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Dijon sous l’oeil de la Chambre régionale des comptes

Ville de Dijon. Regard comptable vs vision politique : le rapport définitif de la Chambre régionale des comptes sur la gestion comptable de la municipalité entre 2018 et 2024 fait apparaître un satisfecit concernant la situation financière et l’ambition d’aménagement, mais pointe aussi des bémols, notamment sur le dossier de la Cité internationale de la gastronomie et du vin. De toute évidence, cette dernière cristallisera les discours de l’opposition lors de la prochaine campagne municipale.

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Ci-dessus, de gauche à droite : Antoine Hoareau premier adjoint, Nathalie Koenders, maire de Dijon, François Rebsamen, ministre de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire et président de Dijon métropole et Jean-Gabriel Madinier, directeur général des services. À droite : L’entrée de la CIGV en juin 2025. (Crédit : JDP.)

Durant un an, la Chambre régionale des comptes (CRC BFC) présidée par Emmanuel Roux a passé au crible les comptes et la gestion de la commune de Dijon, auditant la période comprise entre 2018 et 2024 alors que la ville était sous mandat de François Rebsamen. L’actuel ministre de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire a d’ailleurs pris brièvement la parole lors d’une conférence de presse avant le conseil municipal extraordinaire qui a eu lieu samedi 12 juillet, précisément consacré à ce rapport qui s’achève par huit recommandations.

Situation financière « très satisfaisante »

Les magistrats de la CRC BFC attestent dans leur rapport, d’une situation financière « très satisfaisante » - « tout à fait excellente », a traduit François Rebsamen -, notant une baisse de l’encours de dette de 167 M€ à 100,6 M€ entre 2018 et 2024 pour un budget total d’environ 280 M€. « La dette par habitant de Dijon est désormais parmi les moins élevées des communes entre 140.00 et 185.000 habitants », note le rapport, malgré un investissement élevé, car la ville a fait le choix de recourir fortement à ses fonds propres. La poursuite des investissements d’ampleur - on pense par exemple au Parc des expositions, dont le montant total des rénovations est estimé à 62 M€ - devra nécessairement recourir à l’emprunt. « C’est la fin d’un cycle et on devra emprunter, confirme Nathalie Koenders. Mais on le fera à partir d’une situation très saine, et on pourrait même emprunter en se désendettant un petit peu » [par le mécanisme de la baisse des taux actuels d’intérêt d’emprunt, Ndlr].

Quid des impôts ?

Le rapport note que le taux d’imposition sur le foncier bâti est élevé. Cela s’explique, détaille François Rebsamen, par le fait que la ville a hérité d’un taux départemental très élevé (21%) qui s’est ajouté au taux de la ville (environ 29%). « Bien que le taux soit élevé, la ville n’a pas augmenté les impôts pendant huit ans (2016-2023), tout en investissant et en réduisant sa dette », argumente l’ex-maire, alors même que la Dotation globale de fonctionnement (DGF) est estimée deux fois moindre que pour des métropoles de taille équivalentes, telle Angers. « La suppression de la taxe d’habitation a paradoxalement plus pénalisé Dijon que d’autres villes, car sa taxe d’habitation sur les résidences principales était historiquement l’une des cinq plus basses parmi les villes de plus de 100.000 habitants hors Paris », a encore rappelé l’élu, concluant que « la compensation de l’État a été moins importante pour Dijon ».

Pour 2023, le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties était de 779 € par habitant à Dijon, contre 747 € par habitant pour la moyenne des villes de plus de 100.000 habitants, soit un écart de 4,28%. Dans ces conditions, Nathalie Koenders estime que demander une baisse des impôts comme le réclame l’opposition dijonnaise relève de la démagogie ou de la méconnaissance des finances publiques - pique à peine déguisée en direction d’Emmanuel Bichot, magistrat financier précisément spécialisé en finances locales...

Pour autant, et c’est d’ailleurs l’une de ses recommandations, la CRC BFC suggère fortement à la ville d’établir une programmation pluriannuelle des investissements dont elle ne dispose pas à l’heure actuelle pour s’appuyer sur une trajectoire « mieux définie et mieux partagée », ce qui semble avoir été acté par l’équipe municipale.

Une générosité qui interroge

Dans son rapport, la CRC souligne également la « générosité » de la commune envers le tissu associatif : Dijon consacre en effet 102 €/an/eq habitant aux associations de la ville contre 81 € pour des communes de taille identique, ce qui représente 15 M€ par an pour les comptes locaux. Malgré une procédure mise en place et notamment la demande de documents financiers rigoureux pour les subventions à partir de 15.000 €, la Chambre note la rareté « de conventions d’objectifs et de moyens » et un manque de transparence du groupe d’analyse des moyens aux associations (Gama), composé « d’élus de la majorité et des services » : « le travail réalisé par la direction du conseil et de l’évaluation, pourtant éclairant sur la situation de certaines associations est insuffisamment pris en compte dans les propositions du Gama à destination du conseil municipal qui ne dispose, de son côté, que de peu d’informations pour prendre ses décisions », soulignent les magistrats.

Une ambition d’aménagement saluée

La CRC BFC salue également, dans son rapport, « les différentes opérations d’aménagement initiées par la commune », des engagements financiers à hauteur de 32,1 M€ qui figurent en deuxième position derrière les moyens déployés pour les « équipements culturels et de rayonnement », un poste qui a mobilisé 69,3 M€ entre 2018 et 2023 et participe à la notoriété de la ville de Dijon (on pense notamment à l’exceptionnelle réhabilitation du Musée des Beaux-Arts), permettant à la commune de se replacer dans la carte mentale des touristes comme des investisseurs qui cherchent à concilier pour leurs cadres dynamisme et qualité de vie. Une dynamique d’aménageur qui n’est pas sans risque financier pour la ville, souligne la CRC, mais assumée par l’équipe municipale qui rappelle, par exemple, les quelque 11.000 demandes de logement non pourvues et une démographie en hausse pour lesquelles cette ambition est nécessaire. Et ce d’autant plus, à moins d’un an maintenant des prochaines échéances municipales. À ce titre, le rapport de la Chambre régionale des comptes recèle quelques pistes de programme que l’on ne serait pas étonné de voir ressurgir...