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L’ESS, « c’est d’abord de l’économie ! »

Économie. L’économie sociale et solidaire se dévoile durant ce mois consacré à un modèle économique qui met l’humain au centre de l’entreprise.

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Photo de Tatiana Desmarest et Antoine Filipek
Tatiana Desmarest, présidente du Cress BFC remet à Antoine Filipek, président de United School Dijon, le prix 2023 de l’ESS régional. L’association United School anime un réseau écocitoyen entre écoles de France et du monde à destination des jeunes de 5 à 16 ans. (Crédit : CRESS BFC)

Formalisée dans la loi du 31 juillet 2014 qui en définit le périmètre, l’économie sociale et solidaire (ESS), dispose depuis presque dix ans d’une définition et d’un socle juridique.

Et pourtant, elle est encore aujourd’hui vue comme « une économie de la réparation, constate Tatiana Desmarest, présidente de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire en BFC rencontrée à Dijon où se tenait le lancement du mois de l’ESS. Mais si l’ESS promeut un modèle vertueux, mettant l’humain, le lien social et le territoire au centre de l’économie, c’est d’abord de l’économie ! »

12% de l’économie régionale

Quelques chiffres pour s’en convaincre : l’ESS en BFC représente, selon l’Insee, 110.143 emplois rémunérés soit 83.560 EQT, les 9.011 employeurs régionaux de l’ESS générant une rémunération brute (hors cotisations patronales), 2,7 milliards d’euros dans des secteurs divers : action sociale (45% des entreprises), activités financières et d’assurances (12%), enseignement (10%) et santé (8%).

« La répartition géographique est la suivante : 59% des entreprises de l’ESS en BFC sont en Bourgogne, 41% en Franche-Comté, complète Lionel Matz, directeur de l’Urssaf Bourgogne. Elle compte 72.000 associations, 8% de mutuelles et 8% de coopératives, 6% de fondations. C’est 15% des salariés du privé. ». L’ESS en BFC, c’est enfin presque 12% de l’économie régionale.

Outre ces indicateurs, l’ESS est aussi garante d’un développement moins métropolitain des activités. « L’ESS ne représente pas simplement une richesse financière, mais aussi des emplois non délocalisables. Elle est d’ailleurs plus développée en milieu rural », confirme Sarah Persil, vice-présidente régionale notamment en charge de la vie associative, de la citoyenneté et de la démocratie participative.

« Investir le milieu rural n’est pas assez rémunérateur pour l’économie traditionnelle », explique Tatiana Desmarest. Il est en effet plus facile pour bien des secteurs de s’installer près des centres urbains pour y trouver la main-d’œuvre, les services et l’écosystème pour s’implanter.

À cela, on peut rétorquer que l’ESS, qui bénéficie de financements et d’une organisation spécifiques, peut se permettre d’investir en milieu rural. Pas totalement vrai, nuance Tatiana Desmarest. S’il existe des aides à la formation, beaucoup moins de subventions au fonctionnement des entreprises de l’ESS qui font davantage appel aux financements participatifs ou à la finance solidaire. Et « le modèle économique est plus fragile : nous n’avons pas de fonds propres car tout est réinvesti », rappelle la présidente du Cress BFC - « la lucrativité nulle ou limitée avec des bénéfices majoritairement réinvestis au sein de l’organisation » est en effet inscrite dans la loi.

ESS et économie traditionnelle : quel dialogue ?

Dans ces conditions, ESS et économie traditionnelle peuvent-elles dialoguer ? Si les objectifs de l’une et de l’autre diffèrent, des points de convergence existent : sur l’ancrage territorial des entreprises par exemple. « Une économie de proximité, non délocalisable est par exemple une chose sur laquelle nous nous retrouvons avec une organisation comme la CPME », assure Tatiana Desmarest.

Dans un contexte de « crise de la valeur travail » dont se plaignent en ces termes bon nombre de patrons, l’ESS a éventuellement aussi son rôle à jouer : « Le rapport au travail dans l’ESS peut être inspirant pour les chefs d’entreprises », veut croire Océane Charret-Godart, vice-présidente en charge de la formation continue, des mutations économiques, du dialogue social territorial et de l’orientation.

L’ESS peut enfin être un levier de la sauvegarde de l’emploi, explique Tatiana Desmarest. « Un chef d’entreprise qui part à la retraite et dont la société n’a pas de repreneur peut évoluer avec ses salariés sur un modèle de l’ESS comme une Scop (société coopérative de production dont les salariés, ayant le statut d’associés, sont obligatoirement associés majoritaires de la société, Ndlr). Cela évite une fermeture et des personnes mises au chômage. Donc tout le monde y gagne ! »

Un mois pour découvrir l’ESS

Tout au long du mois de novembre, de multiples rendez-vous dans toute la BFC permettront aux chefs d’entreprises, créateurs d’entreprises, salariés, étudiants, personnes en recherche d’emploi... de découvrir les opportunités offertes par l’ESS avec notamment le 16 novembre à Montbéliard l’évènement « SignaturESS » pour faire découvrir au public en recherche d’emploi les métiers de l’ESS, ainsi que les dispositifs (formation, accompagnement, mobilités...) dédiés.