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Le Creusot-Montceau ouvre le champ des « possibles »

Saône-et-Loire. David Marti, maire du Creusot et président de la Communauté urbaine Creusot-Montceau et Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines, ont présenté les projets de développement du « Territoire de tous les possibles » au préfet de région, Franck-Robine.

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  • Photo de Laurent Bouquin, Franck Robine, Yves Séguy, David Marti et Marie-Claude Jarrot
    De gauche à droite : Laurent Bouquin, directeur général des services de la Communauté urbaine Creusot-Montceau (CUCM), détaille les plans d’aménagement de la zone d’activités Coriolis à Franck Robine, préfet de la région BFC ; Yves Séguy, préfet de Saône-et-Loire ; David Marti, président de la CUCM, maire du Creusot et Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines. Crédit : JDP.
  • Photo des emplacements des sites de Jimmy et du joaillier MCGP
    Sont indiqués par les flèches les emplacements des sites de Jimmy (à gauche sur le plan) et en face, du joaillier MCGP. (Crédit : JDP)

Le préfet de région, Franck Robine l’assure : sa venue au Creusot et à Montceau-les-Mines, était « prévue de longue date ». Il n’empêche que montrer localement l’implication de l’État et l’impact des politiques publiques dans cette troisième circonscription de Saône-et-Loire, à peine trois semaines après le deuxième tour des élections législatives qui a vu le candidat RN, Aurélien Dutremble, faire tomber le député sortant Renaissance Rémy Rebeyrotte, avait sûrement une saveur particulière... même si David Marti, maire du Creusot et président de la Communauté urbaine Creusot-Montceau (CUCM) nuance : « Ce vote n’est pas forcément lié aux politiques locales, mais plutôt une sanction nationale. » La réalité du territoire aujourd’hui, quelle est-elle ?

Au 1er trimestre 2024, selon les chiffres de la Dreets, la Saône-et-Loire était, avec la Côte-d’Or, les seuls départements de BFC connaissant une baisse des demandeurs d’emploi. Elle est également le seul département de la région à bénéficier du dispositif « sites clés en main France 2030 » (55 sites identifiés au plan national), visant à accélérer la mobilisation d’un foncier industriel de qualité, dans un contexte de sobriété foncière, avec pas moins de deux lieux retenus : la friche Philips-Nordeon à Chalon-sur-Saône et la friche Lucy à Montceau-les-Mines, gratifiée en novembre 2023, d’une visite du ministre de l’Économie d’alors Bruno Le Maire, venu en personne assister au dynamitage de la tour aéroréfrigérante (100 mètres de hauteur) et la cheminée (140 mètres de hauteur) de cette ancienne centrale thermique alimentée par le charbon local.

Les bâtiments restants sont soigneusement démantelés par l’entreprise Cardem et l’ensemble du site, qui représentera 40 ha, voué à devenir « une écoplateforme industrielle », explique Thomas Périn, qui suit la nouvelle vie de Lucy pour le groupe GazelEnergie, propriétaire des lieux. 15 M€ sont mobilisés pour la déconstruction en vue d’implanter des industries de production d’énergie verte. Au nord, un parc photovoltaïque de 15 MWc, et au sud de la production de biogaz (méthane) vont à terme, signer le renouveau du site, abandonné depuis 2014. Dans ce dispositif, l’État intervient au niveau réglementaire, afin de purger le foncier des autorisations nécessaires pré-installation.

HUB multimodal

Parmi les atouts qui ont dû compter au moment de définir ces fameux sites clé en main - et qui devraient séduire des chefs d’entreprise en recherche de lieux d’implantation - la proximité du noeud multimodal de transport dont peut se targuer le territoire de la CUCM : un accès au canal du Centre (gabarit Freycinet) ; la RCEA (Route Centre Europe Atlantique), à 30 mn de l’A6 pour laquelle l’État et ses partenaires financiers ont investi près de 600 M€ depuis 2014 pour les deux premières phases de sa mise à 2x2 voies (le préfet de région a révélé lors de sa visite « avoir reçu mandat » pour la mise en oeuvre de la troisième phase) ; et enfin la gare TGV. C’est d’ailleurs la création de cette gare en 1981 qui avait entraîné l’aménagement de la zone d’activités Coriolis, dont l’expansion, entravée par l’arrêt de la société sidérurgique Creusot-Loire (1984) repartira en 2016 (implantation de la plateforme logistique des supermarchés Lidl). De nouvelles parcelles sont en cours d’aménagement, pour un montant de 720.000 € HT (voirie, réseaux, eau potable, éclairage).

Deux projets au moins sont connus : Jimmy (micro-réacteurs nucléaires) et le joaillier MCGP. Concernant Jimmy, le préfet de région n’hésite pas à rappeler « l’enjeu national » que représente ce nouvel opérateur dont la naissance remonte à 2020 et qui a pour ambition de fournir de l’énergie décarbonée aux industriels grâce à ses générateurs thermiques qui « réinventent la fission nucléaire », vante la CUCM.

Le préfet de Saône-et-Loire Yves Séguy suit chaque semaine l’avancée du projet industriel qui va mobiliser un montant record de 100 M€ et a bénéficié d’une aide non moins remarquable de 32 M€ dans le cadre du plan France 2030. 300 emplois sont attendus à terme sur ce site qui occupera 120.000 m² et devrait être mis en service en 2028. « L’État veut que ça marche ! », sourit Franck Robine. En face de Jimmy, le groupe familial de joaillerie MCGP a lui prévu l’installation sur 8.000 m² d’un site de fabrication de bijoux qui viendra compléter aux deux manufactures qu’il possède déjà depuis 2019 à Besançon et depuis 2023 à Toulon-sur-Allier. Passé de la PME à l’établissement de taille intermédiaire de 650 collaborateurs, MCGP va générer 350 emplois directs en Saône-et-Loire. Preuve de sa détermination, le groupe a d’ores et déjà installé des bâtiments provisoires pour y former ses futurs collaborateurs avant l’installation définitive dans les locaux de la zone Coriolis.

Réindustrialiser le futur

Enfin, toujours dans l’optique d’une réindustrialisation tournée vers le futur, la CUCM a souhaité la création d’un lieu hybride, baptisé hub&go. Sur 4.000 m², il centralisera un incubateur de projets innovants, une pépinière de start-up, des outils de formation, un fab lab, un pôle entrepreneurial...

À proximité, seront déployés le pôle formation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie sur 3.500 m², pour renforcer l’offre en alternance, en formation pour les salariés d’entreprises et pour les demandeurs d’emploi sur le territoire communautaire, et une école de production orientée chaudronnerie et soudage, en lien avec les enjeux compétences identifiés localement, et en complément de l’offre de formation proposée à ce jour par l’École de production de Chalon-sur-Saône en usinage. Les jeunes y prépareront un CAP réalisations industrielles en chaudronnerie et soudage.

Tous les possibles...

À terme, ce sont donc plusieurs milliers d’emplois qui sont attendus sur un territoire qui a dû apprendre à se réinventer sans renier son passé après l’abandon des filières industrielles historiques. Une stratégie qui semble payer, c’est la conviction de David Marti. « Le développement a même été plus soudain qu’on ne le pensait, analyse-t-il. Le territoire est clairement identifié au niveau national, avec une lisibilité forte de son caractère industriel ; il est désormais dans les radars ».

  • Représentation 3D du technopôle hub&go
    Le technopôle hub&go : un lieu hybride comprenant un incubateur de projets, une pépinière d’entreprises innovantes, un fab lab, une plateforme 3D en lien avec le campus des métiers et qualifications Industrie technologique innovante et performante, Polytech Dijon... (Crédit : Atelier Novembre)
  • Photo de David Marti, Yves Séguy et Franck Robine
    Le site du Belvédère, qui surplombe le Creusot, permet de se rendre compte de l’inclusion des sites industriels au coeur de la ville. De gauche à droite : David Marti, Yves Séguy et Franck Robine. (Crédit : JDP)

Le président de la CUCM, appuyé par la maire de Montceau-les-Mines Marie-Claude Jarrot, estime aussi que la collectivité fait ce qu’il faut pour optimiser l’attractivité de son territoire, faciliter les implantations et susciter les projets d’investisseurs (même les plus inattendus à l’image du chanteur Gims qui a rencontré récemment David Marti...), tout en étant réalistes : « Nous sommes aussi conscients que des emplois créés entraînent de nouveaux besoins en services publics, transports, logements et en santé », assure le président quand Marie-Claude Jarrot affirme la nécessité « pour les élus d’avoir la maîtrise de l’habitat ».

À ce titre, l’expérience du site Loison (une ancienne manufacture de 3.000 m²), propriété de la ville de Montceau-les-Mines est éloquente : pourtant lauréat d’un Appel à manifestation d’intérêt au titre du programme Action coeur de ville, bénéficiaire de surcroît de subventions pour abonder le plan de financement de 850.000 € pour la démolition et la dépollution du site, Loison n’est, si on ose ce jeu de mots, pas prêt de prendre son envol. Le programme de 32 logements n’a généré que trois réservations et doit donc être intégralement repensé. Cela ne semble pas inquiéter Yves Séguy à la vue du site, devenu une friche : nul doute que l’avenir de Loison était donc au menu de la réunion de travail qui a suivi ce marathon de visites. Mais la CUCM ne s’est-elle pas choisi comme slogan « Le territoire de tous les possibles ? ».