La circulation dans les métropoles, un enjeu très politique
Région BFC. Les mobilités inter-urbaines seront probablement un des enjeux des prochaines élections municipales. Cette compétence des métropoles est en effet portée par les conseillers communautaires élus au suffrage direct à la fois pour un mandat de conseiller municipal et pour un mandat de conseiller communautaire. Dans ce contexte, à Dijon comme à Besançon, le futur du tram est déjà sur les rails.

Vendredi 21 mars, 9h30 : les journalistes sont conviés par le président de Dijon métropole, également ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation François Rebsamen. Objet : « présentation du projet d’extension du réseau de transport en commun en site propre (TCSP) et de création d’une 3e ligne de tramway ». Le 27 mars, les élus communautaires votaient (par 76 voix pour sur 84) le lancement d’une concertation préalable pour le projet de la nouvelle ligne de tramway T3. « La future T3 relierait donc Chenôve à Cap Nord, réutilisant des tronçons existants sur un tiers de son circuit et passant, tout en la préservant, par la place Wilson. À Chenôve, le projet des grands vergers du sud, la présence d’Urgo, la requalification envisagée de l’avenue Roland Carraz et l’éventuelle implantation d’un établissement de santé Vyv justifient le choix des élus tout autant que la saturation des lignes à destination de l’université en partant au nord », écrivions-nous dans notre édition du 24 mars, soit un tracé de 10 km dont 3 km de tronc commun avec les lignes T1 ou T2 sur plusieurs sections. Quid de la desserte de Chevigny-Saint-Sauveur ? « La question de la commune de Chevigny-Saint-Sauveur s’inscrit dans nos réflexions, mais le tram n’est pas la solution pertinente », a assuré François Rebsamen lors de cette même conférence de presse du 21 mars. Une option de desserte par ligne rapide est plutôt envisagée.
Désengorger la ville
Ce tracé de la future ligne de tramway T3 ne doit rien au hasard : une étude d’opportunité et de faisabilité commandée par Dijon métropole a comparé différents scénarii pour désengorger la ville, avec un objectif, inscrit dans cette étude : « réduire les flux pendulaires de 10 % d’ici 2030 », en se basant sur le chiffre de 100.000 véhicules qui effectuent quotidiennement le trajet domicile-travail et inscrire la métropole dans une stratégie plus large visant à décarboner le transport public et à favoriser des solutions de mobilité durable, avec pour cadre le Plan Climat et Biodiversité 2024-2030. L’étude d’opportunité et de faisabilité affirme un « potentiel de desserte supérieur à celui projeté pour T1/T2 ».
Autre donnée identifiée : la fréquentation du réseau Divia actuel (tram + bus) estimée à 180.000 voyages/jour dont plus de la moitié en tram, avec une moyenne de 155,7 voyage/habitant (vs 146,2 au national, selon l’Union des transports publics et ferroviaires issus du rapport 2024 de l’organisme). Un réseau très saturé sur le tronçon Darcy-Université et des lianes 5, 6 et Corol très chargées, selon l’étude. « La fréquentation a augmenté de 10% entre 2023 et 2024 », assure Jean-François Dodet, maire de Saint-Apollinaire et conseiller métropolitain en charge notamment de la qualité de l’air et du plan bruit.
Toujours selon cette étude d’opportunité et de faisabilité, l’investissement prévisionnel serait de « moins de 200 M € pour une durée de 40 ans comprenant les infrastructures et le matériel roulant », incluant une économie de 17 M€ grâce au montant « du nombre de bus décarbonés économisés sachant que la durée de vie d’un bus est de 15 ans ».
Décarboner la flotte
La création de cette T3 serait en effet couplée avec une décarbonation progressive de la flotte des bus métropolitains sur les lianes Fontaine-lès-Dijon, Longvic, Marsannay-la-Côte, Saint-Apollinaire, Talant, Fontaine d’Ouche. La projection fait état d’une décarbonation de la flotte à 25% en 2026, année des élections municipales, incluant 16 bus standards et 22 bus articulés roulant à l’hydrogène ; 78% de la flotte décarbonée à horizon 2030, 91% en 2032 (année d’élection également) et 100% en 2035, l’intégralité de la flotte roulant à l’hydrogène ou à l’électricité.
Alors que s’amorce la campagne pour les élections municipales qui auront lieu dans moins d’un an, les oppositions se sont exprimées. Le maire de Chevigny-Saint-Sauveur Guillaume Ruet a contesté la mise à l’écart de sa commune, arguant que dans une métropole de 23 communes, « une ville ne peut pas gagner au détriment des autres ». Des élus n’ont pas apprécié n’avoir pas reçu l’intégralité des travaux du cabinet Egis en charge de l’étude d’opportunité et de faisabilité partiellement dévoilée lors du conseil métropolitain, François Rebsamen assurant en retour qu’elle serait disponible à ceux qui le souhaiteraient. Dans son intervention, Emmanuel Bichot (Agir pour Dijon) a évoqué un « investissement considérable de 300 M€ (avec les intérêts de la dette, précisera Laurent Bourguignat, du groupe d’opposition Dijon Ensemble, Ndlr), selon le chiffre communiqué en commission déplacement et mobilité, qui s’ajoute - avec un faible effet de substitution - au projet dispendieux de renouvellement de la totalité de la flotte des bus pour 185 M€ » et de fustiger une volonté d’éradiquer la voiture, contestée par François Rebsamen.
Le récent sondage commandé à l’institut Ifop par la ville de Dijon a mis la question des mobilités au coeur de leurs préoccupations, avec un taux de satisfaction de 76% concernant l’efficacité du réseau de transports en commun, un peu plus de la moitié des sondés qui trouve la circulation automobile « convenable » et seulement quatre sur dix se disant satisfaits des conditions de stationnement. « Une problématique récurrente dans les grandes villes engagées dans une transition vers une mobilité plus durable », se défend la ville de Dijon dans son bulletin municipal. Nul doute que cette question sera au coeur de la prochaine échéance municipale et, ipso facto, de la métropole.