Des silos métamorphosés (l’un en hôtel et spa avec restaurant en rooftop surplombant l’Yonne et sa vallée, le centre historique et le vignoble naissant à 28 mètres de hauteur, l’autre en « hub des énergies » soit un cortex pilotant une « ville intelligente », un data center et un smart grids rendant l’ensemble du périmètre énergétiquement autonome ), une halle industrielle reconvertie en 22.000 m2 de surface commerciale comprenant centre de remise en forme, cinéma et espaces culturels, une nature transplantée sur des sols désimperméabilisés pour créer un parc des Alliances… Telle une démonstration de ce que devrait être la cité du futur, la présentation de Silvio d’Ascia, devant près de 200 personnes réunies à la salle Vaulabelle, avait des allures de superproduction, digne d’un remake de Metropolis. La narration dystopique en moins et la démocratie participative en plus. « Nous avons essayé de concevoir un projet, partagé et coconçu avec la collectivité, avec l’idée de valoriser le patrimoine, mais pas dans une logique passéiste et de décroissance, mais de manière innovante tant au niveau technologique que de celui de la désartificialisation des sols, compatible avec tous les critères de la loi Zan », précise l’architecte-conseil de la ville d’Auxerre (voir l’encart ).
Avant de créer l’événement avec cette « restitution de la rencontre citoyenne Auxerre Ambitieuse pour le quartier Batardeau-Montardoins et ses traductions urbaines, architecturale et paysagère », la ville avait, en effet, organisé en amont une consultation en trois temps impliquant même une trentaine de lycéens afin d’imaginer collectivement la ville de demain. Un artefact qui ne saurait, malgré tout, faire oublier les travaux liminaires réalisés pour esquisser ce programme avant-gardiste.
Retour vers le futur
Inscrite au titre des actions emblématiques du projet de territoire 2021-2031 de Crescent Marault, la volonté de réhabiliter ce vaste ensemble urbain disparate, mêlant friches industrielles et habitat dégradé, comportait tous les ingrédients d’une promesse de campagne intenable en ce qu’elle se heurtait à la requalification, présumée impossible, de deux sacro-saints symboles du faste économique d’antan : les silos de 110 Bourgogne et l’ancienne usine Guilliet.
Il y a tout juste trois ans, la ville d’Auxerre mandatait pourtant, après 18 mois de négociation, l’établissement public foncier (EPF) Doubs Bourgogne Franche-Comté pour qu’il se porte acquéreur des iconiques élévations agricoles à hauteur de 1,9 M€. Un an plus tard, les silos 3 et 4, dont la structure présentait un délabrement important, disparaissaient du paysage auxerrois après plus de 70 ans de domination aérienne.
Quant aux vestiges de l’empire Guilliet, en grande partie désaffecté, il était surtout nécessaire de leur échafauder un avenir qui, à proximité immédiate du centre historique, ne pouvait se faire, au même titre que les silos agricoles, en reniant définitivement leur passé. Au préalable, la ville d’Auxerre s’était assuré l’obtention d’une enveloppe de 500.000 €, financée par la Banque des territoires et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dans le cadre de la deuxième vague de l’appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateurs de la ville durable ». Alignement des planètes ou réelle volonté politique, chacun jugera. Quoi qu’il en soit, le projet d’écoquartier auxerrois, phasé sur une décennie, dévoile des atours bien séduisants. Reste à savoir si les investisseurs publics et privés seront à leur tour conquis par ce projet pour le moins audacieux