conseil départemental a déjà dit publiquement qu’il défendra tout projet de « bassines » en prévision des mois d’été, de plus en plus caniculaires dans le département. Des projets sont à l’étude autour de Dijon pour recueillir les eaux de ruissellement des exutoires et celle des stations d’épuration. La chambre soutient enfin le projet « Eau et agriculture durable du Châtillonnais » dont l’objet est de financer les agriculteurs qui rendent des services environnementaux sur le bassin versant de la Seine. Ce dispositif a pu voir le jour grâce à l’engagement financier de la métropole du Grand Paris, soit un million d’euros par an pendant dix ans. Ce dispositif pourrait être étendu à d’autres territoires du département.