L’Yonne rêve d’une plateforme commune des secours
Yonne. Le 30 septembre, un comité de pilotage élargi s’est réuni à Auxerre afin de lancer les travaux nécessaires à l’émergence d’un centre de traitement et de régulation des appels (CTRA). Un outil mutualisé et interconnecté qui rapprocherait « physiquement et techniquement » les services d’urgence du 15 et du 18.
De ce côté-ci de la Bourgogne où les dissensions politiques sont légion, rarement un sujet aura réuni un tel consensus. Depuis près d’une décennie, en effet, la majorité des élus locaux militent ardemment pour la création d’un centre coordonné, qui traiterait conjointement les appels d’urgence destinés aux équipes locales du Service d’aide médicale urgente (Samu) et à celles du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis). Avec un double objectif louable : une meilleure coordination des actions et une amélioration de la prise en charge des victimes. « Des plateformes communes existent depuis 30 ans dans d’autres départements et ont prouvé leur efficacité », martèle Christophe Bonnefond, le président des sapeurs-pompiers de l’Yonne, infatigable défenseur du dossier.
Cette mobilisation inédite a trouvé une vigueur nouvelle en 2020 alors que l’agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté (ARS-BFC) menaçait de sacrifier sur l’autel de la rationalisation des coûts le Samu de l’Yonne pour le rapatrier - sans autre forme de procès - à Dijon. L’adoption de plus 300 délibérations dénonçant cette décision incompréhensible conjuguée à une crise sanitaire inopinée amènera l’autorité compétente à écarter cette disposition dans le nouveau Projet régional de santé.
Cinq ans après, l’idée d’un rapprochement entre le 15 et le 18 n’a donc jamais aussi prégnante. Emmené par le conseil départemental de l’Yonne, le comité de pilotage réunissant la préfecture, l’ARS-BFC, le Sdis, le groupement hospitalier du territoire (GHT) Unyon et la ville d’Auxerre, a d’ailleurs jeté les fondements de cette future « plateforme commune 15-18 », fin septembre, espérant une inauguration à l’horizon 2029.
Volonté politique
N’entraînant aucune modification statutaire des agents et n’altérant en rien leur mission, la création de ce CTRA aura néanmoins plusieurs conséquences comme le déploiement d’outils numériques partagés et de procédures identiques destinés à apporter une plus grande efficience à la régulation médicale. « Avec le temps, une culture commune va émerger afin de répondre au mieux aux urgences même si chaque service va conserver ses prérogatives professionnelles. »
Pour l’implantation de cette nouvelle structure, plusieurs pistes sont à l’étude telles que le centre de traitement des appels (CTA) du Sdis, avenue du Général de Gaulle. Un site fortement dégradé qui nécessiterait d’importants travaux. Côté investissement : pas moins de 5 à 6 M€ devront être mobilisés.
Néanmoins, le président de l’assemblée départementale, Grégory Dorte, en est convaincu : « Les planètes sont alignées et il faut, à présent, battre le fer pendant qu’il est encore chaud ! C’est certes un dossier compliqué dans une période compliquée mais il y a une réelle volonté politique que ce projet aboutisse. Il en va, d’une part, de la santé des Icaunais mais ce n’est pas seulement un projet d’infrastructure d’intervention. C’est également un programme de réaménagement du territoire, au moins, à l’échelle de la ville d’Auxerre. Nous allons donc étudier conjointement quelle est la meilleure implantation. »
L’exemple haut-savoyard
Si Christophe Bonnefond et Grégory Dorte sont si enthousiastes à l’idée que cette « plateforme commune 15-18 » puisse enfin se concrétiser dans le département - au même titre que la vingtaine de mutualisation qui fonctionne déjà sur l’ensemble du territoire national - c’est qu’ils ont en tête l’exemple d’Annecy où sont centralisés depuis 1996 les appels du 15, du 18 et même du 112. Un dispositif qui a fait largement ses preuves en matière de santé publique puisqu’il permet une prise en charge plus rapide et une meilleure orientation des victimes. « Le temps d’engagement des secours peut, selon les cas, baisser en moyenne de près d’une minute pour chaque intervention, précise le président du conseil départemental. En cas de crise cardiaque ou d’AVC, par exemple, en une minute, vous pouvez sauver des vies… ».
En Haute-Savoie, l’interopérabilité et la mise en commun des ressources ont été depuis la création du CTRA 74 largement étendu puisque l’Association des transports sanitaires urgents (Atsu 74) en 2002, l’Association des médecins libéraux pour l’urgence (Amlu 74) en 2004 et les urgences sociales, communément appelées le 115, en 2008, ont intégré le dispositif. Parallèlement, même s’ils ne se trouvent pas sur la plateforme commune, d’autres services d’urgence comme la Gendarmerie nationale ou la Direction des voiries et des transports (DVT) du conseil départemental local utilisent le même outil informatique, fluidifiant et rationalisant les interventions. Un dispositif efficient dont se prend à rêver le département de l’Yonne.