2025 : le rêve d’une grande université régionale est mort
Bourgogne Franche-Comté. Dix ans après la création de la Comue Université de Bourgogne Franche-Comté (UBFC), le paysage universitaire régional est plus éclaté que jamais. Au 1er janvier 2025, l’UBFC a ainsi officiellement disparu, laissant la place à deux Établissements publics expérimentaux (EPE), l’un basé à Dijon, baptisé université Bourgogne Europe et l’autre domicilié à Besançon sous le nom d’université Marie et Louis Pasteur. Un cas unique en France aux allures de retour en arrière et dont on peut douter que la visibilité internationale en sorte grandie.
Le 1er septembre 2022 actait la sortie de l’université de Bourgogne (uB) de la Comue Université de Bourgogne Franche-Comté (UBFC), mettant de fait du plomb dans les ailes de la structure transrégionale née, cocasserie du calendrier, un premier avril 2015. Aussitôt les dissidents, sous la direction de Vincent Thomas, président de l’uB annonçaient leur volonté de créer un Établissement publics expérimental (EPE) regroupant, outre l’ex-uB et ses 16 composantes, l’école de management BSB, les écoles d’ingénieurs CESI, ESEO, ESTP, l’École supérieure de musique Bourgogne Franche Comté, l’École supérieure des arts appliqués de Bourgogne, l’École nationale supérieure d’art de Dijon, le centre hospitalier universitaire Dijon Bourgogne, le Centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc et le Crous de Bourgogne Franche-Comté. Baptisé université Bourgogne Europe, il a officiellement vu le jour le 1er janvier de cette année. De leur côté, les membre de l’ex-UBFC se sont vus contraints de réfléchir à leur avenir, annonçant à leur tour la création d’un EPE, après un passage, qui ne restera pas dans les mémoires, en Comue expérimentale. « Depuis la création en 2007 du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Bourgogne Franche-Comté (Pres BFC) les universités évoluent dans une dynamique collective qui s’est poursuivie en 2015 avec la création de la Comue venue remplacer le Pres, marquant une étape fondatrice dans l’organisation et la cohésion de l’enseignement supérieur en BFC, dans un environnement académique de plus en plus exigeant et compétitif. C’est pourquoi, nous avons souhaité inscrire la création de notre EPE université Marie et Louis Pasteur dans la continuité de la Comue qui a contribué à poser les bases de la coopération régionale. Renoncer à cela, c’était mettre fin à toute visibilité nationale et internationale avec le risque d’affaiblir l’ensemble de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en Bourgogne Franche-Comté », affirme Macha Woronoff, présidente de ex-l’université de Franche-Comté, devenue université Marie et Louis Pasteur.
Face au choix de ex-uB de se recentrer sur l’ancien périmètre bourguignon, la présidente laisse entendre que l’EPE franc-comtois est aujourd’hui le seul héritier des acquis de la Comue et « d’une évolution au long court et naturelle », selon les mots de Ghislain Montavon, directeur de l’université de technologie Belfort Montbéliard (UTBM), établissement-composante au sein de l’EPE au même titre que SupMicrotech-Ensmm. « Nous allons structurer notre EPE en instituts et en Graduate schools sur la base des trois piliers définit dans le projet I-site dont la Comue fut lauréate : matériaux avancés, ondes et systèmes intelligents ; territoires, environnement, aliments et soins individualisés et intégrés, auxquels nous ajoutons un axe dédié aux sciences humaines ». L’université Marie et Louis Pasteur compte ainsi les 11 composantes de l’ex-université de Franche-Comté, les deux établissements composantes cités plus haut et six établissements associés : l’Ensam au titre de son campus de Cluny, le CHU de Besançon, l’Établissement Français du sang de BFC, l’École supérieure des technologies et des Affaires de Belfort, l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Besançon et le Crous de BFC (également associé à l’EPE dijonnais). Un temps cité, l’institut Agro Dijon n’apparaît plus dans les associés de l’EPE bisontin, suite à une décision nationale de ne participer à aucun EPE, la structure étant déjà un établissement à dimension nationale.
Évolution plutôt que révolution
Toutefois, dans un souci de pas mettre un frein aux projets scientifiques trans-régionaux en cours - assujettis notamment à des financements PIA, i-site et France 2030 qui pourraient être remis en cause - et pouvoir à l’avenir en imaginer d’autres, cette séparation en deux EPE tient plus de l’évolution que de la révolution. « Il était de notre responsabilité d’évoluer sans la Bourgogne, argue Macha Woronoff. Aujourd’hui, c’est une nouvelle étape historique. Mais cela ne change pas la volonté de coopération à l’échelle de la Bourgogne-Franche-Comté ». « Des projets en commun vont s’ouvrir avec l’EPE dijonnais, précise Ghislain Montavon, évoquant une future convention de coopération territoriale dont l’ensemble des principes directeurs a déjà été défini et voté. Nous sommes actuellement dans la mise en forme de l’écriture juridique ». Ainsi malgré le divorce, les affinités d’hier ne sont pas toutes remises en question. L’UTBM est également cotutelle d’une unité de recherche de l’université Bourgogne Europe. De même, le campus de Cluny - « engagé dans une logique de construction de l’UBFC, n’avait aucune volonté de quitter la Comue, appuie Michel Jauzein, directeur du Campus Arts et Métiers de Cluny. D’autant que nous partageons des liens forts avec SupMicrotech et les étudiants du laboratoire bisontin Femto-ST » - possède également des laboratoires communs avec l’UTBM et l’université Bourgogne Europe. De même, la future convention de coopération territoriale aura vocation à porter dans les prochains mois une conférence régionale des grandes écoles pour permettre à ces dernières de collaborer plus facilement avec les deux EPE. Dans la même veine, les six écoles doctorales de la région hier dans le giron de la Comue seront pilotées par un collège doctoral. « Avec les EPE, jusqu’en 2028, nous sommes dans une période d’expérimentation. 2028 sera l’année de l’évaluation de notre dispositif, si la preuve de son efficience est faite, nous nous transformerons en grands établissement, sinon nous retrouverons nos périmètres respectifs, explique Pascal Vairac, directeur de SupMicrotech. Nous devons profiter pleinement de cette période charnière de structuration pour donner naissance à des objets originaux qui poussent à l’innovation ». « Nous sommes en train de construire un écosystème qui répond aux besoins de nos étudiants et de nos enseignants-chercheurs », affirme Macha Woronoff qui entend également avec cet EPE conforter l’excellence académique et renforcer l’attractivité des formations au niveau international. « Même si aujourd’hui, cette reconnaissance internationale, chaque EPE la portera en son nom ». L’ex-université de Bourgogne ne ainsi pourra plus se servir des bons résultats de l’ancienne université de Franche-Comté comme au temps de la Comue pour briller dans les classements internationaux de type Shanghai « comme l’a révélé le rapport du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) », rapporte la présidente. Enfin, au printemps, des élections auront lieu pour renouveler le ou la présidente du conseil d’administration de l’université Marie et Louis Pasteur. Macha Woronoff a annoncé qu’elle ne se représenterait pas.