Collectivités

Entretien avec Me Thierry Chiron, avocat au Barreau de Dijon

Interview. Du 13 au 18 octobre, se déroule la semaine nationale et internationale de la médiation, un espace d’information sur ce mode de justice « à l’amiable ». À Dijon, des permanences d’information seront organisées les 14 et 16 octobre, de 9 h à 11 h et de 14 h à 16 h à la Cité judiciaire. Explications avec Me Thierry Chiron, avocat au Barreau de Dijon, médiateur et président de la Compagnie des médiateurs de Bourgogne Franche-Comté et d’ailleurs.

Lecture 9 min

Le Journal du Palais. Qu’appelle-t-on la médiation qui sera au centre de cette semaine d’information ?

Me Thierry Chiron. (Crédit : DR.)

Me Thierry Chiron  : Un petit rappel tout d’abord. Lorsqu’il était Garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti a impulsé une grande politique de l’amiable et a voulu que il y ait de plus en plus d’amiable pour résoudre les conflits, les litiges. En ce sens, il y a d’ailleurs depuis le 1er novembre 2023, la création d’un juge de l’amiable qui préside des Ara, audiences de règlement amiable. En dernier lieu, le décret du 18 juillet 2025 a recodifié les procédures amiables en matière civile.

Pour parler des modes amiables « médiatifs », il y a deux types de médiations : une médiation judiciaire, ordonnée par un juge, au cours d’une instance judiciaire c’est-à-dire lorsque les parties ont déjà porté leur litige devant un juge mais que, finalement, elles choisissent de tenter de trouver une solution à l’amiable. Et la médiation conventionnelle choisie d’emblée par les parties, indépendamment de toute procédure judiciaire. La liberté de choix des parties est fondamentale en médiation : elle s’exerce au moment d’entrer en médiation, puis à tout moment de la médiation. La liberté de quitter le processus est entière, si finalement il ne convient pas. La décision n’a pas à être motivée. Mais dans ce cas, la médiation s’arrête.

Pour répondre précisément, la médiation se passe entre les parties en litige, éventuellement en présence de leurs avocats, et un médiateur professionnel, neutre et indépendant. Le rôle du médiateur est de permettre aux parties, grâce à une écoute attentive, une neutralité absolue et des questions le plus souvent ouvertes, de faire dialoguer les parties afin qu’elles trouvent ensemble la solution pour résoudre leur litige. Ce sont les parties elles-mêmes qui élaborent l’accord dans le cadre sécurisée que leur offre la médiation. Enfin, une autre dimension essentielle de la médiation est la confidentialité : tout ce qui est dit, écrit, échangé lors d’une médiation ne peut pas être utilisé même si les parties retournent ensuite devant le juge. Ceci à moins qu’elles ne soient toutes d’accord pour lever cette confidentialité.

Tout litige peut-il être amené devant un médiateur ?

Tout type d’affaires peut donner lieu à une médiation à l’exception des affaires qui heurtent l’ordre public, qui sont de nature pénale, ainsi que les affaires où les parties ne disposent pas de leurs droits (état civil, par exemple, Ndlr). En revanche, la médiation est une bonne solution lorsque les parties ont besoin de conserver un lien entre elles : les associés d’une société ; le preneur et le bailleur que ça soit un bail d’habitation ou un bail commercial. Et dans le cercle familial : dans les situations de divorce, et même en matière de succession. Imaginez un beau patrimoine, des enjeux importants et une fratrie dont les membres ne se parlaient plus avant le décès des parents. La médiation est un processus idéal, d’abord parce que les parties y consentent volontairement ce qui sous-entend que chacun veut trouver une solution ; ensuite parce qu’en médiation, vous allez faire émerger les raisons véritables pour lesquelles le dialogue était rompu. La situation va ainsi se débloquer. C’est un peu magique parfois la médiation !

Quelle est la différence entre la médiation et une décision de justice rendue par un magistrat ?

Sur le cas précis de la médiation judiciaire, le décret du 18 juillet 2025 prévoit que cette médiation judiciaire a une durée de cinq mois aujourd’hui au lieu de trois auparavant, renouvelable une fois pour trois mois. C’est donc une procédure de huit mois maximum ce qui est, par rapport à la durée d’un procès, extrêmement court.
J’ajoute que dans la médiation, les parties peuvent très bien aboutir à un accord qui ne soit pas l’application stricte de la loi, mais qui va néanmoins répondre à leurs besoins. Ainsi les parties qui ne se sentent pas lésées, puisque ce sont-elles qui ont construit la solution. Et c’est ça la grande différence avec la justice qui, elle, est verticale. Elle vous impose la solution. Le juge applique la loi. Et l’application de la loi, même si vous avez gagné votre procès, ne vous donne pas toujours entièrement satisfaction. Une décision de justice ne peut trancher que les enjeux soumis au juge, l’accord de médiation peut être plus large et répondre à des besoins extérieurs à ceux soumis à la juridiction.

Si la médiation échoue, est-il possible de retourner voir le juge ?

Oui, tout à fait. Le processus de médiation va exercer une influence sur les délais de procédure. Même si la médiation échoue, les parties peuvent finalement retourner devant le juge car quand une médiation est ordonnée, cela interrompt le délai de péremption de l’instance le temps de la médiation. Et ça interrompt aussi le délai de prescription de l’action. L’accès au juge est préservé, car c’est un droit fondamental que de pouvoir saisir un juge.

Sur la nature même de la médiation, le médiateur ne propose pas une solution, n’impose pas quoi que ce soit : il vous aide à discuter avec l’autre partie pour construire la solution. C’est déjà quelque chose d’assez difficile : vous avez des gens qui ont du mal à parler dans le cas d’un litige en raison du stress que ça leur procure, des émotions que ça peut générer. Donc notre rôle c’est de créer de la confiance, faire baisser la tension et par de l’écoute, leur permettre d’arriver à échanger pour trouver par elles-mêmes une solution à leur différend qui les satisfasse les parties. En médiation, on dit que le litige, c’est un besoin insatisfait. Le médiateur aide les parties à exprimer ce besoin.

En quoi consistent les journées d’information sur la médiation des 14 et 16 octobre à la Cité judiciaire de Dijon ?

Toute personne pourra, lors de ces journées, rencontrer des médiateurs professionnels de la Compagnie des médiateurs BFCA et du Centre de médiation de Côte-d’Or. Il ne s’agit pas d’initier des médiations, mais les gens peuvent venir pour se renseigner, savoir comment cela se pratique et connaître ce qu’ils peuvent attendre d’une médiation. Ce sont des rencontres en face-à-face, afin de garantir la confidentialité des échanges et c’est évidemment gratuit. Et nous espérons qu’elles vont contribuer à diffuser véritablement une culture de la médiation.

Propos recueillis par Emmanuelle de Jesus