Collectivités

La Côte-d’Or face à la pénurie de médecins

Territoire. En juin dernier, le ministère de la santé mettait en lumière 151 zones prioritaires identifiées pour la mise en œuvre de la mission de solidarité obligatoire des médecins libéraux. En Côte-d’Or, les territoires ne sont pas égaux face aux problèmes tandis que certains élus n’ont pas attendu pour lutter contre leur désert médical.

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Un zonage réalisé chaque année par l’agence régionale de santé identifie les déserts médicaux nécessitant une intervention prioritaire. Pour dresser cette photographie, l’ARS prend en compte le nombre de médecins ainsi que leur âge, leur renouvellement, le bassin de vie ou encore le flux des patients. « Les déserts médicaux sont des territoires où on n’arrive pas à avoir 2,5 consultations ou visites par habitant et par an chez un généraliste de moins de 60 ans » résume Aline Guibelin, directrice territoriale de l’ARS Côte-d’Or. Dans le département, 15 % de la population vit dans un désert médical contre 37 % en France et 44 % en région avec des départements plus touchés comme la Nièvre, l’Yonne ou encore la Haute-Saône.

En Côte-d’Or, le Chatillonnais mais aussi les communes de Montbard, Venarey-les-Laumes, Saulieu ou encore le bassin d’Auxonne s’inscrivent comme des déserts médicaux. Si cette notion concerne souvent les zones rurales, les quartiers prioritaires de la ville peuvent aussi manquer de médecins. « En 2022, un médecin de la Fontaine d’Ouche est parti sans être remplacé, créant des difficultés puisque les autres médecins étaient déjà saturés. Nous avons mené un travail collectif avec la ville de Dijon et les professionnels de santé ou encore la CPAM pour répondre à la situation. » Aline Guibelin souligne le travail engagé par la mairie qui a rénové un local pour accueillir des médecins quelques heures chaque semaine. « Nous avons financé du temps de coordination. Les nouveaux médecins sont peu à peu venus, appuyés par des médecins séniors. Ça a conduit à l’installation de trois généralistes. » En zone d’intervention prioritaire, les médecins peuvent prétendre à une aide à l’installation de 50 000 euros.

A travers le pacte de lutte contre les déserts médicaux de juin 2025, l’Etat, par le biais de l’ARS, créé des lieux de consultation en fonction de données complémentaires comme les affections longue durée ou le temps de trajet routier jusqu’aux urgences. Concrètement, Baigneux-les-Juifs, Aignay-le-Duc, Rouvray et Liernais profiteront de médecins solidaires. « Les médecins, des profils de médecins qui ont eux-mêmes vécus en milieu rural ou des pré-retraités, touchent 200 euros par jour et ont des facilités administratives. » Le plus dur reste toutefois de susciter l’engouement. « Nous n’avons reçu aucune candidature » regrette Jérémie Brigand, président de la communauté de communes du Pays Châtillonnais, « alors j’ai pris les devants. »

Du besoin à l’action concrète

Photo de Guibelin Aline
Guibelin Aline(Crédits : JDP)

En début d’année 2025, son territoire étendu ne comptait que sept médecins pour 21 000 habitants mais trois généralistes ont depuis rejoint le Châtillonnais. « J’ai fait du démarchage téléphonique, des heures durant, pour finalement trouver un médecin libéral de Haute-Marne venu s’installer en avril. » La collectivité a également choisi d’embaucher deux médecins. Bien que le prix des consultations revienne à la communauté de communes et malgré une aide de 20 000 euros de l’ARS, le reste à charge est évalué à 40 000 euros par an et par médecin. « Nous avons choisi d’offrir un système de soin aux habitants. C’est un choix politique fort que nous faisons. Nous ferons la première permanence à Baigneux-les-Juifs et nous réfléchissons à aller dans d’autres communes. »

L’élu a développé d’autres stratégie. La première pierre d’un futur centre de dialyse capable d’accueillir une vingtaine de patients devrait être posée dans les prochains mois. « Pour l’instant, les patients du Châtillonnais se rendent à Dijon. » Grâce à cet investissement de 1,1 million d’euros, Jérémie Brigand souhaite réduire la fatigue des malades et renforcer l’écosystème médical.

D’autres outils dans la malette

L’Etat tente de déployer d’autres outils comme la télémédecine. « L’ARS dispose d’un fonds pour équiper les professionnels. Nous ne voulons pas nous trouver dans une situation de zéro solution. » Aline Guibelin insiste également sur le rôle des hôpitaux de proximité de Saulieu, Seurre, Châtillon-sur-Seine ou encore Auxonne. « Nous leur demandons de travailler avec de plus grandes structures pour mettre en place des consultations avancées sur certaines spécialités. » Le dispositif consiste à pallier au manque de spécialistes sur un territoire avec une expertise à distance.

Mais Aline Guibelin met l’accent sur la nécessaire attractivité du territoire afin de garantir une installation durable des médecins. « Un professionnel s’installe à 33 ans en moyenne. A cet âge, il a souvent une vie de famille et donc cherche une école pour les enfants et un emploi pour son conjoint. » Dans le cadre des contrats locaux de santé, sept en Côte-d’Or, l’ARS participe au co-financement d’un poste d’animateur santé pour travailler sur la diminution des inégalités. Alors que certains territoires souffrent de l’absence de médecins, la France n’a pourtant jamais eu autant d’étudiants dans la discipline. « Un médecin formé à Dijon sur deux finit par quitter la région. Il faut travailler pour qu’ils restent. »