L’Yonne mobilisée contre ses fermetures de classes
Ruralité. Une trentaine de classes pourrait fermer dans l’Yonne à la rentrée prochaine, située principalement dans des communes rurales. Si la Dasen ne dévoilera la liste des écoles concernées que le 16 février prochain, élus et parents d’élèves se sont déjà fortement mobilisés pour dénoncer cet énième désengagement des services de l’État et les incohérences manifestes des politiques publiques.
Venoy, Chevannes, Villevallier, Senan, Malay-le-Grand, Moulins-sur-Ouanne… La future carte scolaire n’a pas encore été dévoilée que, déjà, les projets de fermeture de classes provoquent colère et indignation chez les élus locaux et les habitants mobilisés à grand renfort de pétitions, de manifestations et de réunions publiques.
Le 24 janvier, le recteur de l’académie de Dijon Pierre N’Gahane dévoilait les moyens alloués au premier et au second degré lors de la prochaine rentrée scolaire et actait la suppression de 29 postes « équivalents temps plein » (ETP) dans le département. En cause : la baisse des effectifs. Après avoir reçu début février les délégations syndicales, les maires concernés et les parents d’élèves, la Direction académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) délivrera alors ses arbitrages.
Avant cela, les habitants de ces communes rurales, ainsi que ceux d’Auxerre et de Joigny où des fermetures de classe sont là aussi pressenties, entendent bien intensifier la lutte pour ne pas subir ce qui s’apparente à une nouvelle dégradation des services publics, l’école du village étant l’une des dernières représentations du « pacte républicain » avec la mairie qui, bien souvent, se situe dans le même bâtiment. À l’heure où le gouvernement multiplie les maisons « France Services » - il en existe 33 dans le seul département de l’Yonne - et cela, dans un souci de « rapprocher les contribuables de l’Administration », comme aime à le rappeler le préfet de département, Pascal Jan, les parents d’élèves pointent, eux, l’inconséquence des décisions prises en matière d’éducation.
Égalité des chances
À Lindryle maire Mickaël Taton s’interroge sur ces politiques publiques contradictoires qui sabordent les actions menées par la municipalité pour renforcer l’attractivité de sa commune de 1.400 habitants. Dans ce village situé entre Puisaye et Auxerrois, une classe de maternelle est sur la sellette. Au printemps, l’élu attendait, pourtant, avec impatience d’inaugurer le nouveau pôle périscolaire de 400 mètres-carrés pour lequel trois millions d’euros ont été investis. Une somme loin d’être anodine quand le budget annuel plafonne difficilement à 1,3 million d’euros.
« À travers les diverses dotations, l’État nous a accordé près d’un million d’euros de subvention pour ce projet. En supprimant une classe en raison d’une baisse mesurée des effectifs, cela remet en cause tous les efforts entrepris depuis de nombreuses années dans l’achat de matériels performants comme les tableaux et les tablettes numériques. D’autant que des investissements privés ont été effectués pour créer une maison d’assistantes maternelles », déplore-t-il. « Le Président de la République a préconisé 12 élèves par classe dans quartiers prioritaires. Certains habitants regrettent que les élèves des zones rurales ne soient pas logés à la même enseigne et que, finalement, il n’y ait pas la même égalité des chances. »
Impréparation flagrante
À Venoy, le maire et premier vice-président d’Auxerre agglomération Christophe Bonnefond ne décolère pas et se demande encore quelles sont les raisons « de bon sens » qui ont amené le rectorat de l’académie de Dijon à envisager la suppression de l’une de ses huit classes. « Nous connaissons un pic des naissances, hormis l’année de la crise sanitaire, et un accroissement de la population », explique-t-il. « Cette baisse momentanée ne sert selon ma propre analyse que de prétexte pour faire des économies. »
Cette décision illustre à l’absurde la vision « court-termiste » de la politique menée par l’Éducation nationale qui met à mal, là encore, la stratégie territoriale conduite pour attirer de nouveaux habitants. « En pleine crise du logement, nous menons une politique volontariste de la construction qui va faire passer la commune de 830 à 940 logements, d’ici à 2027, dont les premiers vont être livrés dès cette année », précise l’élu. « Lorsque j’ai soulevé cette question auprès de l’inspecteur, il m’a été répondu que la classe serait certainement rétablie l’année suivante… » Gabegie ou flexibilité administrative, chacun jugera.
Villages sacrifiés
Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) qui lie les villages de Parly, de Beauvoir et d’Égleny s’inquiète, lui aussi, de voir disparaître l’une de ses classes de l’école primaire. Éloigné des schémas économiques et absent des couvertures médiatiques, ce territoire de Puisaye-Forterre constitué de communes de 400 âmes pourrait symboliser ce que d’aucuns qualifient volontiers de « France invisible » et illustre à merveille le sentiment d’abandon vécu par ses habitants, comme le souligne la pétition lancée par les parents d’élèves.
« Notre école est plus qu’un lieu d’apprentissage pour nos enfants. C’est un pilier central qui soutient notre communauté. La fermeture d’écoles dans les zones rurales contribue à la désertification des campagnes françaises, un problème qui touche déjà trop d’entre nous », écrit Benoît Roux, l’instigateur de ce mouvement qui rappelle la nécessité d’une « éducation locale, accessible et de haute qualité » pour les élèves. Un constat partagé par les parents d’élèves du RPI de Fontaines-Fontenoy-Leugny-Levis-Moulins-sur-Ouanne-Lalande. Et tant d’autres au pays de Paul Bert et de Pierre Larousse.