L’UBFC perd le label I-Site mais renforce sa stratégie
Universités. À l’issue de l’audition des porteurs de projet par le jury international le 9 juin dernier, l’université confédérale de Bourgogne Franche-Comté (UBFC) a perdu le label I-Site obtenu en 2016 et qui octroyait notamment un accompagnement financier de dix millions d’euros par an. Toutefois, l’UBFC et ses sept établissements membres compte bien poursuivre leur dynamique de développement à l’international pour maximiser les impacts territoriaux.
Le Journal du palais. Dans un communiqué de presse du 1er juillet, la présidente de la région Bourgogne Franche-Comté Marie-Guite Dufay évoque « un coup dur pour les communautés de l’enseignement supérieur et de la recherche [ainsi que] pour les collectivités qui se sont toujours mobilisées pour soutenir cette recherche d’excellence »... comment avez-vous réagi à l’annonce du non-renouvellement du label I-Site ?
Dominique Grevey, président de l’université confédérale de Bourgogne Franche-Comté (UBFC). Le fait de le perdre est évidemment une grosse déception. C’était un label d’excellence mais surtout des crédits, puisque cela représentait un accompagnement financier de dix millions d’euros par an, sachant que nous étions à mi-parcours et qu’il nous restait encore cinq ans.
En quoi consistait ce label ?
Le programme I-Site (Initiatives science, innovation, territoires et économie), tout comme le programme Idex (Initiatives d’excellence), vise à accompagner la transformation d’un site universitaire pour lui permettre d’acquérir une visibilité mondiale. Il fallait donc prouver que nous avions une certaine excellence, du moins que nous étions dans les standards internationaux en termes de recherche, notamment. En Bourgogne Franche-Comté, nous avions identifié trois axes thématiques - que nous voyions plutôt comme des défis scientifiques et des défis sociétaux - à savoir les “matériaux avancés, microsystèmes intelligents et ondes”, les “territoires, environnements et aliments” et les “soins individualisés et globalisés”.
Comment expliquez-vous qu’il n’ait pas été pérennisé en Bourgogne Franche-Comté ?
Le site universitaire, c’est-à-dire le regroupement entre les sept établissements de la région (l’université de Bourgogne, l’université de Franche-Comté, l’université de technologie de Belfort Montbéliard, l’école nationale supérieure de mécanique et des microtechniques, le campus des arts et métiers à Cluny, AgroSup Dijon et BSB), était assez jeune. Nous n’avons pas réussi à construire une université qui ressemble à une université qui a réussi au plan mondial. Le modèle de structuration de l’université confédérale n’a pas vraiment convaincu le jury sur sa pertinence. Sans doute que si nous étions arrivés à faire une fusion des universités, nous aurions réussi à convaincre le jury, sauf qu’une fusion dans le contexte qu’est le nôtre était compliquée et le risque était de diverger plutôt que de converger. Certains diront que nous avons perdu notre temps, mais quand on veut se rapprocher, ce n’est pas toujours aussi évident qu’on peut le penser de l’extérieur. Vous savez, le président Macron a dit, il y a quelques mois : « on a 60 millions d’épidémiologistes lorsqu’on parle de la crise Covid en France » ; ici, c’était pareil, nous avions tout à coup 10.000 spécialistes de la structuration des universités en Bourgogne Franche-Comté... Sauf que quand il faut passer à l’acte, ce n’est pas forcément la même chose ! Je pense que le chemin que nous avons suivi est un bon chemin parce que, malgré la perte de l’I-Site, nous sommes toujours là et nous voulons continuer à travailler ensemble pour être encore plus forts.
Que va-t-il se passer maintenant que l’UBFC n’a plus ce label ?
Nous avons finalement perdu des crédits. Nous n’avons donc plus de beurre à mettre dans les épinards, mais nous avons toujours les épinards et nous allons continuer à les cultiver. Nous allons continuer à travailler sur le développement du site pour qu’il soit visible à l’international, mais avec moins de moyens. Toutefois, les trois domaines d’excellence que nous avions identifiés sont désormais la signature scientifique de notre site universitaire. Nous sommes d’ailleurs en train de déployer des écoles universitaires de recherche, des “graduate school” en lien avec chacun de ces trois axes de façon à les porter comme l’étendard de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’international. D’où l’intérêt d’essayer de faire des alliances avec des universités européennes pour rentrer plus facilement dans des programmes européens, tout en restant en lien aussi avec les projets de territoire. Ces “graduate school” seront un vecteur d’attractivité et, parce que nous aurons des enseignements en anglais, des chercheurs étrangers talentueux vont pouvoir venir épauler et renforcer nos équipes de recherche et nous permettre d’être encore plus fort et encore plus attractif. Nous sommes même en train de réfléchir à un quatrième domaine qui intègrerait davantage nos collègues de sciences humaines et sociales. Cela nous permettrait d’être différenciant d’autres sites universitaires et de montrer où nous sommes forts pour être attractif en région, sachant que ces trois domaines déjà définis sont assez cohérents avec les domaines stratégiques de la stratégie régionale d’innovation vers la spécialisation intelligente de la Bourgogne Franche-Comté. Essayons maintenant de mettre en place des actions stratégiques avec des universités européennes qui sont en lien avec nos projets de territoire, comme l’hydrogène dans le Nord Franche-Comté, mais aussi l’alimentation durable à Dijon, ou encore les microtechniques à Besançon.
Comment cela va-t-il s’articuler ?
La communauté s’est soudée durant ces six derniers mois qui ont quand même vu l’arrivée de deux nouveaux présidents dans les deux universités de la région. Il y a une vraie entente sincère entre les chefs d’établissements qui sont confédérés. Ça n’a pas toujours été le cas mais je peux vous garantir qu’aujourd’hui cette entente est forte et sincère et je pense que nous avons toutes les armes pour être encore vivant comme vrai site universitaire dans dix ans. Tout le monde veut travailler ensemble parce que chacun a compris qu’ensemble on serait plus fort dans le contexte actuel.
Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
Il sera primordial de bien veiller à continuer à renforcer notre politique universitaire de site pour rester bien ensemble, mais aussi avec les organismes nationaux de recherche que sont l’Inrae, le CNRS ou l’Inserm, et d’être bien connecté avec les CHU de Dijon et de Besançon, l’établissement français du sang en Bourgogne Franche-Comté et le centre de lutte contre le cancer - Centre George-François Leclerc à Dijon. Il nous faudra aussi maximiser l’impact de l’université sur son territoire, tout en travaillant avec le Conseil régional en tant que chef de file des collectivités locales, mais aussi avec les agglomérations… En plus de renforcer la politique de site pour être vraiment soudés avec tous nos partenaires stratégiques et bien ancrés sur le territoire grâce à la mise en place d’une politique d’innovation de site, il sera enfin important de développer notre visibilité à l’international grâce à la mise en place de graduate school pour mettre en avant nos spécificités bourguignonnes et franc-comtoises et essayer de profiter de cela pour bien connecter toutes ces alliances stratégiques internationales avec des projets de territoire. En fin de compte, notre objectif principal est de poursuivre notre développement sur l’international pour maximiser les impacts territoriaux.