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Le Banlay, de « quartier sensible » à « village urbain »

Nièvre. Transformer un quartier politique de la ville en village urbain, c’est le projet qu’a lancé la ville de Nevers dès 2014. 72M€, des centaines de logements réhabilités ou détruits, des parcs, des jardins et un quartier qui se réintègre dans la ville.

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Vue sur les travaux en cours en juillet 2024.(Crédit : ville de Nervers)

Dans les années 1950, lors des travaux de détournement de la nationale 7 qui « trouent » alors la ville, le quartier des Pâtis - traversé par la Nièvre et surnommé « les mariniers » - est enseveli sous le bitume, tandis que le quartier du Banlay connaît un essor considérable. Entre 1959 et 1971, sous les mandats de Paul Dubost (1953-1959) et Jean-Louis Ramey (1959-1971), 17 barres d’immeubles, emblématiques du modernisme de l’époque, sont construites, densifiant la population et constituant, comme dans toutes villes, un « quartier défavorisé ». Dès 2014, dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), (voir encadré), porté par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), la municipalité sur les espaces publics et Nièvre Habitat pour le logement décident de transformer Le Banlay en un « village urbain », un projet reconnu d’intérêt régional de réaménagement complet, le tout pour un budget de 72 M€. Outre son coût, l’autre singularité est que la municipalité invite les habitants à imaginer l’avenir de leur quartier. Pour Anne Wozniak, adjointe à l’Urbanisme et à l’Environnement naturel de la ville de Nevers : « C’était une démarche nécessaire à l’acceptabilité par les habitants. » Amandine Boujlilat, première vice-présidente de Nevers Agglomération, adjointe au maire de Nevers, ajoute : « Le projet était titanesque puisqu’il s’agissait de demander aux habitants d’être relogés dans d’autres quartiers pendant plusieurs années avant de revenir. »

Concertation et enjeux majeurs

Photo de Anne Wozniak
Anne Wozniak, adjointe à l’Urbanisme et à l’Envionnement naturelle de ville de Nevers.(Crédit : ville de Nervers)

Dix ans après le lancement de la concertation, le Banlay se transforme : « Il y a toujours eu beaucoup de monde aux temps de concertation. Ce sont des opérations qui sont très lourdes, très complexes, mais qui suivent la philosophie dessinée par les habitants, explique Anne Wozniak. Les habitants étaient conscients de vivre dans des bâtiments délabrés, où la moitié des locataires étaient partis. La véritable inquiétude était de savoir comment garder l’âme du quartier quand on crée une trouée pendant plusieurs années ». Un projet qui va non seulement se nourrir de la concertation, mais également s’adapter au climat géopolitique : « La maquette financière que l’on avait travaillée au tout début n’est évidemment plus la même après la guerre en Ukraine, avec l’inflation qui a suivi. Les coûts ont augmenté de 15 % environ. On a donc demandé un délai supplémentaire de deux ans pour un achèvement en 2032 », souligne Amandine Boujlilat.

Un village écoresponsable

En termes de chiffres, 570 logements ont été démolis et 106 reconstruits - 56 sur le quartier, 50 hors-site sur l’agglomération - et plus de 400 réhabilités. En lien avec Nièvre Habitat, certains habitants ont été déplacés, d’autres ont été maintenus dans leurs logements : « Mais 75 % environ ont exprimé le souhait de revenir, précise Anne Wozniak qui vit elle-même dans le quartier, ce qui montre l’attachement des habitants. Et le projet s’est verdi. Les habitants ont exprimé leur envie d’espaces verts, de lieux de partage, de loisirs, de jardins partagés. Il fallait donc garder l’idée d’un village ». Ce village se caractérisera à terme par de nombreux espaces : la création d’un parc sur ce qui deviendra « la place du village », ainsi que des jardins partagés inclus dans un programme baptisé « Banlay fertile » : « Nous avons répondu à un appel à projet pour réorienter le quartier sur l’agriculture en ville à travers de nombreux espaces verts. Plutôt que de planter de l’ornemental, on se dirige vers la cueillette en ville : des arbres, des herbes. On réfléchit au concept d’un

Photo de Amandine Boujlilat
Amandine Boujlilat, vice-présidente de Nervers Agglomération.(Crédit : ville de Nervers)

centre animalier, à des zones de contact avec l’homme, où des familles sont responsables des animaux, où elles peuvent ramasser les oeufs ». L’objectif : fabriquer une culture des habitants autour de l’environnement et de la biodiversité, un environnement porté par les services municipaux qui ont, depuis 2014 récupéré 40 hectares de zones désartificialisées. Toutefois, Anne Wozniak fait un constat amer : « En ce qui concerne l’animal, le ministère de l’agriculture n’apporte aucun soutien ». Pour Amandine Boujlilat, la réhabilitation a également un objectif plus politique : dans un quartier qui regroupe trois lycées et un collège, le nouveau Banlay ambitionne d’attirer des familles, des enfants et des services publics : « Nous avons réussi à conserver un bureau de poste alors que la politique du groupe est plutôt de centraliser. Mais si les élus investissent 72 M€, ce n’est pas pour que les services s’en aillent ». La dernière phase du projet concernera la réorganisation des écoles, entamée dès 2016 avec la fermeture de plusieurs établissements face à la baisse démographique (plus de 10.000 habitants en moins entre 1975 et 2010). L’idée est de créer une école augmentée en regroupant les écoles Blaise Pascal et Guynemer. Là aussi, la concertation a fait son oeuvre et modifié le Planguide : « On a échangé avec l’équipe éducative, les enseignants, les parents d’élèves et un collectif de proximité avec des habitants et des commerçants, et on a changé nos projets. On devait réhabiliter l’école Blaise Pascal et fermer Guynemer, mais finalement après la concertation, Guynemer a une emprise au sol plus importante qui permettrait de faire une école plus étendue, plus agréable, plus au coeur du quartier et pour dynamiser l’ensemble du secteur, on va reconstruire un équipement de proximité : mairie, centre social, cellules commerciales », conclut Amandine Boujlilat.

Vue de la future place du village.(Crédit : ville de Nervers.)

Réintégrer le quartier dans la ville

Construit en bordure de l’ancienne RN7, le quartier du Banlay dispose d’un atout majeur : sa proximité avec le centre-ville, accessible par un passage sous l’ex RN7, la trémie. Dans le cadre du réaménagement de l’ancienne nationale, la trémie sera bouchée pour laisser place à un rond-point entouré de voies douces : « l’objectif est de créer une véritable suture ; un grand plateau traversant sera aménagé, entouré d’un parc qui permettra de rejoindre directement le centre-ville et de remettre le Banlay au coeur de la ville », explique Anne Wozniak..