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« La sécurité est une valeur de gauche »

Région BFC. Suite à son élection, vendredi 5 septembre, au siège de président du conseil régional de Bourgogne Franche-Comté, Jérôme Durain recevait la presse pour un premier entretien. L’ancien sénateur socialiste y assume notamment une position ferme et pragmatique sur le plan de la lutte contre l’insécurité, « dont les principales victimes sont les plus fragiles ».

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Le Journal du palais. Vous avez évoqué lors de votre discours suite à l’élection « une vision de gauche de la sécurité ». Qu’est-ce que vous entendez par là et quelle traduction aura cette vision durant votre mandat ?

Pohoto de Jérôme Durain à l'hôtel de région
Jérôme Durain à l’hôtel de région le vendredi 5 septembre lors de sa première conférence de presse comme président de la région BFC. (Crédit : JDP.)

Jérôme Durain, président de la région BFC. Je suis le coauteur de la loi contre le narcotrafic, qui est une double coproduction transpartisane au sein du Sénat avec Étienne Blanc, sénateur de droite, une loi votée à l’unanimité en première lecture et au Sénat moins l’abstention des écologistes en deuxième lecture ; double coproduction parce qu’on y a travaillé aussi avec Bruno Retailleau et Gérald Darmanin. Donc j’assume pleinement et le parti auquel j’appartiens assume pleinement une nécessaire dimension répressive sur la question de sécurité en disant plusieurs choses : la sécurité est une valeur de gauche parce que c’est un service public, pour lequel nous devons exiger des moyens comme nous le souhaitons pour l’éducation et pour la santé, un service public qui a été beaucoup abîmé par la droite : Sarkozy a fait une hémorragie de 12.000 fonctionnaires dans la police. C’est aussi une valeur de gauche parce que les principales victimes de l’insécurité sont les plus fragiles, les plus démunis. C’est dans les quartiers d’habitat populaire que se passe les règlements de compte. Ceux qui sont sous l’emprise des réseaux criminels, de la criminalité organisée, des clans et des gangs, ce sont les gens les plus modestes. Donc quand on est de gauche, on est engagé pour défendre les plus modestes. La vision de gauche, c’est déjà ça. Il y a également une dimension répressive parce qu’on est en train d’être submergé par le narcotrafic, c’est-à-dire malheureusement ce qu’on a diagnostiqué il y a maintenant un peu plus d’un an. Ces gens sont en train de prendre le pouvoir. Donc il faut taper, il faut taper fort. Et la loi narcotrafic a prévu un certain nombre de dispositifs pour ça. Mais une fois qu’on a fait ça et la gauche a toute sa place dans le travail répressif, il faut la deuxième jambe qui est celle de la prévention et comme président de la région Bourgogne Franche-Comté, je souhaite que nous puissions prendre toute notre part dans le cadre de nos compétences sur ces sujets de sécurité et prévention. J’ai un rendez-vous avec le président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives pour étudier les possibilités d’une action de prévention dans les lycées de la région. Enfin, il faut traiter les questions de consommation par de la prévention, par du soin, par une autre vision sans doute du statut des produits.

Vous serez donc, en 2028, (date des prochaines élections régionales, Ndlr), un candidat qui va parler de sécurité ?

Je pense que la gauche doit exister sur tous les sujets. Quand on a des impensés, c’est là que prospèrent nos adversaires politiques, notamment le Rassemblement national. Il peut venir me chercher sur des questions de sécurité : je sais comment lui répondre. Quand je suis dans une manifestation avec les forces de l’ordre et que je vois ce que c’est que d’être face au black bloc, ça donne un petit peu de crédit à mes propos sur la sécurité.

Les cheminots ont manifesté le jour de votre élection. Vous avez dit comprendre leurs craintes, mais concrètement comment cela va se traduire dans les mois et les années à venir ?

Il s’agit d’un sujet d’exploitation d’une ligne en particulier. D’ailleurs, si on élargit le propos, il y a une inquiétude un peu globale sur le ferroviaire qui combine des sujets sur les lignes de dessertes fine du territoire, les fameuses « petites lignes », des questions sur les guichets, sur l’exploitation, les conditions d’exploitation et plus précisément le sort qui sera fait au personnel dans la nouvelle société qui porte le lot Bon (Bourgogne Ouest Nivernais, Ndlr). On a rencontré courant août, avec Marie- Guite Dufay et Michel Neugnot, les cheminots qui ont exprimé leurs craintes sur la situation sociale. Elle est couverte par des éléments législatifs et par des engagements de la SNCF. J’ai réfuté l’idée qu’on avait une régression sociale, une casse du service public, puisque l’ouverture à la concurrence, même si la formation politique à laquelle j’appartiens ne l’a pas voté à l’époque, c’est la loi de la République qui s’impose à nous. Elle nous permet d’obtenir de la SNCF et de la société dédiée un service qui est amélioré. Donc il y a pas de casse sociale, il n’y a pas d’abaissement du service public. On a un meilleur service public, on a 36 % de trains en plus et des dessertes en plus. Mais effectivement pour les agents, ça peut être un motif d’inquiétude et la base de tout ça c’est Montchanin où un certain nombre de postes affectés sont redéployés ailleurs. Tout ça est encore en fabrication au sein de la société qui va porter le lot Bon. Et puis on sera très attentifs et on fera peser sur l’opérateur la pression nécessaire pour que les agents s’y retrouvent autant qu’il est possible. On a eu une politique très claire, c’est qu’aucune fermeture de guichet n’intervienne sans que le conseil municipal ait donné son accord. Et quand on ferme, il y a des mesures alternatives. Globalement, je ne suis pas inquiet sur la qualité du service public qu’on propose aux usagers de cette région, on y est très attentif.

Vous avez donc créé de nouvelles délégations, la gouvernance évolue. Quels sont les principes qui ont présidé pour vous au choix de cette nouvelle gouvernance ?

Il faut d’abord dire que c’est le changement dans la continuité. Monsieur Odoul a dit que j’étais illégitime, ce qui renvoie au fait que le nouveau président n’est pas le produit d’une élection devant les Bourguignons Francs-Comtois. Mais il faut assumer les résultats électoraux de 2021, le programme qu’on a porté ensemble, l’héritage de Marie-Guite Dufay et apporter une touche personnelle pour compléter, faire valoir ma personnalité, les intuitions que j’ai et adapter le plan de mandat à la réalité politique du moment. On a une modification du tableau des élus qui correspond à des exigences territoriales. Un premier vice-président franc-comtois, tout le monde a compris que c’était l’affirmation de la place de la Franche-Comté dans l’exécutif. C’est la mêmechose pour la deuxième vice-présidente qui est originaire de Besançon. Donc il y a dans l’organisation politique quelques signes qui sont donnés au territoire. Sur les délégations, on sera aussi dans une logique de mouvement réduit. Je pense que les deux sujets qui seront extrêmement importants dans mon esprit sont, d’une part, les questions de méthode : la place de la collectivité régionale vis-à-vis de ses partenaires et comment, dans une période où on parle de simplification, de proximité, parfois de territorialisation, où toutes ces questions sont posées au plan national, on peut nous-mêmes aussi ici se poser la question de la façon dont on fabrique de la politique publique, dont on travaille avec d’autres. Je n’ai plus envie d’entendre la région c’est loin, la région c’est compliqué. Le second sujet est la question de la fierté. Je ne veux pas laisser passer le sentiment que l’extrême-droite est dépositaire de la fierté du territoire parce qu’elle le fait à charge en critiquant tout ce qui va et contre les politiques qui sont conduites. Le président de région doit être le premier ambassadeur de ce qui fonctionne. Il faut que les gens soient fiers de leur région. Ça passe par de l’économie, par la mise en valeur, la mise en réseau, une valorisation de nos acteurs. Et quand une société veut s’installer, qu’elle sente qu’il y a une énergie particulière ici, qu’on y croit, que les élus se serrent les coudes parce qu’il y a un défi à relever dans cette région sur des plans qui sont un peu inquiétants, comme la démographie. Éric Houlley va s’occuper de la méthode que j’ai évoquée et Nicolas Soret qui est vice-président aux finances et à l’économie, pilotera le chantier de la fierté.