Collectivités

EBE 58 : De l’emploi au service des hommes (et pas l’inverse)

Nièvre. Le 11 juillet dernier, l’Entreprise à But d’Emploi (EBE 58) du dispositif Territoire Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD) de Prémery et la Banque des territoires ont signé une convention qui permet à l’association de bénéficier de 150.000€ de prêt. L’occasion de mieux connaître ce modèle innovant de création d’emploi.

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Photo de l'activité de l'EBE 58
Le maraîchage biologique est un des secteurs d’activité de l’EBE 58. (Crédit : JDP)

À leur départ en 2002 après 128 ans de présence industrielle à Prémery, les établissements Lambiotte ont laissé, localement, des traces : une des friches les plus polluées de France (dont le démantèlement aura coûté 11 M€) et un taux de chômage de 21%. Vingt ans plus tard, Prémery fait figure de modèle de résilience sociale et d’innovation grâce à un principe « de bon sens » : « L’Établissement à but d’emploi 58 ne propose pas du travail, mais de l’emploi. Nous ne sommes pas dans l’insertion mais dans l’humain. Quand aucun emploi n’est adapté aux personnes au chômage, nous créons l’emploi qui leur correspond », explique sa directrice Marie-Laure Brunet.

Créée en 2017 sous forme associative, EBE58 a en effet pour objectif de créer des emplois grâce aux compétences des personnes volontaires, privées d’emplois de longue durée et habitant le territoire depuis plus de six mois. À ce jour, 104 salariés sont à l’œuvre dans l’EBE58, en CDI et à temps choisi.

Le cœur de l’activité est une ressourcerie, un espace de vente d’objets d’occasion et de meubles. Autour, gravitent divers ateliers : réparation de vélos et d’électroménager, maraîchage bio, réparation de matériel de jardinage et de meubles, affouages, conciergerie, menuiserie et atelier numérique avec imprimante 3D.

Depuis 2023, une manufacture d’objets pour collectivités et entreprises soutenue par un cabinet de design est animée par un lauréat de l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art de Paris. L’EBE58 possède même sa boutique en ligne et un service de livraison. Pour ses résultats, l’expérimentation nivernaise se hisse en tête du classement national.

Un modèle fiable mais qui peine à convaincre

Derrière ce modèle économique figure aussi un autre modèle social : « Le premier objectif de l’entreprise n’est pas la rentabilité mais l’activité et le bien-être humain. Si un menuisier vient, nous créons une menuiserie. Si dans deux ans il veut aller au maraîchage, il est libre d’y aller. S’il veut travailler à mi-temps, il le peut. Nous laissons le champ libre aux salariés. Tout ce que nous demandons c’est que chacun respecte ce sur quoi il s’engage ». Si 75 territoires font aujourd’hui partie de l’expérimentation, la baisse de l’accompagnement de l’État fin 2023 a soulevé des inquiétudes.

Photo de Jacques d'Harcourt, Cédric Aymonier et Marie-Laure Brunet
Jacques d’Harcourt, président de l’EBE 58 (à gauche) et Cédric Aymonier, directeur territorial de la Banque des Territoires, entourent Marie-Laure Brunet, directrice de l’EBE 58. (Crédit : Caisse des dépôts)

Un désengagement que Patrick Valentin, créateur du modèle des TZCLD, dénonçait en février dernier dans les colonnes de Ouest-France : « Lors de sa campagne électorale, en 2017, Emmanuel Macron s’est montré très intéressé par nos idées. Maintenant, ce n’est plus le cas. Et nous sommes très inquiets. Nous avons des propositions à faire mais l’État ne cesse de nous décourager alors qu’il y a des possibilités de développement ».

Un développement dans lequel semblent en tous cas croire la Banque des Territoires, le Crédit Agricole Centre-Val de Loire et Bourgogne Active, la commune de Prémery,la communauté de communes les Bertranges, le Conseil départemental de la Nièvre, la région Bourgogne Franche-Comté, qui tous ensemble, viennent d’apporter 1.391.950 € dans la création d’une nouvelle filière : l’isolation écologique de bâtiments utilisant des matériaux de réemploi et de la paille. Le premier chantier de réaménagement et de rénovation thermique concernera le bâtiment principal (2.500 m²) du site. Un soutien célébré le 11 juillet dernier par la signature d’une convention entre Cédric Aymonier, directeur territorial de la Banque des Territoires - qui apporte 150.000 € sous forme de prêt subordonné d’une durée de sept ans - et Jacques d’Harcourt, président de l’EBE58, à l’occasion de la pose de la 1re botte de paille.